Une commémoration tournée vers l’action
Le 12 octobre, les Ngunza-matswanistes ont honoré la mémoire du prophète Simon Kimbangu. La célébration a servi de tremplin à une annonce stratégique : la création d’un département de développement et d’éclosion, confié au pasteur Roland Mbaloula.
Pour le nouveau responsable, la meilleure manière de rendre hommage au prophète est de traduire la parole en actes productifs, capables d’améliorer le quotidien des fidèles tout en soutenant l’économie nationale.
Le pari agropastoral comme moteur
Premier axe du plan : l’agriculture et l’élevage. « Nous voulons transformer l’oisiveté en valeur ajoutée », résume Roland Mbaloula. Les cultures vivrières, les jardins maraîchers et les fermes avicoles doivent fournir emplois, revenus et sécurité alimentaire.
Cette orientation répond aux priorités gouvernementales de diversification hors-pétrole. En s’alignant sur les objectifs publics, la communauté espère convaincre les institutions de financement de soutenir son programme.
Cinq sites pilotes déjà identifiés
Le mouvement a sécurisé cinq terrains. À Kimpandzou et Missafou, dans le département du Pool, de vastes superficies accueilleront des plantations et un centre de formation.
À Kibina, 8ᵉ arrondissement de Brazzaville, près de six parcelles serviront de vitrine urbaine : un kimoko, des potagers et un espace d’élevage. Deux autres aires demeurent confidentielles, le temps de finaliser des accords fonciers.
Le kimoko, cœur spirituel et social
Chaque site sera structuré autour d’un kimoko, lieu de culte et d’administration. L’architecture mêlera symboles religieux et fonctionnalités modernes, illustrant le slogan interne « prières le matin, semis l’après-midi ».
Cette organisation entend préserver la cohésion spirituelle tout en stimulant la productivité. « Nous ne voulons pas choisir entre foi et développement ; nous avançons avec les deux », souligne le pasteur.
Une expertise patiemment constituée
La communauté ne part pas de zéro. Depuis vingt-sept ans, Ngudi Nganga, père spirituel des Ngunza-matswanistes, a envoyé des membres en formation. Aujourd’hui, elle revendique sept agronomes, plusieurs techniciens d’élevage et des gestionnaires.
Roland Mbaloula apporte, lui, un savoir de tradithérapeute : « La connaissance des plantes médicinales complète nos filières ». Cet atout pourrait ouvrir un segment phytothérapeutique, créateur de valeur ajoutée.
Financements : entre foi et institutions
Pour passer du projet au champ labouré, le département vise le Fonds d’impulsion, de garantie et d’appui, ainsi que d’autres organismes partenaires. Les dossiers seront déposés dès l’achèvement des études techniques.
La communauté mise également sur la mobilisation interne : des cotisations religieuses et des contributions de la diaspora doivent couvrir les premiers travaux et prouver la viabilité du modèle.
Un dialogue constructif avec l’État
Les dirigeants matswanistes affichent leur confiance dans l’accompagnement public. Le Pasteur Mbaloula insiste : « Nous sommes une communauté religieuse reconnue. L’État ne nous laissera pas seuls ».
Ce partenariat vise un triple bénéfice : création d’emplois ruraux, réduction de l’exode vers Brazzaville et apport de matières premières aux marchés locaux.
Quand la symbolique nourrit le leadership
Au cours de la cérémonie, Ngudi Nganga a posé un chapeau orné de deux aigles sur la tête de Roland Mbaloula. L’emblème marque l’entrée dans le cercle des administrateurs.
Dans la culture Ngunza-matswaniste, l’aigle incarne vigilance et altitude. Porter deux aigles revient à rappeler sans cesse la double responsabilité : spirituelle et économique.
Une trajectoire forgée dans la patience
Arrivé dans la communauté en 1986, Mbaloula a attendu trois décennies avant d’obtenir le titre de pasteur, puis celui de Ntumua. « Ngudi Nganga voulait que je sois prêt », confie-t-il.
Cette lente maturation renforce sa légitimité. Les fidèles voient dans son parcours la preuve qu’une vision, même différée, finit par porter des fruits concrets.
Impact attendu sur les jeunes fidèles
Le programme vise surtout la jeunesse. Les formations agropastorales offriront des débouchés à des diplômés parfois sans emploi. Des incubateurs internes aideront les porteurs de projets à disposer de terres, semences et conseils.
À terme, la communauté souhaite que chaque jeune puisse devenir employeur, plutôt que chercheur d’emploi.
Ouverture vers l’international
Les matswanistes sont présents dans plusieurs diasporas africaines et européennes. Des cellules locales établiront des partenariats techniques, notamment pour l’irrigation goutte-à-goutte et la transformation agroalimentaire.
Des expatriés envisagent de rapatrier des équipements usagers mais fonctionnels, réduisant les coûts d’installation.
Simon Kimbangu, inspiration durable
En rendant hommage au prophète kimbanguiste, les fidèles rappellent le lien entre émancipation spirituelle et autonomie économique. Selon Mbaloula, « Kimbangu a prôné la dignité par le travail ».
La référence consolide l’identité du mouvement tout en l’inscrivant dans une histoire panafricaine des Églises engagées dans le développement.
Un projet aligné sur la diversification économique
Le Congo-Brazzaville cherche à réduire sa dépendance aux hydrocarbures. En misant sur l’agropastoral, les matswanistes s’insèrent dans la Stratégie nationale de développement 2022-2026, notamment son ambitieux volet agricole.
Ainsi, un groupe religieux contribue à un objectif macroéconomique, illustrant la complémentarité entre initiatives communautaires et ambitions publiques.
Des défis identifiés mais assumés
Accès aux semences certifiées, logistique vers les marchés et maîtrise des aléas climatiques figurent parmi les obstacles. Un comité de suivi intégrera des agronomes et des économistes pour éviter l’improvisation.
« Quand tu connais ta mission, les moyens vont te suivre », aime rappeler le pasteur, citant le fondateur Mfumu Matswa.
Prochaine étape : premiers coups de pioche
Les études topographiques à Kimpandzou sont achevées. La construction du kimoko devrait débuter avant la saison sèche. Parallèlement, des pépinières seront mises en place pour garantir des plants adaptés.
Les premières récoltes pourraient voir le jour dans dix-huit mois, si les financements se débloquent dans les délais prévus.
Vers une économie de la foi productive
À travers ce programme, la communauté démontre qu’une organisation religieuse peut être un acteur économique crédible. Elle allie rites, gouvernance et plan d’affaires, esquissant un modèle hybride.
Le projet matswaniste interpelle d’autres confessions : l’avenir spirituel pourrait passer par la maîtrise des chaînes de valeur terrestres.
Un signal pour l’écosystème congolais
En pleine transition économique, le Congo-Brazzaville voit émerger de nouveaux partenariats entre acteurs privés, religieux et publics. Les Ngunza-matswanistes s’inscrivent déjà dans cette dynamique en privilégiant des solutions locales et durables.
Leur initiative rappelle qu’au-delà des grandes annonces, le développement se construit sur des terres, des mains et une vision partagée.