Une rentrée éditoriale africaine foisonnante
Le catalogue Afrique 2025 de L’Harmattan se dévoile comme un kaléidoscope d’histoires, de savoirs et d’expériences, porté par des voix d’Algérie à la Guinée, du Burkina Faso au Sénégal. À travers quinze titres annoncés, l’éditeur installe un dialogue fécond entre sciences humaines, art et santé.
La maison parisienne conserve ainsi son ancrage africain historique tout en explorant des champs inattendus, de l’ethno-art-thérapie à la « prioritologie ». Chaque ouvrage, souvent préfacé par des universitaires reconnus, promet une lecture accessible mais solidement documentée, propre à nourrir tant le grand public que les chercheurs.
Dialogue entre thérapies traditionnelles et art
Paru dans la collection Arts : thérapie, Ethno-Art-Thérapie d’Adaem et du guérisseur diola Bacary Diatta relate trois années d’ateliers menés au centre psychiatrique de Ziguinchor. Cauris, talismans, sculpture et peinture s’y combinent pour apaiser des patients psychotiques et éclairer nos conceptions du soin.
Dans sa préface, le psychiatre Alain Gleize souligne que ce modèle hybride répond à l’appel de l’OMS pour des approches culturellement situées. Le livre propose une méthodologie précise, des observations cliniques et un questionnement éthique qui pourront inspirer les équipes soignantes du continent.
Prioritologie : un concept né à Brazzaville
Julien Francis Moufonda, édité dans la collection Harmattan Congo-Brazzaville, introduit La science des priorités, qu’il présente comme la première pierre d’une « prioritologie ». En quatre-vingts pages, l’auteur formalise lois et typologies destinées à aider décideurs, entreprises et citoyens à hiérarchiser l’essentiel.
L’ouvrage résonne particulièrement avec la modernisation impulsée à Brazzaville dans la gestion publique. Sans s’ériger en manuel gouvernemental, il propose des grilles d’analyse transposables aux politiques nationales, confirmant la vitalité intellectuelle congolaise au moment où le pays diversifie ses leviers de croissance.
Histoires et patrimoines revisités
Plus au nord, l’historien Adama Tomé consacre un volume érudit aux peuples du sud-ouest burkinabè. Migrants venus du Ghana au IXᵉ siècle, Lobi, Pwa ou Birifor ont tissé alliances et rivalités que l’auteur reconstitue minutieusement en croisant sources orales et archives coloniales.
Le livre souligne aussi la dimension artistique de ces communautés, notamment les célèbres statuettes Bateba, vecteurs d’une spiritualité toujours vivante. La préface de l’enseignant-chercheur Vincent Ouattara replace ces identités dans un contexte sahélien fragilisé, mais riche d’innovations culturelles et touristiques.
Civilisations peules et mandingues à l’honneur
Au cœur du Fouta-Djallon, El Hadj Souleymane Bah explore Le Puutoo, bonnet traditionnel peul réservé jadis à l’aristocratie. Décortiquant teintures, symboles et transmissions orales, il révèle comment un simple couvre-chef a structuré hiérarchies et mémoires collectives, loin des récits coloniaux figés.
Dans le même élan patrimonial, Boundiala Dioubaté invite à Norassoba, village mandingue où la langue maninkakan et l’alphabet N’Ko restent vecteurs de sagesse. Paysages, oralité et économie locale s’entrelacent, rappelant la force des micro-territoires comme laboratoires de développement durable.
Travail social et diversités en débat
Le Séminaire international de Dakar livre deux gros volumes coordonnés par Amadou Ndoye. Le premier, Mutations familiales et devenir-sujet, décortique dix ans d’échanges entre écoles de travail social d’Afrique et d’Europe, mettant en avant la recomposition des solidarités dans une mondialisation accélérée.
Le second ouvrage, Intervenir en situation d’interculturalité et de migrations, s’attarde sur les pratiques professionnelles face aux pluralités linguistiques et religieuses. Les contributeurs interrogent la posture éthique de l’intervenant et proposent des formations croisées, pertinentes pour les acteurs institutionnels d’Afrique centrale.
Santé publique : nutrition et approches holistiques
Sur le terrain très concret du diabète, la nutritionniste camerounaise Louise Renée Loe détaille une alimentation adaptée aux réalités locales. Manioc, plantain, sauces d’arachide sont passés au crible, rappelant qu’une politique de santé réussie s’enracine dans les habitudes culinaires des communautés.
Symplice Ebo, naturopathe reconnu, propose quant à lui une lecture holistique du cancer. Son Œil du naturopathe conjugue pharmacopées africaines, nutrition et accompagnement psychologique. L’auteur y voit « la fin d’une mauvaise époque » dominée par le seul biomédical, sans jamais nier l’importance de la recherche clinique.
Ce que disent ces livres de l’Afrique contemporaine
Pris ensemble, ces titres esquissent un portrait nuancé d’une Afrique en mouvement, attentive à ses héritages tout en inventant de nouveaux outils conceptuels. L’Harmattan parie sur des formats courts, des prix contenus et une diffusion numérique accrue pour toucher la diaspora connectée.
En creux se lit aussi la confiance d’auteurs africains envers le livre comme levier de rayonnement. Du Congo-Brazzaville à la Guinée, la jeune génération d’essayistes dialogue avec les aînés, articulant rigueur scientifique et récit sensible pour répondre aux défis sociaux, sanitaires et environnementaux.
Le marché congolais en ligne de mire
Ces ouvrages, programmés entre octobre 2025 et début 2026, s’ajouteront aux catalogues nationaux déjà dynamiques. L’Harmattan annonce des lancements à Dakar, Ouagadougou et Brazzaville, confirmant la consolidation de routes du livre africain au service de la connaissance partagée.
Pour les libraires congolais, ces nouveautés représentent une opportunité de diversification bienvenue. Le président de l’Association des éditeurs du Congo rappelle que « la demande en ouvrages universitaires et de développement personnel est en hausse constante, portée par la croissance du secteur tertiaire et l’émergence d’une classe moyenne lectrice ».
Reste à encourager la distribution dans les villes secondaires, enjeu logistique majeur des années à venir.
