Décision historique de la Cour suprême
Le 13 août 2025, la Cour suprême congolaise a mis fin à un contentieux foncier vieux de plusieurs décennies en confirmant le droit de propriété de la République de Bulgarie sur une parcelle stratégique de 982 mètres carrés située au cœur du quartier La Poste, à Brazzaville.
En rejetant le pourvoi introduit par Mme Gisèle Ngoma, la haute juridiction a validé l’arrêt de la Cour d’appel du 2 décembre 2024, lequel ordonnait l’expulsion des occupants et attribuait à l’État bulgare le titre foncier numéro 1571.
Cette décision, insusceptible de tout recours, a été saluée par le corps diplomatique comme la preuve de la stabilité des institutions congolaises et de leur capacité à assurer un climat juridique propice aux investissements étrangers conformément aux engagements régionaux.
Un litige hérité des années 1970
Le différend remonte à 1971, année durant laquelle l’ambassade de Bulgarie avait acquis le terrain auprès de feu maître Roger Gnali Gomez, alors notaire à Brazzaville, à une époque où la coopération socialiste entre les deux États battait son plein.
Des décennies plus tard, Mme Ngoma affirmait avoir racheté la parcelle auprès de tiers, s’estimant de bonne foi et titulaire d’un titre réhabilité par des démarches cadastrales réalisées au début des années 2000.
L’ambassade bulgare, alertée en 2022 par la présence d’ouvriers entamant des travaux, a saisi la justice pour défendre ce qu’elle considérait comme un droit inaliénable relevant des conventions de Vienne sur les relations diplomatiques.
Lecture juridique et institutionnelle
Pour Me Arnaud Mabiala, professeur de droit public à l’université Marien-Ngouabi, l’arrêt témoigne d’une jurisprudence consolidée : « La Cour rappelle qu’un titre régulièrement publié avant 1975 conserve sa valeur, sauf fraude manifeste, ce qui n’a pas été démontré. »
Les juges ont aussi écarté l’exception de « judicatum solvi », jugeant que l’ambassade n’avait jamais reçu paiement d’une quelconque indemnité de la part des vendeurs supposés de Mme Ngoma, élément crucial pour rejeter la prescription libératoire invoquée.
En outre, la haute juridiction a rappelé la primauté des normes internationales ratifiées par le Congo, soulignant que les représentations diplomatiques bénéficient d’une protection particulière y compris sur le plan immobilier, afin de garantir leur bon fonctionnement et la réciprocité.
Le ministère congolais de la Justice s’est félicité, par un bref communiqué, d’une décision qui « renforce la sécurité juridique et illustre le professionnalisme de nos magistrats », louant le respect strict des délais de procédure et la publicité des audiences.
Portée diplomatique et économique
Selon une source au ministère des Affaires étrangères, la chancellerie bulgare envisage désormais de réhabiliter les bâtiments pour y installer un centre culturel et commercial, signe tangible de la relance de la coopération économique entre Brazzaville et Sofia.
Des entrepreneurs locaux se disent intéressés par les travaux, qui pourraient générer des emplois et dynamiser un secteur du BTP déjà soutenu par le plan national de développement 2022-2026, axé sur la diversification de l’économie hors pétrole.
Pour l’ambassadeur bulgare, M. Stoyanov, cette victoire judiciaire « ouvre un nouveau chapitre d’amitié mutuellement bénéfique ». Il a rappelé que plusieurs bourses universitaires seront offertes aux jeunes Congolais dans les domaines des énergies renouvelables et de l’agro-industrie.
L’issue favorable du procès rassure également d’autres chancelleries confrontées à des conflits d’occupation informelle. Un diplomate africain souligne que « la clarté du droit congolais sur la domanialité étrangère constitue un atout pour la diplomatie et pour l’image du pays ».
Vers une sécurisation foncière accrue
L’affaire remet en lumière les défis de la gouvernance foncière urbaine, marquée par la coexistence de titres modernes, de ventes coutumières et d’occupations sans droit. Cette pluralité explique nombre de litiges coûteux pour les particuliers comme pour l’État.
Le gouvernement a récemment engagé une vaste opération de numérisation cadastrale afin de fiabiliser les archives et d’accélérer le guichet unique des transactions. Des équipes mixtes parcourent les arrondissements pour recenser bornes, bornages et limites effectives.
Selon le sociologue Urbain Okombi, spécialisé dans les dynamiques urbaines, « la résolution rapide des litiges est cruciale pour éviter la violence et favoriser la planification ». Il estime que la jurisprudence bulgare servira de cas d’école pour les magistrats.
Sur le terrain, les riverains interrogés saluent la perspective d’un chantier diplomatique rénové, espérant des retombées en termes de sécurité, d’éclairage public et de commerce de proximité, autant d’indicateurs d’une ville qui se modernise progressivement.
Dans un courrier officiel, la mairie centrale a déjà assuré sa collaboration pour la délivrance des autorisations d’urbanisme, rappelant son objectif de faire du centre-ville un pôle administratif et touristique conforme aux standards régionaux de gestion durable.
Au-delà de l’affaire, juristes et urbanistes convergent pour souligner qu’une sécurisation systématique des transactions, adossée à des archives ouvertes, demeure la meilleure garantie d’un développement urbain harmonieux, facteur essentiel de cohésion sociale et d’attractivité économique pour le Congo.