Hommage national au Palais des congrès
Le Palais des congrès de Brazzaville a vibré sous le recueillement d’une nation entière venue saluer André Georges Mouyabi, ancien président de l’Assemblée nationale décédé à Paris le 18 septembre, à l’âge de quatre-vingt-dix ans.
Devant le cercueil drapé aux couleurs nationales, le président de la République, Denis Sassou Nguesso, a déposé une gerbe avant de s’incliner longuement, geste qui a suscité un silence à la fois solennel et ému dans l’hémicycle.
Membres du gouvernement, parlementaires, diplomates, familles et anonymes ont ensuite formé un cortège discipliné, confirmant l’attachement du pays à ceux qui, comme Mouyabi, ont consacré leur vie à l’affermissement des institutions congolaises.
L’orchestre de la Garde républicaine a interprété l’hymne national, tandis que les drapeaux étaient mis en berne, créant une atmosphère de respect partagé où l’unité nationale semblait, le temps d’une matinée, transcender les clivages.
Itinéraire d’un fils de Ditadi
Né en 1935 à Ditadi, dans le district de Loudima, département de la Bouenza, André Georges Mouyabi découvre très tôt les exigences de l’école républicaine, après avoir suivi ses premières classes au collège moderne de Dolisie.
Sa réussite scolaire le porte rapidement vers la fonction publique naissante, à un moment où la République du Congo, fraîchement indépendante, recherche des cadres capables d’accompagner les profondes mutations politiques et économiques du continent.
Député successivement de Madingou, Loutété et Mfouati, il sillonne les plaines et collines du Niari et de la Bouenza, cultivant un lien direct avec les populations rurales qui nourrira durablement son engagement social.
Les proches se souviennent d’un homme simple, qui, même lorsqu’il siégeait à la capitale, continuait d’envoyer des lettres manuscrites à son village pour solliciter des conseils auprès des anciens, attitude révélatrice d’un tempérament inclusif.
Au cœur des responsabilités nationales
En 1965, il devient préfet de Dolisie, ville stratégique sur l’axe ferroviaire, où il pilote la mise en œuvre de programmes d’urbanisation destinés à absorber l’exode rural croissant des années soixante.
Porté à la présidence de l’Assemblée nationale en mai 1966, Mouyabi doit composer avec des débats âpres et un contexte régional mouvant, marqué par l’effervescence idéologique post-coloniale et la recherche de modèles institutionnels africains.
Lorsque le président Alphonse Massamba-Débat décide de dissoudre l’hémicycle en août 1968, André Georges Mouyabi quitte son perchoir sans éclat, fidèle à sa réputation de discrétion et à son sens aigu de la discipline républicaine.
Plus tard, il occupera les portefeuilles de l’Industrie et des Mines, de l’Urbanisme et de l’Habitat puis de la Fonction publique, avant de devenir conseiller spécial du président Pascal Lissouba entre 1996 et 1997.
Une cérémonie pleine d’émotion
Lorsque le premier secrétaire de l’Assemblée nationale, Fernand Sabaye, prend la parole, sa voix se brise un instant, traduisant l’intensité d’une relation institutionnelle tissée au fil de deux générations de parlementaires.
« Travailleur, humble et convaincu », déclare l’orateur, soulignant un parcours guidé par la recherche permanente d’équilibres, qualité particulièrement précieuse dans un pays encore en quête d’harmonisation de ses dynamiques politiques.
Sur les écrans géants, une mosaïque de photographies retrace les visites de Mouyabi sur les chantiers miniers, dans les quartiers en rénovation ou au perchoir, rappelant la dimension multidisciplinaire de son service public.
Chaque image est ponctuée d’applaudissements, comme si l’assemblée, au-delà du deuil, tenait à célébrer l’action concrète d’un homme ayant privilégié la méthode et la négociation plutôt que l’éclat médiatique.
Un legs institutionnel significatif
Les analystes estiment que sa présidence éclair de l’Assemblée a néanmoins posé des jalons durables, en particulier la promotion d’un dialogue inclusif avec les groupes parlementaires, pratique aujourd’hui intégrée dans la culture politique congolaise.
De nombreux textes relatifs à la décentralisation, préparés lorsqu’il était au gouvernement, continuent de guider l’aménagement des territoires, notamment la stratégie de modernisation des chefs-lieux de département.
Son approche du capital humain, défendant la formation continue des cadres administratifs, trouve un écho dans la réforme actuelle de la Fonction publique, illustrant la longévité de ses intuitions.
En filigrane, l’hommage national exprime donc une reconnaissance envers les figures de consensus qui, sans renoncer à la fermeté, ont contribué à consolider l’État et à préserver la stabilité institutionnelle.
Le dernier repos à Ditadi
Après la cérémonie, le cortège funéraire prend la route de la Bouenza, où la terre rouge de Ditadi, riche d’histoires familiales, accueillera la dépouille sous un ciel que les anciens disent porteur de bénédictions.
Résonneront alors les tambours traditionnels, mêlant le chœur des parents, des dix enfants, des petits-enfants et des visiteurs, dans un dernier adieu à celui que l’oraison a invité à « aller en paix » pour l’éternité.