Un rendez-vous de poids à Brazzaville
À la veille de la quarante-huitième session ordinaire du Conseil des ministres de l’Organisation des pays africains producteurs de pétrole, Brazzaville a accueilli une rencontre bilatérale décisive entre les ministres des Hydrocarbures algérien et congolais.
Autour de Mohamed Arkab et Bruno Jean Richard Itoua, la discussion a porté sur l’état d’avancement du protocole d’accord signé en mai 2024 et sur la façon de transformer une déclaration d’intention en leviers industriels concrets.
Une dynamique de coopération Sud-Sud
Les deux capitales misent sur une coopération Sud-Sud qui s’appuie moins sur des promesses que sur des compétences déjà éprouvées dans l’exploration, la production et le raffinage.
Pour Alger, qui exporte du gaz naturel liquéfié depuis plus de cinquante ans, partager son savoir-faire renforce son influence tout en diversifiant ses débouchés techniques.
Côté congolais, l’alliance est perçue comme une accélération bienvenue de la stratégie nationale visant à sécuriser l’approvisionnement intérieur tout en valorisant localement la ressource, condition sine qua non d’une industrialisation équilibrée.
Le protocole Sonatrach-SNPC en pratique
Le texte paraphé en mai 2024 prévoit des équipes mixtes pour cartographier de nouveaux bassins sédimentaires, évaluer leurs potentialités puis concevoir des plans de développement conjoints.
Une première phase, déjà lancée selon les ministres, consiste à échanger des données sismiques et à harmoniser les référentiels géologiques, étape jugée essentielle pour réduire les risques techniques.
Le volet formation, souvent négligé, n’est pas marginal : des ingénieurs de la SNPC suivront des cycles avancés à l’Institut algérien du pétrole, tandis que des experts de Sonatrach seront détachés à Pointe-Noire pour optimiser les raffineries.
Les parties ont également acté la création d’un groupe de travail sur le financement, chargé d’identifier des instruments innovants mêlant capitaux publics, marchés obligataires régionaux et mécanismes climatiques, afin de ne pas alourdir la dette nationale.
Les enjeux congolais de la sécurité énergétique
Malgré un potentiel pétrolier reconnu, la république du Congo reste importatrice nette de produits raffinés, situation coûteuse pour les comptes publics, pour les ménages et pour la compétitivité industrielle ; chaque litre importé renchérit la logistique et pèse sur le budget national.
La montée en puissance du champ de Moho-Nord ou l’extension du terminal de Djéno améliorent la production, mais la transformation locale demeure limitée, d’où l’importance du partenariat avec l’Algérie.
Bruno Jean Richard Itoua résume l’ambition : « Nous voulons convertir la rente brute en emplois industriels et en électricité accessible, pas seulement en barils exportés », a-t-il déclaré en marge de la réunion.
Cette sécurité énergétique doit aussi soutenir la feuille de route climat du Congo-Brazzaville, qui privilégie des centrales gaz-to-power moins émissives.
L’expertise algérienne comme accélérateur
Sonatrach dispose de chaînes intégrées, du forage au terminal méthanier, atout majeur pour raccourcir les délais entre la découverte d’un gisement et sa mise en production. Cette expérience séduit les autorités congolaises.
Pour Brazzaville, bénéficier de cette expérience technique réduit la courbe d’apprentissage et sécurise les investissements, qu’ils soient publics ou privés. Un atout précieux pour les bailleurs internationaux.
Vers une voix africaine dans la transition
Au-delà de la dimension bilatérale, les deux ministres veulent inscrire leur entente dans un positionnement africain unifié face à la transition énergétique mondiale, trop souvent dictée par les économies du Nord, sans tenir compte des réalités d’investissement du Sud.
Lors du Conseil de l’APPO, ils défendront une approche graduelle misant sur le gaz comme énergie de transition et sur des instruments financiers adaptés, tout en rappelant que l’Afrique contribue peu aux émissions globales mais subit déjà les premières conséquences du bouleversement climatique.
Ils entendent également plaider pour que les normes de certification carbone africaines soient reconnues par les marchés internationaux, condition essentielle pour monétiser les efforts de réduction d’émissions sans brider le développement.
