Un tête-à-tête aux allures de rendez-vous stratégique
En marge de la 50ᵉ session de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie, le salon de la présidence de l’Assemblée nationale française a servi de cadre à une rencontre emblématique entre Isidore Mvouba et Yaël Braun-Pivet. Sous les ors républicains, les deux responsables ont affiché une cordialité qui dépassait la simple politesse diplomatique. « Nos histoires institutionnelles sont intimement liées ; il nous appartient de leur donner un souffle nouveau », a souligné le président congolais, rappelant que la Francophonie reste l’un des vecteurs les plus efficaces de la coopération multilatérale. Cette réaffirmation survient à un moment où les échanges Sud-Nord cherchent à se réinventer, loin des schémas de verticalité hérités du passé colonial.
Relancer le protocole d’accord : de la déclaration d’intention à l’outil opérationnel
La discussion s’est rapidement concentrée sur la relance du projet de protocole d’accord entre les deux institutions législatives. Imaginé dès 2015 mais resté en sommeil, l’instrument est appelé à devenir la charpente juridique d’une coopération plus régulière, articulée autour d’échanges d’expertise, de stages pour les secrétaires généraux et de partages de bonnes pratiques en matière de contrôle parlementaire. Selon un conseiller du Palais Bourbon, l’idée est de « passer d’une diplomatie de circonstance à un mécanisme pérenne, mesurable et évalué ». Le geste n’est pas anodin : il ancre la relation bilatérale dans la temporalité longue propre aux institutions, au-delà des alternances gouvernementales.
La bibliothèque parlementaire de Brazzaville : symbole d’un transfert de savoirs
Isidore Mvouba a plaidé pour un appui technique et documentaire de la France à la création d’une bibliothèque parlementaire au Congo. Cet outil, souvent méconnu du grand public, constitue pourtant le cœur épistémique du travail législatif. Le soutien sollicité ne se limite pas à un don d’ouvrages ; il comprend la mise en place d’un système de classification harmonisé avec les standards internationaux et la formation d’archivistes locaux. Braun-Pivet a salué l’initiative, y voyant « une condition sine qua non pour l’approfondissement de la culture démocratique francophone ». Dans l’architecture globale de la relation bilatérale, cette bibliothèque pourrait devenir un îlot de rayonnement scientifique au cœur de l’Afrique centrale.
Convergences présidentielles et suivi parlementaire des grands chantiers
La dynamique des discussions trouve son origine dans les visites réciproques des présidents Denis Sassou Nguesso et Emmanuel Macron, qui ont acté en mai dernier un partenariat énergétique, une interconnexion portuaire et la future Académie de lutte contre la criminalité environnementale. Conscients de la nécessité d’éviter l’effet d’annonce, Mvouba et Braun-Pivet ont convenu de créer un mécanisme conjoint de suivi parlementaire. Cette démarche, inspirée du modèle de la Commission mixte franco-marocaine, vise à associer les commissions sectorielles des deux Assemblées afin de mesurer les progrès et d’anticiper les obstacles réglementaires. Dans une conjoncture internationale marquée par la transition énergétique et la sécurisation des chaînes logistiques, le dispositif offrirait une garantie de continuité et de transparence.
Un partenariat énergétique au service de la modernisation des infrastructures
Parmi les projets prioritaires figure la modernisation du réseau électrique congolais, enjeu crucial pour l’industrialisation et l’accès universel à l’énergie. Paris voit dans ce secteur un terrain d’expérimentation pour ses entreprises spécialisées dans les énergies renouvelables, tandis que Brazzaville y décèle un levier de croissance inclusive. Un haut fonctionnaire congolais, requérant l’anonymat, estime que « la valeur ajoutée résidera dans le transfert de technologie, mais aussi dans la gouvernance des projets, afin d’éviter les dérives budgétaires ». Sur ce point, le contrôle parlementaire conjoint pourrait constituer une boussole, garantissant un alignement entre besoins locaux et offres extérieures.
Perspectives : vers une diplomatie parlementaire de la co-construction
En confirmant son intention de se rendre prochainement à Brazzaville, Yaël Braun-Pivet a donné un signal fort quant à la densification de la relation interparlementaire. Au-delà des protocoles, l’enjeu est celui d’une diplomatie de la co-construction, où les législateurs ne se contentent plus d’entériner des accords négociés par les exécutifs mais deviennent acteurs de la formulation des politiques publiques conjointes. Pour le politiste Jean-Hubert Nzouzi, cette évolution « répond à la demande croissante de redevabilité et de transparence des opinions publiques, en Afrique comme en Europe ». À l’heure où le multilatéralisme subit des tensions, l’axe Brazzaville-Paris entend démontrer que le dialogue institutionnel peut encore produire du consensus et de l’innovation. La signature du livre d’or par Isidore Mvouba, clin d’œil solennel à l’histoire parlementaire française, scelle une étape symbolique qui en appelle d’autres, plus opérationnelles, dans les mois à venir.