Une nomination à haute portée internationale
Au siège de l’UNESCO, l’annonce de la nomination d’Ibrahim Magassa comme Ambassadeur de bonne volonté pour la Priorité Afrique a résonné comme un signal stratégique. À quarante-huit ans, le banquier ivoirien porte désormais une double casquette, financière et éducative, au service du continent.
Audrey Azoulay, directrice générale de l’agence onusienne, a salué une « expertise d’ingénierie financière rare, alliée à une vision humaniste ». La cérémonie parisienne d’octobre 2025 a ainsi officialisé l’entrée d’un acteur du secteur privé dans la diplomatie culturelle, un mouvement encore peu fréquent.
La méthode Algest : vingt ans d’ingénierie financière
Fondée à Londres il y a plus de vingt ans, Algest Investment Bank évolue dans la discrétion. L’établissement a pourtant co-structuré plus de 20 milliards de dollars de dettes souveraines africaines, convertissant des obligations complexes en supports lisibles pour les fonds de pension européens, asiatiques et moyen-orientaux.
La méthode Magassa se veut rigoureuse : diagnostic budgétaire, alignement des priorités publiques, et packaging financier conforme aux standards internationaux. « Notre rôle est de rendre le risque africain intelligible », insiste-t-il. L’objectif n’est pas la philanthropie, mais la création d’une confiance factuelle entre États et marchés.
Cette discipline a séduit plusieurs capitales africaines. À Accra, l’équipe d’Algest a sécurisé un emprunt vert structuré en dix-huit semaines. À Libreville, elle a repris un projet routier dormant et, en associant un fonds souverain asiatique, l’a remis sur les rails sans alourdir la dette publique.
Du capital aux compétences, l’autre bataille africaine
Pour le nouveau diplomate de l’UNESCO, l’argent est un accélérateur, jamais un point de départ. L’apprentissage, la technologie et l’entrepreneuriat forment, selon lui, le socle qui pérennise chaque investissement physique. Il cite le métro d’Abidjan : « le béton vieillit vite sans ingénieurs locaux pour l’entretenir ».
Magassa veut donc relier les campus et les banques. Il propose des mécanismes hybrides : une portion du financement d’infrastructures consacrée à la formation, gérée par des universités africaines, et co-supervisée par les bailleurs. Cette conditionnalité serait, dit-il, « le meilleur outil de réduction du risque ».
Cette articulation finance-compétence rejoint la stratégie Priorité Afrique de l’UNESCO, qui mise sur l’innovation, les STEM et la culture numérique. Dans son nouveau rôle, le banquier prévoit de mobiliser des bourses pour cinq mille étudiants en ingénierie, en partenariat avec des entreprises panafricaines souhaitant renforcer leur chaîne de valeur.
Congo-Brazzaville, laboratoire d’un montage vertueux
À Brazzaville, les autorités suivent ces évolutions avec attention. Le plan national de développement 2022-2026 prévoit un programme logistique entre le port en eau profonde de Pointe-Noire et la frontière camerounaise. Le ministère de l’Économie explore avec Algest une structuration financière compatible avec les critères ESG de la CEMAC.
Selon une note interne consultée par notre rédaction, la banque envisage un montage en trois volets : obligation verte, prêt concessionnel et participation d’un fonds de pension asiatique. L’ensemble serait adossé à un programme de certifications professionnelles destiné aux techniciens congolais appelés à gérer la plateforme logistique.
Pour Brazzaville, dont la soutenabilité de la dette est régulièrement scrutée, l’intérêt d’un tel schéma est double. D’une part, il réduit le coût moyen des capitaux. D’autre part, il crée des emplois qualifiés, répondant à la priorité gouvernementale de modernisation du marché du travail.
Priorité Globale Afrique : financer l’avenir régional
Au-delà des frontières congolaises, Magassa insiste sur la nécessité d’une approche régionale. Il rappelle que les couloirs de transport ne s’arrêtent pas aux postes douaniers ; leur rentabilité dépend de l’intégration des chaînes de valeur. La CEMAC prépare ainsi une plateforme numérique unique pour harmoniser les procédures portuaires.
L’Africa Investment Forum de Rabat a été l’occasion d’esquisser un fonds paneuropéen dédié aux corridors de l’Afrique centrale. Algest, plusieurs banques de développement et un assureur français discutent d’une garantie politique capable de couvrir cinq milliards de dollars. « Le pipeline est prêt », assure une source diplomatique.
À ceux qui redoutent une fuite des capitaux, Magassa répond par les chiffres. Selon lui, chaque dollar investi dans un projet structuré rapporte quatre dollars de PIB supplémentaire sur quinze ans, grâce à l’effet d’entraînement de la formation et de la maintenance. « Le vrai risque est l’inaction », conclut-il.
Entre Couloirs ferroviaires, data centers et pôles universitaires, le portefeuille de dossiers suivis par l’Ambassadeur-banquier atteint désormais vingt-huit projets opérationnels. Chacun devra démontrer sa maturité technique et sociale avant toute levée de fonds. Une exigence que l’UNESCO voit comme un gage de durabilité.
En réunissant le monde académique et la haute finance, Ibrahim Magassa propose enfin un récit africain capable de convaincre même les investisseurs les plus prudents. Le succès de cette approche dépendra du sérieux des États, de la transparence des comptes et d’une jeunesse formée pour devenir actrice du changement.
