Une décennie de représentation en héritage
Au terme de dix années de présence à Brazzaville, l’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Gabon, René Makongo, a effectué son salut protocolaire au président Denis Sassou Nguesso dans le strict respect des usages diplomatiques. Derrière la solennité de la cérémonie se dessinait un bilan riche, marqué par la consolidation d’un axe Congo-Gabon fondé sur la confiance mutuelle et la communauté d’intérêts. « Je pars du Congo avec de très bons souvenirs », a confié le diplomate, résumant par cette formule la fluidité d’un dialogue que ni la pandémie ni les crises conjoncturelles n’auront entamée.
Un trait d’union socioculturel et économique
La frontière de près de deux mille kilomètres, loin d’être une ligne de démarcation, agit comme un véritable trait d’union. Les déplacements pendulaires des commerçants, les alliances familiales transfrontalières et l’interopérabilité des réseaux routiers, renforcés par les corridors Ouesso-Lastoursville et Dolisie-Ndendé, ont densifié les échanges. Sur le plan économique, le comité mixte de coopération, réactivé en 2021, a permis d’harmoniser les régimes douaniers et d’esquisser une stratégie commune de valorisation des forêts du bassin du Congo, matrice écologique partagée par les deux États.
Leadership environnemental et diplomatie verte
La protection de l’immense massif forestier demeure le chantier emblématique du rapprochement entre Brazzaville et Libreville. Sous l’impulsion de Denis Sassou Nguesso, l’Initiative pour la conservation des tourbières, lancée en 2018, a obtenu le soutien financier de plusieurs partenaires européens, tandis que Libreville accueillait la même année le premier Dialogue des bailleurs du Fonds bleu pour le bassin du Congo. René Makongo se félicite d’avoir été « témoin et acteur de cette convergence écologique », rappelant que la diplomatie climatique confère aux deux capitales un soft power désormais reconnu dans les négociations multilatérales.
Un effet d’entraînement sur l’intégration sous-régionale
Au-delà du bilatéral, le tandem Congo-Gabon irrigue l’architecture institutionnelle de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale. Les dossiers de la libre circulation des personnes et de la monnaie unique de la CEMAC ont progressé sous la houlette conjointe des deux chefs d’État, souvent décrits comme les doyens de la scène diplomatique sous-régionale. L’expertise brazzavilloise en matière de médiation — des Accords de Libreville de 2013 sur la Centrafrique à la facilitation du dialogue tchadien en 2022 — illustre une capacité de projection pacificatrice qu’apprécient les chancelleries.
Regards vers l’Est : message de Kinshasa et enjeux sécuritaires
La même journée, le chef de l’État congolais a reçu Antoine Gonda Mangalibi, envoyé spécial du président Félix Tshisekedi. Si le contenu de la missive est demeuré confidentiel, des sources concordantes évoquent la situation sécuritaire à l’Est de la République démocratique du Congo et la nécessité de relancer la feuille de route de Luanda. Brazzaville, par sa neutralité et sa connaissance intime des équilibres régionaux, apparaît comme un interlocuteur privilégié pour la RDC, confirmant le rôle de Denis Sassou Nguesso en « médiateur discret mais efficace », selon l’expression d’un diplomate onusien.
Perspectives pour la relève diplomatique
À la veille de transmettre ses lettres de rappel, René Makongo a formulé un conseil à son successeur : « être toujours à l’écoute de l’État du Congo ». La recommandation vaut mise en garde contre la tentation de la routine. Car les chantiers demeurent nombreux : finalisation de l’accord sur la double imposition, mutualisation des centres de formation maritime de Pointe-Noire et Port-Gentil, ou encore développement d’un marché commun de l’énergie verte. Autant de dossiers qui nécessitent constance et méthode — deux qualités que le président Sassou Nguesso valorise depuis longtemps dans la conduite des affaires publiques.
Le capital-confiance comme moteur de la coopération
En diplomatie, la longévité crée du capital-confiance. Le départ de René Makongo illustre cette réalité : une décennie d’interactions quotidiennes a permis de dépasser la simple courtoisie protocolaire pour instaurer un partenariat tangible et orienté vers le résultat. L’horizon paraît ouvert pour son successeur, d’autant que la stratégie de développement du Congo, réaffirmée par le chef de l’État, mise sur la diversification économique, la transition énergétique et le rayonnement culturel. Autant de domaines dans lesquels le Gabon, fort de ses expériences en matière de certification forestière et de financement vert, peut se révéler un partenaire clé.