Des kits pour briser le plafond d’exclusion
Dans les quartiers périphériques de Brazzaville, vingt-deux femmes vivant avec un handicap viennent de recevoir de quoi transformer leur quotidien : machines à coudre, congélateurs, fours, ballots de friperie ou tables de baby-foot. L’opération, pilotée par l’Observatoire handicap humanité, s’inscrit dans le Projet « Kotonga ».
Financé par l’ambassade de France en République du Congo, ce programme vise à renouer le fil de l’indépendance économique pour des femmes souvent confrontées à la double discrimination du genre et du handicap, aggravée lorsqu’elles sont victimes de violences domestiques ou communautaires.
La deuxième cohorte, baptisée « Maman Bibiane Itoua » en hommage à l’administrateur-maire du septième arrondissement, incarne le passage de relais entre les autorités locales et la société civile pour ancrer l’entraide dans la durée.
Les kits ne sont pas distribués au hasard. Chaque outil correspond à un projet validé : un congélateur pour un petit dépôt de glace, un baby-foot destiné à une buvette de quartier ou une machine à coudre pour lancer un atelier de retouches.
Une alliance ONG-collectivités efficace
« Nous saluons le partenariat qui renforce le pouvoir d’achat de celles que la société oublie souvent », a déclaré Annelle Mercia Ngondzi Matondo, représentante jeunesse de H20, rappelant que l’enjeu est moins l’assistance que la création d’un revenu stable et digne.
Dans cette logique, l’ONG prépare la naissance d’un groupement d’intérêt économique baptisé « Meya ». Prévu depuis juin 2025, il rassemblera bénéficiaires et sympathisants afin de mutualiser achats, stockage et distribution, gages d’économies d’échelle et de professionnalisation.
Avant toute remise, les services sociaux de Mfilou ont examiné quarante dossiers. Ils ont évalué pertinence, cohérence, faisabilité, viabilité et efficience, un barème inspiré des standards de micro-finance, pour écarter les propositions trop fragiles.
Sélection des projets : rigueur et transparence
Résultat : quarante-deux micro-projets sont désormais autorisés, dont vingt-deux pour cette promotion. Huit d’entre eux ont décroché une note supérieure à 32 sur 50, signe que la qualité progresse après les ajustements réalisés lors de séances de coaching individuel.
La cheffe de circonscription, Ida Yann Paka Missié, déplore toutefois que certaines bénéficiaires sollicitent les mêmes aides auprès de différentes structures, risquant d’alourdir le suivi. Elle plaide pour un guichet unique afin d’améliorer la traçabilité et l’impact.
Autonomie financière et formation continue
Le président du conseil d’administration, Guy Blaise Bilombo, insiste pour que les femmes ouvrent des comptes d’épargne. « Ces kits ne sont pas des cadeaux, mais des leviers de libération. La discipline financière reste la clef de votre autonomie », a-t-il martelé.
Symboles de cette confiance, Junelia Tchikouwou, élève de troisième, se réjouit d’un four traditionnel qui doublera sa production de gâteaux destinés aux cantines. « Je passerai de quinze à trente plateaux par semaine », assure-t-elle, scrutant déjà de nouveaux marchés.
Diversification économique nationale
Au-delà des histoires individuelles, l’initiative épouse les priorités nationales de diversification économique. La stratégie du Congo-Brazzaville met en avant l’économie sociale et solidaire pour réduire la pauvreté et créer des emplois non dépendants des hydrocarbures.
Dans ce cadre, les mairies d’arrondissement jouent un rôle pivot : elles délivrent agréments, facilitent l’accès aux marchés locaux et intègrent les nouvelles micro-entreprises dans leurs plans de développement communal, créant un maillage propice à la formalisation.
Le Plan national de développement 2022-2026 prévoit justement le renforcement des filets sociaux et l’appui à l’entrepreneuriat féminin. En se concentrant sur les femmes handicapées, Kotonga apporte une réponse ciblée à un angle mort de nombreuses politiques publiques.
Coopération française et perspectives régionales
Pour l’ambassade de France, partenaire financier, le projet illustre la coopération de proximité. Selon un responsable du service de coopération et d’action culturelle, l’objectif est de soutenir « des initiatives tangibles, mesurables et susceptibles d’être reproduites ailleurs dans la sous-région ».
La route reste pourtant semée d’embûches. Les fluctuations des prix, la concurrence informelle et l’accessibilité limitée aux infrastructures adaptées peuvent fragiliser les micro-entreprises portées par des personnes handicapées. H20 insiste sur l’importance d’un accompagnement continu et de formations régulières.
Suivi, défis et espoirs
Malgré ces défis, l’ambiance à la remise des kits était résolument optimiste. Entre applaudissements et chants, les bénéficiaires ont promis de prouver que solidarité et entrepreneuriat peuvent rimer, au Congo-Brazzaville, avec succès et dignité.
Les prochaines étapes prévoient un suivi trimestriel, incluant visites de terrain et ateliers sur la gestion comptable. Les organisateurs espèrent mesurer, d’ici fin 2024, l’augmentation moyenne des revenus et, surtout, la confiance retrouvée par les porteuses de projets.