Un geste de solidarité pour la rentrée
À Brazzaville, le 11 octobre, la salle polyvalente de Makélékélé s’est transformée en ruche d’enthousiasme. Devant des parents émus, l’Association Jhony-Chancel pour les albinos et « Redonner le sourire » ont offert fournitures scolaires et crèmes solaires à plusieurs dizaines d’élèves atteints d’albinisme.
Le geste, simple en apparence, répond à deux urgences : préserver la santé cutanée des enfants exposés aux ultraviolets et garantir leur assiduité à l’école, faute de quoi le décrochage scolaire menace encore une partie de cette minorité.
La double priorité éducation-santé
« Scolariser un enfant, c’est lui permettre de rêver », a rappelé Sylvia Okandzé, porte-parole de l’association. Pour elle, cahiers et stylos deviennent des passeports vers l’autonomie, tandis qu’une peau protégée offre le confort nécessaire pour suivre les cours sans douleur.
Le message résonne avec l’ambition nationale d’une éducation inclusive, soutenue par les autorités congolaises. En facilitant l’accès au matériel, les ONG complètent les efforts publics et rappellent que le handicap pigmentaire ne saurait condamner quiconque à la marginalité.
Un appui institutionnel et diplomatique
La cérémonie a également mis en lumière l’appui du ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la Réforme de l’État, Jean-Luc Okio. Sa présence a été saluée comme un signe d’attention institutionnelle envers les personnes atteintes d’albinisme.
Aux côtés du gouvernement, l’ambassade de la Fédération de Russie a renouvelé son soutien logistique. Les représentants diplomatiques ont souligné l’importance de partenariats multilatéraux pour répondre aux besoins spécifiques des albinos, illustrant une coopération Sud-Sud élargie aux acteurs extérieurs.
L’action de fond de l’AJCA depuis 2014
Fondée en 2014, l’AJCA s’est donné pour mission de révéler les talents intellectuels et sociaux de cette communauté longtemps invisibilisée. En moins d’une décennie, l’organisation a bâti un réseau de bénévoles, d’enseignants et de professionnels de santé répartis dans plusieurs départements.
Le 21 avril 2017, elle a franchi une nouvelle étape en ouvrant une clinique spécialisée offrant consultations, traitements dermatologiques et évacuations sanitaires sans facturation. L’établissement, pionnier au Congo-Brazzaville, constitue aujourd’hui un point de référence sous-régional pour les patients vulnérables.
Des praticiens venus du Mali, d’Ouganda, de Belgique ou encore de Russie y partagent leurs expertises, renforçant les compétences locales et favorisant la recherche de protocoles adaptés aux peaux dépigmentées.
Des défis persistants pour les PAA
Malgré ces avancées, les personnes atteintes d’albinisme affrontent encore un double fardeau : la fragilité cutanée et la stigmatisation sociale. L’exposition prolongée au soleil provoque brûlures, kératoses et, dans les cas extrêmes, cancers de la peau difficiles à traiter.
À l’école, les éblouissements causés par la luminosité peuvent limiter la lecture au tableau, tandis que le regard parfois moqueur de camarades renforce l’isolement. Conjuguées, ces contraintes finissent par faire chuter le taux d’achèvement scolaire.
La crème solaire high-protection devient alors bien plus qu’un cosmétique : elle représente une barrière quotidienne qui rétablit l’égalité des chances, en permettant aux enfants d’assister aux cours sans craindre l’ulcération de leur peau.
Engager les familles et la société civile
« Nous exhortons les parents à envoyer systématiquement leurs enfants à l’école », insiste Jhony Chancel Ngamouana, président de l’AJCA. Il rappelle que le taux de fréquentation demeure perfectible, mais qu’une dynamique collective peut inverser la tendance.
Dans cette perspective, le secteur privé est invité à contribuer en nature ou en fonds, tandis que les collectivités locales peuvent faciliter la mise à disposition de salles d’alphabétisation et de points d’eau indispensable pour l’entretien cutané.
Vers une couverture sanitaire durable
La clinique gratuite de l’AJCA illustre déjà un modèle de couverture sanitaire communautaire qui pourrait inspirer d’autres ONG ou hôpitaux publics. Son financement repose sur les dons et sur des campagnes de sensibilisation axées sur la prévention plutôt que sur le curatif.
À moyen terme, certains professionnels plaident pour l’inclusion de la crème solaire dans la liste des médicaments essentiels afin d’en réduire le coût. Une telle mesure, à l’étude dans plusieurs pays d’Afrique centrale, pourrait alléger durablement les budgets familiaux.
L’écosystème de partenaires solidaires
L’écosystème de partenaires ne se limite pas aux institutions. Des entreprises de cosmétique locales testent désormais localement des formules adaptées aux phototypes très clairs, tandis que des studios de communication produisent des capsules vidéo de sensibilisation diffusées sur les réseaux sociaux.
Les médias traditionnels jouent, eux aussi, un rôle clef pour déconstruire les préjugés. Reportages, portraits et tables rondes contribuent à présenter l’albinisme sous un prisme scientifique plutôt que mystique, favorisant une acceptation progressive au sein des quartiers populaires.
Un élan à consolider
En somme, la distribution de kits scolaires et de crèmes solaires dépasse le simple don matériel ; elle cristallise un mouvement solidaire qui associe État, diplomatie, société civile et secteur privé autour d’une même cause : offrir aux élèves albinos les conditions d’un apprentissage serein.
Le défi reste immense, mais la persévérance des bénévoles et l’appui des institutions laissent entrevoir un avenir plus apaisé pour cette communauté. Sous le ciel de Brazzaville, les cahiers neufs et les tubes de lotion deviennent les prémices d’une confiance retrouvée et d’une visibilité accrue dans la cité.