Un écran partagé entre mémoire et influence culturelle
Dans la pénombre feutrée de l’auditorium de l’ambassade du Venezuela à Brazzaville, l’image de Simón Bolívar a traversé l’Atlantique pour rencontrer un public congolais averti. La projection du film « Bolívar, l’homme des difficultés », inscrite dans le calendrier officiel du « Juillet patriotique » vénézuélien, a célébré les 214 ans de l’indépendance de la République bolivarienne tout en rappelant la vitalité du dialogue culturel Sud-Sud. L’initiative, saluée par des diplomates présents, confirme le rôle du septième art comme vecteur d’influence douce et de mise en récit du politique.
De Caracas à Brazzaville, les échos d’une même quête d’émancipation
Au-delà du récit héroïque, la diplomate Laura Evangelia Suárez a rappelé que le 5 juillet 1811, tout comme la bataille de Carabobo dix ans plus tard, demeure un jalon fondateur dans la conscience collective vénézuélienne. Ce rappel historique a trouvé un écho particulier au Congo-Brazzaville, dont l’histoire nationale est également jalonnée de conquêtes symboliques et politiques. « L’indépendance n’est pas une date figée, c’est un processus permanent », a-t-elle souligné, appelant à la vigilance des nations du Sud face aux recompositions géopolitiques actuelles.
La figure féminine, angle mort réhabilité par la fiction
Le long métrage, réalisé dans une esthétique épique, a insisté sur le rôle décisif des femmes dans l’épopée bolivarienne. Cette dimension, souvent marginalisée dans l’historiographie classique, a été saluée par l’écrivaine Carmen Fifamè Toudounou qui, à l’issue de la projection, a évoqué « une dette mémorielle à l’égard des héroïnes invisibles ». Son propos rejoint les travaux contemporains de sociologie du genre, lesquels démontrent que la reconnaissance des actrices de la libération condense un enjeu de justice symbolique aussi bien en Amérique latine qu’en Afrique centrale.
Sébastien Kamba, passeur entre deux continents cinématographiques
La présence du doyen du cinéma congolais, Sébastien Kamba, a conféré à la soirée une résonance intergénérationnelle. Saluant « un montage rigoureux et un sens aigu de la dramaturgie historique », le réalisateur a rappelé que le cinéma africain partage avec son homologue latino-américain une même vocation émancipatrice. Son témoignage illustre l’idée, chère aux théoriciens du tiers-mondisme culturel, selon laquelle la caméra peut devenir un outil de lutte aussi puissant que la plume ou la tribune diplomatique.
Le livre, l’imprimerie et l’écran : la triade de la révolution
Les observateurs présents ont souligné un détail marquant du film : l’obsession de Bolívar pour l’imprimerie, emblème de la bataille des idées. En exposant la fabrication artisanale de journaux patriotes, l’œuvre rappelle que toute révolution s’adosse à une infrastructure de communication. À l’heure où Brazzaville consolide son secteur audiovisuel et investit dans les technologies numériques, ce parallèle historique réaffirme la centralité de l’information libre et maîtrisée dans la consolidation des souverainetés.
Soft power et diplomatie de proximité sous l’égide de la coopération Sud-Sud
Au-delà de l’hommage historique, l’événement cristallise une stratégie plus large de rayonnement mutuel. En invitant enseignants, étudiants et figures médiatiques à partager ce moment, l’ambassade a misé sur un format inclusif qui rejoint les orientations du gouvernement congolais en matière de diplomatie culturelle. Dans un contexte où Brazzaville diversifie ses partenaires sans renoncer à ses engagements multilatéraux, la circulation des œuvres audiovisuelles apparaît comme un levier fin d’affirmation identitaire et de dialogue pacifique.
En conclusion, la projection de « Bolívar, l’homme des difficultés » illustre la capacité des événements culturels à inscrire la coopération bilatérale dans la durée en l’ancrant dans les représentations collectives. Elle rappelle également que l’indépendance, au-delà des commémorations, demeure un projet politique à renouveler constamment, à l’intersection du passé héroïque et des défis contemporains, qu’ils soient économiques, sécuritaires ou environnementaux.