Un rendez-vous mondial décisif
La Journée internationale de l’alphabétisation, célébrée le 8 septembre, revient comme un jalon essentiel pour rappeler le rôle structurant de la lecture et de l’écriture dans le développement durable, l’équité sociale et la cohésion des sociétés contemporaines.
En 2023, l’UNESCO a retenu le thème « Promouvoir l’alphabétisation à l’ère du numérique », soulignant l’impératif d’adapter les politiques éducatives aux réalités technologiques qui transforment les modes d’acquisition des savoirs et reconfigurent les inégalités d’accès à l’information.
Au Congo-Brazzaville, les institutions publiques, les organisations de la société civile et leurs partenaires internationaux saisissent cette date pour dresser un bilan nuancé des avancées, des défis et des perspectives ouvertes par la généralisation progressive des outils numériques dans les dispositifs d’alphabétisation.
Des progrès tangibles au Congo-Brazzaville
Depuis une décennie, la République du Congo a inscrit l’alphabétisation des jeunes et des adultes dans son Plan national de développement, mobilisant des fonds publics et l’appui technique de l’UNESCO pour réduire un taux d’analphabétisme évalué à 18 % selon la dernière enquête MICS.
Les centres communautaires de lecture et d’animation culturelle, installés dans la quasi-totalité des chefs-lieux de département, offrent aujourd’hui des sessions modulaires combinant alphabetisation fonctionnelle, formation professionnelle courte et initiation aux bases du codage par des tablettes à faible consommation énergétique.
Selon le ministère de l’Enseignement préscolaire, primaire, secondaire et de l’Alphabétisation, plus de 120 000 apprenants ont obtenu un certificat de compétence de base entre 2019 et 2022, un indicateur salué comme « encourageant » par la directrice des programmes nationaux d’éducation non formelle.
Le défi du numérique inclusif
Le passage au numérique n’est pas seulement une question d’équipement; il soulève des interrogations sociologiques sur le rapport à l’écrit, la langue d’enseignement et la fracture de genre dans l’accès aux plateformes éducatives, notamment en zones rurales où l’électricité reste intermittente.
Des projets pilotes, tels que les salles connectées de Makoua et Sibiti, expérimentent l’utilisation de contenus hors ligne préchargés sur des mini-serveurs, minimisant les besoins de bande passante tout en garantissant une mise à jour régulière des ressources à chaque passage d’équipes mobiles.
Le professeur de sociologie Achille Ngatsé estime que « la démocratisation des compétences numériques passe par l’ancrage dans les langues nationales, faute de quoi les motivations s’érodent ». Ses enquêtes soulignent l’efficience des forages linguistiques mixtes chez les adultes post-alphabétisés.
Politiques publiques et partenariats
Le gouvernement congolais, appuyé par l’Organisation internationale de la Francophonie, déploie depuis 2021 un programme d’inclusion numérique ciblant les femmes commerçantes, programme qui couple micro-crédits, formation comptable et modules d’e-littératie créés avec l’Institut national de recherche et d’action pédagogique.
L’Union européenne finance parallèlement le projet Écran vert, qui installe des ateliers solaires de réparation d’ordinateurs portables et sensibilise aux écogestes, renforçant l’objectif de durabilité inscrit par Brazzaville dans la Stratégie nationale d’alphabétisation adoptée en conseil des ministres.
Pour garantir la cohérence, un comité inter-ministériel assure le suivi des indicateurs et publie un tableau de bord semestriel; cette culture de la donnée permet d’ajuster rapidement les curriculums et de mutualiser les bonnes pratiques recueillies dans les écoles primaires, les prisons et les casernes.
L’alphabétisation comme bien commun
Au-delà des chiffres, l’approche congo-brazzavilloise insiste sur l’alphabétisation comme vecteur de citoyenneté active. Dans les classes du soir de Talangaï, des animations sur la tolérance, les droits humains et la gestion pacifique des conflits s’intègrent aux exercices de lecture, créant un lien direct entre savoir et vivre-ensemble.
Les responsables religieux, invités à co-concevoir des modules, rappellent que la lecture des textes sacrés a historiquement servi d’incitation à l’apprentissage. Cette participation des communautés confère à la campagne une légitimité culturelle et renforce la portée des messages visant la non-discrimination et l’ouverture interconfessionnelle.
Une dynamique citoyenne
À Pointe-Noire, un réseau de jeunes volontaires anime des « cafés lecture » sur les plages, utilisant des conteurs traditionnels pour capter l’attention de publics éloignés de l’école. L’association Grand Large estime avoir touché 6 000 personnes en un an, dont 60 % de femmes.
Les entreprises locales s’engagent également. Une société de télécommunications a financé une bibliothèque mobile dotée d’une connexion satellitaire; les ouvriers participent à des ateliers de lecture le week-end, démontrant que la formation continue peut s’intégrer au cadre professionnel et améliorer la productivité par une meilleure compréhension des consignes.
Pour l’écrivaine Henriette Ikaouété, marraine de l’édition 2023, « l’enjeu n’est pas seulement de savoir lire, mais de lire le monde avec esprit critique ». Cette perspective place l’alphabétisation au cœur du projet de société défendu par les autorités, axé sur l’innovation et la paix sociale.
Le 8 septembre, une cérémonie officielle se tiendra à la Bibliothèque nationale de Brazzaville, avec remise de prix aux lauréats des concours d’écriture numérique. Des tables rondes aborderont l’accessibilité pour les personnes handicapées, soulignant la volonté gouvernementale de ne laisser aucun citoyen en marge de l’écosystème digital.
Un engagement collectif perdure.