Un verdict pour marquer les esprits
La Cour d’Appel de Dolisie a rendu, cette semaine, une décision qui fera date dans les annales judiciaires du Congo-Brazzaville. Alex Ebata Mbossa, plus connu sous le surnom de « le Gentil », a écopé de vingt ans de travaux forcés assortis d’une lourde amende.
Le tribunal a ordonné le versement de trois millions de francs CFA à la Caisse publique, ainsi que cinq millions de francs CFA de dommages et intérêts, portant la sanction pécuniaire totale à huit millions de francs CFA.
Retour sur un braquage spectaculaire
Les faits remontent au 28 avril, dans la ville de Sibiti, chef-lieu du département de la Lékoumou. Ce jour-là, la Caisse de retraite des fonctionnaires, connue sous l’acronyme CRF, a été la cible d’un vol qualifié à main armée.
Selon le dossier d’instruction, Alex Ebata Mbossa aurait pénétré dans l’enceinte avec une arme de guerre de type PMAK, un fusil d’assaut redouté pour sa cadence de tir. Les enquêteurs estiment que cinq millions de francs CFA ont alors été dérobés.
Aucun coup de feu n’a été tiré, mais la population a été profondément choquée par l’irruption d’un tel arsenal militaire dans une structure civile. La gendarmerie, alertée, a rapidement mobilisé des effectifs pour sécuriser les abords et procéder aux premières constatations.
Des audiences sous haute tension à Dolisie
Le transfert de l’affaire devant la Cour d’Appel de Dolisie a attiré un public nombreux. Familles de victimes, étudiants en droit et simples curieux se sont pressés dans la salle, conscients de l’importance symbolique de ce procès pour la lutte contre la criminalité armée.
À la barre, l’accusé a reconnu la détention de l’arme, tout en minimisant son rôle. Il a expliqué être « sous l’emprise de la peur » lorsqu’il a pris une décision qu’il dit regretter aujourd’hui. Le ministère public a, au contraire, insisté sur la préméditation.
Pour Me Jeanne-Claire Mabiala, avocate de la partie civile, « la sévérité de la loi répond ici à la gravité des actes ». L’argument a trouvé un écho chez les magistrats, qui ont retenu les circonstances aggravantes liées au maniement d’une arme de guerre.
La défense, emmenée par Me Willy Dinga, a plaidé l’enfance difficile de l’accusé et l’absence de casier judiciaire antérieur. Les juges ont toutefois considéré que la protection des citoyens passait avant toute indulgence, prononçant une peine exemplaire rarement observée pour ce type de méfait.
Le poids de la loi sur les armes de guerre
La législation congolaise interdit strictement la détention d’armes automatiques par des civils. Le Code pénal révisé en 2022 prévoit des peines pouvant aller jusqu’aux travaux forcés à perpétuité lorsque l’usage de ces armes s’accompagne de violence ou de menace grave.
Dans cette affaire, la présence du fusil PMAK, classé parmi les armes de guerre, a constitué l’élément déclencheur de la lourde condamnation. Les observateurs estiment que la décision envoie un signal clair aux groupes criminels tentés par l’escalade militaire.
Parallèlement, le ministère de l’Intérieur poursuit des campagnes de sensibilisation sur la restitution volontaire d’armes lourdes issues des anciens conflits. La coordination entre forces de sécurité et autorités locales vise à prévenir de nouveaux détournements d’équipement militaire.
Les enseignements pour la sécurité dans la Lékoumou
Le département de la Lékoumou n’avait jamais connu, ces dernières années, un braquage d’une telle ampleur. Les élus locaux espèrent que la sanction prononcée découragera toute velléité future et confortera le sentiment de sécurité indispensable au développement économique régional.
Du côté des commerçants, on souligne déjà une reprise de confiance. « Nos clients reviennent, rassurés par la réaction des autorités », se félicite Armand Ngouala, gérant d’une quincaillerie proche de la CRF. Il souhaite toutefois voir renforcées les patrouilles nocturnes.
Les organisations de la société civile plaident, elles, pour un accompagnement social des anciens combattants afin d’éviter que des armes circulent clandestinement. Plusieurs ateliers de formation professionnelle sont prévus dans la région, en partenariat avec les ministères concernés.
Pour les forces de l’ordre, le cas d’Alex Ebata Mbossa servira de référence dans la conduite des enquêtes sur les crimes impliquant des armes automatiques. Une cellule mixte police-gendarmerie, déjà à l’œuvre dans le Niari, pourrait être étendue à la Lékoumou.
En filigrane, le verdict réaffirme la priorité accordée par les autorités congolaises à la protection des citoyens. Le ministre de la Justice a salué « une décision qui renforce la confiance dans nos institutions », rappelant que l’État de droit reste la pierre angulaire du pacte social.
La défense dispose encore d’un pourvoi en cassation, mais n’a pas annoncé son intention de l’exercer. Si la peine devenait définitive, Alex Ebata Mbossa purgerait sa sanction dans un établissement pénitentiaire du sud-ouest, sous le régime des travaux forcés.
Au-delà du cas individuel, ce jugement pourrait peser dans la jurisprudence future. En fixant le curseur haut, la justice de la république du Congo entend dissuader l’usage d’armes de guerre et préserver la stabilité d’un territoire déjà engagé sur la voie de la relance.
