Un chantier attendu par les enseignants
Samedi 9 août 2025, l’Institut national de recherche et d’action pédagogique bourdonnait d’un optimisme retrouvé. Devant près de cinquante participants, le professeur Omer Massoumou a annoncé la relance officielle de l’Association congolaise des enseignants de français, l’ACEF.
L’organisme, mis en sommeil durant plusieurs années, ambitionne désormais de fédérer toutes les forces pédagogiques, du préscolaire à l’université, afin de renforcer l’usage d’un français exigeant au service du développement national.
En coulisses, le bureau a reçu mandat de proposer un plan triennal, articulé autour de la formation continue, de la production de ressources et d’une présence accrue sur le terrain, notamment dans les écoles rurales.
L’événement s’inscrit dans un contexte où le gouvernement met l’accent sur la revalorisation de la formation des enseignants, considérée comme un levier stratégique pour atteindre les objectifs du Plan national de développement 2022-2026.
Un diagnostic lucide de la salle de classe
La rencontre a d’abord dressé un tableau contrasté de l’état du français scolaire. Bien que la langue demeure vecteur d’unité, les tests nationaux révèlent une baisse du niveau de lecture et d’expression écrite chez de nombreux collégiens.
Les intervenants ont souligné que la confusion entre “enseigner le français” et “enseigner en français” fragilise la maîtrise des fondamentaux. Sans enseignants spécialisés, certaines écoles réduisent la grammaire à la portion congrue.
Selon Alain Fernand Loussakoumou, responsable du master français à l’École normale supérieure, “former un professeur de français revient à former un technicien du langage, pas seulement un animateur de classe”. Le consensus a été clair sur la nécessité d’expertiser le curriculum.
Formation continue : cœur de la réforme
Les débats ont convergé vers un impératif : redonner aux enseignants l’accès à une formation continue de qualité, adossée aux recherches en didactique.
L’ACEF prévoit d’organiser des ateliers trimestriels sur l’analyse grammaticale, la méthodologie de lecture, l’évaluation par compétences et l’intégration du numérique, en partenariat avec l’INRAP et l’Université Marien Ngouabi.
Pour financer ces sessions, l’association compte sur les cotisations, mais aussi sur des appuis institutionnels. Le ministère de l’Enseignement préscolaire, primaire, secondaire et de l’alphabétisation a signifié sa disponibilité à accompagner l’initiative.
Vers une ouverture aux disciplines connexes
Au-delà du cercle des enseignants de lettres, l’ACEF veut fédérer ceux qui dispensent les sciences ou l’histoire en français. Promouvoir une langue d’enseignement rigoureuse renforcera la compréhension disciplinaire et la réussite des apprenants.
Des modules transversaux sont envisagés, mêlant terminologies scientifiques et techniques d’argumentation. Cette perspective, saluée par plusieurs inspecteurs, répond à la volonté nationale de bâtir un capital humain compétitif dans la sous-région.
Les expériences pilotes, programmées dans trois lycées de Brazzaville, permettront d’évaluer l’impact d’un renforcement linguistique sur les résultats en mathématiques et en sciences physiques.
Les défis logistiques et financiers
Relancer une organisation associative n’est pas sans obstacles. Les participants ont évoqué le coût des déplacements, la rareté du matériel didactique actualisé et la nécessité de disposer d’un siège administratif fonctionnel.
Un fonds de solidarité interne sera constitué pour soutenir les enseignants des régions enclavées. Des discussions sont en cours avec des partenaires privés afin de sponsoriser l’impression d’ouvrages pédagogiques adaptés aux programmes.
À moyen terme, une plateforme numérique regroupant cours modèles, banques d’exercices et fiches de préparation pourrait réduire la dépendance aux livres coûteux et démocratiser l’accès aux contenus actualisés.
Perspectives régionales et internationales
Le français congolais s’inscrit dans un espace francophone de plus de 300 millions de locuteurs. L’ACEF souhaite tisser des liens avec ses homologues du Cameroun, du Gabon et de la Côte d’Ivoire afin d’échanger bonnes pratiques et ressources.
Un protocole de jumelage d’écoles sera proposé, permettant à des classes de partager projets d’écriture créative ou rencontres virtuelles d’auteurs africains. Ces échanges contribueraient à renouveler l’intérêt des élèves pour la littérature contemporaine.
En outre, l’association projette de candidater aux programmes de l’Organisation internationale de la Francophonie dédiés à l’innovation pédagogique, ouvrant la voie à des financements supplémentaires et à une visibilité accrue.
Ce que les élèves peuvent attendre
Au terme de l’assemblée, les enseignants se sont dits conscients que la réussite de la relance se mesurera d’abord aux progrès des élèves. Une meilleure maîtrise du français ouvre l’accès aux savoirs scientifiques, juridiques ou économiques.
À moyen terme, l’ACEF espère contribuer à la consolidation de résultats aux examens nationaux et à la croissance du nombre d’étudiants capables de rédiger avec rigueur des mémoires ou des projets professionnels.
En guise de feuille de route, un rapport d’étape sera présenté chaque année afin d’objectiver les avancées et d’ajuster les actions. La dynamique engagée pourrait inspirer d’autres associations disciplinaires.