La charte d’investissement, pilier d’attractivité économique
Depuis son adoption en 2003 et sa dernière révision en 2021, la Charte congolaise d’investissement demeure la pièce maîtresse du dispositif d’attraction des capitaux privés. Inspirée des meilleures pratiques régionales, elle propose jusqu’à cinq années d’exonération en matière de droits de douane et d’impôt sur les sociétés, assorties d’un régime allégé pour la TVA sur les intrants stratégiques. Cette architecture fiscale, saluée par plusieurs organisations patronales, vise à rendre le Congo-Brazzaville compétitif face aux hubs voisins de l’Atlantique. « La logique est simple : encourager la prise de risque, accélérer le transfert de technologies et internaliser les chaînes de valeur », rappelle un conseiller au ministère de l’Économie, convaincu que la stabilité macroéconomique, consolidée sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso, offre aujourd’hui un cadre crédible aux investisseurs.
Un contrôle parlementaire inédit sur le terrain
C’est dans ce contexte que la commission des finances de l’Assemblée nationale a dépêché, le 8 juillet, une mission d’évaluation à Pointe-Noire et dans le Kouilou. Conduite par son vice-président Thierry Obie, la délégation a initié une séance de sensibilisation réunissant représentants d’entreprises, administrations déconcentrées et partenaires sociaux. Objectif déclaré : vérifier la concordance entre les exonérations accordées par les conventions d’établissement et les promesses d’emplois formulées lors de la signature. « Les avantages fiscaux ne sont jamais un blanc-seing ; ils sont conditionnés à une valeur ajoutée sociale mesurable », a martelé M. Obie, avant de rappeler que le Parlement exerce un droit de regard constitutionnel sur l’efficacité de la dépense fiscale.
Entre incitations fiscales et réalité de l’emploi durable
Si les chiffres macroéconomiques témoignent d’un frémissement – 2,8 % de croissance projetée pour 2024 par la CEA – la traduction en emplois pérennes demeure contrastée. Selon des données consolidées par l’Agence nationale pour la promotion des investissements (ANAPI), 64 % des entreprises bénéficiant d’exonérations ont déposé un plan d’embauche, mais à peine la moitié de ces plans auraient reçu à ce jour la certification de la direction générale du travail. Les parlementaires évoquent également quelques cas insolites : certaines sociétés repérées sur les listings fiscaux ne disposeraient plus de siège physique ou n’auraient pas entrepris la phase opérationnelle, une situation qualifiée de « dissymétrie informationnelle » par l’économiste Joëlle Tchicaya.
Les défis de la traçabilité et de la gouvernance administrative
Au-delà de la simple inspection comptable, la mission met en lumière la nécessité d’une meilleure interconnexion entre les bases de données des douanes, des impôts et du ministère du Travail afin d’assurer une traçabilité continue des obligations sociales. Plusieurs chefs d’entreprise, sous couvert d’anonymat, évoquent toutefois des lenteurs administratives qui différeraient la certification de leurs plans, alors même que les recrutements sont en cours. Le député Thierry Obie admet que des goulots existent, mais insiste sur « la responsabilité partagée : l’État modernise ses procédures numériques ; les sociétés, elles, doivent jouer la carte de la transparence totale ».
Vers une contractualisation plus exigeante mais davantage lisible
À l’issue des échanges, plusieurs pistes d’amélioration se dégagent. D’abord, l’idée d’introduire un tableau de bord trimestriel, rendu public, détaillant le nombre d’emplois créés par secteur et par province. Ensuite, la possibilité d’articuler les exonérations avec des indicateurs d’impact social, incluant la formation professionnelle des jeunes, afin de sécuriser la montée en compétences nationales. Enfin, la perspective, déjà évoquée par le ministère des Finances, d’un système de bonus-malus : les entreprises dépassant leurs objectifs d’embauche pourraient bénéficier d’un allongement de la période de grâce fiscale, tandis que celles ne s’y conformant pas verraient leurs privilèges écourtés.
Un impératif de crédibilité pour l’écosystème d’affaires congolais
Dans un environnement international où la concurrence fiscale fait rage, le Congo-Brazzaville s’efforce de préserver son attractivité tout en répondant aux attentes légitimes d’une jeunesse demandeuse d’emplois qualifiés. La démarche d’évaluation parlementaire, inédite par sa méthodologie de terrain, participe à cette quête de crédibilité. « En montrant que l’avantage n’est pas univoque, nous renforçons la confiance de l’investisseur sérieux et dissuadons l’opérateur opportuniste », confie une source gouvernementale. Le rapport final, attendu devant la plénière de l’Assemblée à la rentrée, devrait jeter les bases d’un dialogue renouvelé entre secteur privé et autorités, où l’exigence de résultats tangibles entend s’accorder avec la vision de développement portée par le chef de l’État.