Un besoin de santé inclusive
Dans le département de la Bouenza, les femmes handicapées ont longtemps subi une double marginalisation : la barrière physique et le silence entourant la santé reproductive. Du 28 au 31 août 2025, une rencontre organisée par l’Observatoire handicap humanité a cherché à briser ces verrous.
Les échanges ont réuni responsables d’H20 et participantes venues de plusieurs localités. Tous ont constaté que les difficultés d’accès à l’information sanitaire s’ajoutent aux contraintes quotidiennes de mobilité, de revenus et d’isolement, créant un déficit de soins intimes ciblés.
Une démarche inclusive portée par H20
L’Observatoire handicap humanité, souvent abrégé H20, déploie depuis 2023 un programme triennal consacré à l’hygiène menstruelle, à la santé reproductive et à la planification familiale des personnes vivant avec handicap. La session d’août marquait une étape clé de ce calendrier.
Selon l’équipe d’H20, l’objectif est simple : « Permettre à chaque femme, quel que soit son handicap, de maîtriser son corps et ses choix ». En pratique, l’organisation privilégie des ateliers interactifs où questions, démonstrations et partages d’expériences priment sur le discours descendant.
Hygiène menstruelle : lever le tabou
Les formatrices ont insisté sur la nécessité d’une hygiène sexuelle rigoureuse pour prévenir infections et douleurs évitables. Serviettes adaptées, produits de toilette doux à faible acidité, lavage régulier des mains et des sous-vêtements ont été détaillés avec un vocabulaire accessible.
Dans un environnement où le sujet reste souvent tabou, parler ouvertement de sang, de cycles et de protections représente déjà un progrès social. Les participantes ont confié que ces informations pratiques, rarement dispensées dans les circuits classiques de santé, améliorent leur confort et leur confiance.
Planning familial et autonomie décisionnelle
Au-delà de l’hygiène, la session a ouvert un espace de dialogue sur l’espacement des naissances. Les animatrices ont présenté les méthodes contraceptives disponibles localement et rappelé l’importance de choisir la solution la mieux adaptée à chaque situation.
« La planification familiale n’est pas un luxe, c’est un droit », a souligné une responsable d’H20. Pour les femmes handicapées, maîtriser le nombre et le rythme des grossesses signifie aussi réduire les risques sanitaires aggravés par certaines déficiences motrices ou sensorielles.
Des kits de dignité très attendus
Moment phare de la rencontre, la remise de kits de dignité a concerné vingt-quatre jeunes filles. Chaque kit comprenait seau, bandes hygiéniques, sous-vêtements, lait de beauté, peigne, sandales et pagne, autant d’articles souvent difficiles à financer.
Les bénéficiaires ont salué un geste concret face à la cherté de ces produits sur les marchés locaux. « Ce seau et ces serviettes me serviront plusieurs mois », a témoigné une participante, rappelant que l’autonomie matérielle reste la première étape vers une santé durable.
Appropriation communautaire en cours
Les discussions ont montré que l’efficacité du projet dépendra de la capacité des communautés à relayer les messages. Certaines cheffes de groupe envisagent déjà des cercles de parole mensuels pour renforcer les connaissances acquises et identifier les besoins émergents.
H20 encourage cette appropriation locale, estimant qu’une solution imposée de l’extérieur perd vite son impact. L’organisation promet de fournir des supports visuels et un accompagnement à distance pour maintenir la dynamique jusqu’à la prochaine session prévue dans le département.
Effets attendus sur la santé publique
À moyen terme, les responsables espèrent une baisse des infections génitales et une amélioration des indicateurs de planification familiale parmi les participantes. Moins de complications gynécologiques signifieraient aussi une réduction du nombre d’hospitalisations coûteuses pour les familles.
Le projet mise sur l’effet multiplicateur : chaque femme sensibilisée transmettra les bonnes pratiques à ses proches. Cette diffusion informelle pourrait élargir l’impact au-delà du cercle des vingt-quatre bénéficiaires directes.
Une initiative en phase avec les priorités nationales
La démarche trouve un écho favorable auprès des acteurs de santé publique de la République du Congo. Les autorités rappellent régulièrement le rôle central de la prévention et de l’inclusion dans leurs plans stratégiques, notamment pour les populations vulnérables.
En se concentrant sur la Bouenza, H20 soutient ces engagements institutionnels sans se substituer aux services existants. L’ONG agit comme un maillon complémentaire, apportant expertise et proximité sur un sujet encore peu couvert par les structures classiques.
Vers une évaluation scientifique
Afin de mesurer l’impact réel, H20 prévoit une enquête de suivi six mois après la distribution des kits. Des indicateurs sur l’usage des protections, la fréquence des consultations préventives et la satisfaction des participantes seront recueillis.
Les données, une fois analysées, orienteront la répartition des prochaines ressources budgétaires. Elles serviront aussi de référence pour convaincre d’autres partenaires de rejoindre l’initiative, qu’il s’agisse d’institutions publiques ou de mécènes privés sensibles à la cause.
Une dynamique à consolider
Les trois jours d’échanges ont posé les bases d’une révolution douce : replacer les femmes handicapées au centre de la politique sanitaire locale. La route reste longue, mais le simple fait d’ouvrir un dialogue structuré constitue déjà une avancée notable.
H20 affute désormais ses outils pédagogiques pour répondre aux questions restées en suspens. Les participantes, quant à elles, ont transformé l’information reçue en engagement personnel, prêtes à devenir porte-voix d’une hygiène menstruelle assumée et d’un choix reproductif éclairé.