Une audience stratégique à Brazzaville
Sous la véranda ombragée de la résidence présidentielle du Plateau, Brazzaville a accueilli, mardi 28 octobre, un tête-à-tête dense entre Denis Sassou Nguesso et Marie-Laure Akin Olougbade, vice-présidente de la Banque africaine de développement.
La rencontre, préparée depuis plusieurs semaines par les équipes techniques, visait à affiner le nouveau cadre de coopération 2025-2029, centré sur l’énergie, l’agriculture et l’intégration régionale, trois leviers issus de la vision de transformation portée depuis longtemps par le chef de l’État.
À la sortie de l’audience, la dirigeante de la BAD a salué « l’excellente collaboration » nouée avec le Congo-Brazzaville, insistant sur l’alignement parfait entre les priorités nationales et le mandat de l’institution panafricaine en matière de développement durable.
Énergie : cap sur l’accès universel
Premier axe discuté, l’énergie concentre des attentes fortes. Brazzaville ambitionne de porter l’accès national à l’électricité de 70 % à près de 100 % à moyen terme. La BAD financera dès 2026 plusieurs études de faisabilité destinées à accroître les capacités de production et de transport électrique.
Selon Marie-Laure Akin Olougbade, ces études « permettront d’identifier les gisements hydrauliques, solaires et gaziers les plus compétitifs afin de garantir, à court terme, une énergie fiable pour les ménages et, à long terme, une alimentation suffisante pour l’industrialisation du pays ».
Le ministère congolais de l’Énergie travaille déjà sur une feuille de route intégrant l’extension du réseau de transport à haute tension, la modernisation des centrales existantes et un programme ambitieux de mini-réseaux ruraux, adossé au savoir-faire technique de la BAD.
En privilégiant les sources renouvelables, le gouvernement veut réduire l’empreinte carbone et honorer les engagements climatiques pris à la COP27. L’objectif est de porter la part du solaire et de l’hydraulique à 60 % du mix électrique d’ici 2030.
Agriculture : 80 milliards pour nourrir la nation
Deuxième pilier, l’agriculture reçoit un engagement majeur : 80 milliards de dollars, mobilisés entre prêts concessionnels et dons. L’enveloppe servira à multiplier les chaînes de valeur, relancer la mécanisation, développer des pôles agro-industriels et améliorer les infrastructures d’irrigation sur l’ensemble du territoire.
Pour le chef de l’État, l’enjeu est double : la sécurité alimentaire et la substitution progressive des importations. « Le potentiel des terres congolaises est immense ; il doit devenir un moteur de croissance inclusive », rappelle un conseiller agricole.
La BAD prévoit d’accompagner le plan par des centres de formation rurale, la mise à disposition de semences améliorées et l’amélioration des pistes agricoles, afin de garantir un meilleur acheminement vers les marchés urbains et sous-régionaux.
Un volet spécifique promeut l’entrepreneuriat féminin, avec des lignes de crédit dédiées et des sessions de mentorat, afin de garantir que les femmes rurales, souvent premières actrices de la production vivrière, deviennent aussi des leaders des circuits de transformation et de commercialisation.
Intégration régionale et libre-échange
Au-delà des frontières nationales, la rencontre a abordé l’intégration régionale, élément clé du nouveau marché continental africain. La BAD appuie déjà la réalisation de corridors routiers et ferroviaires qui relieront le Congo-Brazzaville au Cameroun, au Gabon et à la République démocratique du Congo.
Ces infrastructures, associées à la mise en place de postes douaniers unifiés, doivent réduire de moitié les temps de transit et favoriser l’émergence de pôles logistiques régionaux, argentés par des investisseurs privés attirés par la stabilité et la position géographique du Congo.
La vice-présidente de la Banque souligne que ces projets « s’articulent avec la Zone de libre-échange continentale africaine, offrant aux producteurs congolais un marché élargi de plus d’un milliard de consommateurs et renforçant la résilience des économies d’Afrique centrale ».
Un message du nouveau président de la BAD
Au-delà des dossiers techniques, Marie-Laure Akin Olougbade portait un message verbal de Sidi Ould Tah, nouveau président de la BAD depuis mai 2025, exprimant son « entière disponibilité à accompagner le Congo dans sa stratégie de diversification économique et de réduction de la pauvreté ».
Cette marque de confiance témoigne de la continuité institutionnelle au sein de la BAD, dont le portefeuille actif au Congo représente à ce jour plus de 400 milliards de francs CFA répartis dans le transport, l’énergie, l’agriculture et la gouvernance financière.
Des retombées attendues pour les populations
Les autorités congolaises estiment que la matérialisation de ces engagements générera, à terme, plus de 50 000 emplois directs et une hausse de deux points du produit intérieur brut, offrant des perspectives nouvelles à une jeunesse particulièrement attentive aux questions d’insertion professionnelle.
Pour suivre l’exécution, un comité conjoint État-BAD sera installé dès le premier trimestre 2026. Son mandat inclut la publication semestrielle de rapports d’avancement et la tenue de consultations citoyennes, afin de garantir transparence et appropriation nationale.
Vers un futur partagé
En misant sur l’énergie, l’agriculture et l’intégration régionale, Brazzaville et la BAD dessinent un avenir où les atouts naturels du Congo se traduisent en prospérité tangible. « Nous avançons main dans la main », résume Marie-Laure Akin Olougbade, confiante dans la rapidité des prochaines étapes.
