Pointe-Noire célèbre l’art oratoire
Dans l’auditorium du Port autonome de Pointe-Noire, les applaudissements résonnaient longtemps avant la proclamation des résultats de la quatrième édition du concours d’éloquence BE Genius. La scène, décorée de couleurs nationales, a réuni élèves, étudiants, salariés et familles autour d’un même amour du verbe.
Derrière cette ferveur, un thème fédérateur : « La responsabilité parentale pour éradiquer la délinquance juvénile ». Choisi par l’initiateur Géovil Solo, le sujet place la cellule familiale au centre des réponses sociétales, en écho aux engagements des pouvoirs publics en faveur de la cohésion nationale.
Depuis 2020, BE Genius s’inscrit dans le paysage culturel congolais comme un laboratoire d’idées et d’affirmation de soi. Le concours revendique déjà plus de deux mille participants cumulés et s’est hissé, selon ses organisateurs, dans le trio de tête des tournois d’éloquence les plus suivis au monde.
Responsabilité parentale et délinquance juvénile
Cette année, plus de cinq cents candidats issus des cinq départements — primaire, collège, lycée, université et milieu professionnel — ont franchi la scène. De novembre à mars, ils ont bénéficié de quatre mois d’ateliers, de coaching individuel et d’exercices centrés sur l’argumentation et la gestion du trac.
Pour Géovil Solo, « l’éloquence est la victoire du courage sur le silence ». En ouverture, il a rappelé que l’éducation commence avant les manuels : elle s’enracine dans les gestes quotidiens des parents. Son message résonnait avec les orientations nationales plaçant la famille au cœur de la prévention sociale.
La maire de Pointe-Noire, Evelyne Tchitchelle, a repris la métaphore en soulignant que chaque rupture du lien parental crée un espace où peuvent se glisser errance et violence. Pour l’élue, la délinquance juvénile n’est pas une abstraction statistique, mais la traduction concrète de rêves interrompus.
La directrice du mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza, Bélinda Ayessa, marraine de l’édition, a cité Victor Hugo pour rappeler que « chaque enfant qu’on délaisse est un citoyen qu’on perd ». Son intervention a souligné l’importance de la jeunesse dans la trajectoire de développement voulue par le Congo.
Quatre mois de formation intensive
Les discours officiels ont été suivis d’un premier tour d’improvisation. Chaque candidat disposait de deux minutes pour défendre une position tirée au sort. L’exercice, exigeant, valorisait la capacité d’écoute et la réactivité, deux compétences désormais recherchées sur un marché du travail en mutation rapide.
Le second tour, préparé, exigeait trois minutes d’argumentaire appuyé sur sources académiques ou statistiques. Les jurés, issus de l’université Marien-Ngouabi, des médias et du barreau, ont noté la structure, la diction et la qualité des exemples, rappelant l’exigence méthodologique indispensable à tout débat public sérieux.
Un jury d’experts et des lauréates inspirantes
Au terme de ces joutes, sept lauréates ont été distinguées. Tina Bassenga Fiellot a porté la voix des écoliers, tandis que Best Miradie Mfoutou s’est imposée côté collégiens. Au lycée, Kati Muessi Muana Mpemba et Maria Diaboua ont signé un superbe doublé féminin, reflet d’une génération déterminée.
Dans la catégorie universitaire, Elvina Othoud, Rubene Nzaou et Samuela Apembet ont occupé les trois premières places. Leur prestation a montré une maîtrise fine des références juridiques et sociologiques entourant la parentalité. Les applaudissements nourris ont souligné l’admiration du public pour ces jeunes spécialistes en devenir.
Un outil de cohésion nationale
Au-delà du palmarès, l’édition 2024 a fonctionné comme un laboratoire de dialogue intergénérationnel. Parents, enseignants et responsables associatifs ont pu échanger hors micro avec les candidats, dans les couloirs de l’auditorium, sur des pistes concrètes visant à renforcer la médiation familiale dans les quartiers populaires.
Les autorités locales voient dans ce concours un complément aux programmes gouvernementaux déjà déployés pour l’enfance, comme les activités périscolaires ou les centres d’écoute communautaires. Selon un conseiller du ministère des Affaires sociales présent, « l’orateur devient ici acteur de prévention, messager d’espoir et vecteur d’unité ».
Pour les lauréates, les récompenses ne se limitent pas aux trophées. Des bourses d’études, des stages au sein de médias nationaux et un mentorat de six mois leur permettront de concrétiser leurs ambitions. L’accompagnement individualisé constitue l’un des points forts différenciant BE Genius des compétitions analogues.
Cap sur l’édition et l’audience internationales
Déjà, les organisateurs annoncent une tournée dans plusieurs chefs-lieux afin de démocratiser la pratique oratoire. Un partenariat est en discussion avec l’Institut français et une plateforme numérique permettra bientôt aux diasporas de voter en ligne, renforçant le rayonnement culturel du Congo au-delà de ses frontières.
Cette dynamique rejoint les ambitions inscrites dans le Plan national de développement, qui fait de la valorisation du capital humain un axe majeur. En conjuguant art oratoire, civisme et compétences professionnelles, BE Genius illustre la complémentarité entre initiatives citoyennes et stratégie publique de long terme.
En clôture, une ovation a salué l’ensemble des finalistes. Si le talent individuel fut célébré, c’est surtout la promesse collective d’une jeunesse engagée qui est ressortie. Les regards tournés vers la cinquième édition, le public sait désormais que la parole, au Congo, peut aussi rimer avec action.