Un atelier stratégique sous l’égide du Ministère de l’Intérieur
Dans le grand salon feutré de l’Hôtel Grand Lancaster, les conversations ne portaient ni sur la politique internationale ni sur la diplomatie pétrolière, mais sur les mécanismes très concrets de la mobilisation des ressources locales. Le 26 juin 2025, le Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation, avec l’appui méthodologique de la Banque mondiale, a réuni préfets, secrétaires généraux, responsables des recettes municipales et partenaires techniques pour un exercice de prospective budgétaire. Sous le regard attentif de Séraphin Ondélé, directeur de cabinet du ministre, et d’Ousmane Deme, représentant par intérim de l’institution de Bretton Woods, le séminaire a rappelé les ambitions présidentielles : rendre plus lisible, plus équitable et plus prévisible le financement des collectivités.
« Une décentralisation efficiente suppose une architecture budgétaire lisible », a souligné Ousmane Deme, insistant sur la nécessité de faire converger les standards CEMAC et les exigences locales. À ses côtés, les représentants de l’Union européenne, du PNUD et du programme Villes résilientes ont salué la démarche inclusive d’un gouvernement soucieux d’adosser ses réformes à des données empiriques solides.
Des défis financiers au cœur du processus de décentralisation
Un diagnostic réalisé en 2022 par la Banque mondiale avait déjà dégagé trois axes d’amélioration : la clarification des compétences, la consolidation de la chaîne comptable et la diversification des recettes. Depuis, la question n’est plus de savoir s’il faut décentraliser, mais comment solder le retard accumulé depuis les premières lois de 2003. La production des comptes administratifs reste partielle, et l’indexation implicite des dotations sur la rente pétrolière rend les budgets locaux singulièrement exposés aux à-coups des cours mondiaux.
Les discussions du 26 juin se sont ainsi concentrées sur la nécessaire mise à jour des nomenclatures budgétaires, la fiabilisation des bases de données cadastrales et la sécurisation des transferts intergouvernementaux. Les participants ont noté qu’à Brazzaville comme à Pointe-Noire, la surtaxe sur la TVA et la quote-part de certains impôts nationaux constituent des ressources encore sous-exploitées qui pourraient, à court terme, doubler la capacité d’investissement municipal.
Vers une fiscalité locale moins tributaire de la rente pétrolière
Si la manne pétrolière demeure un levier macro-budgétaire, elle ne saurait, selon les experts réunis, représenter l’horizon indépassable du financement local. Le directeur général du Budget, présent à l’atelier, a rappelé qu’un « coussin de prévisibilité » doit protéger les communes de la volatilité des recettes nationales tout en préservant la discipline globale des finances publiques. Cette approche rejoint les recommandations de l’étude sectorielle commanditée en 2023, laquelle préconise d’isoler une partie des transferts aux collectivités dans un fonds de stabilisation indexé sur un panier diversifié de ressources.
Concrètement, plusieurs pistes sont sur la table : la généralisation d’un impôt foncier modernisé, l’élargissement de la taxe de séjour dans les principaux pôles touristiques et le recours à des partenariats public-privé ciblés pour les services urbains. Chacune de ces options, soulignent les techniciens du Trésor, suppose un renforcement de la chaîne de collecte et un accompagnement des contribuables, faute de quoi la pression fiscale perçue pourrait nuire à l’adhésion citoyenne.
Perspectives et feuilles de route pour Brazzaville et Pointe-Noire
Au terme de la journée, un consensus s’est dégagé autour de deux priorités. D’abord, formaliser un cadre de dialogue permanent entre l’État, les communes et les bailleurs afin de calibrer, chaque année, le volume et le calendrier des transferts. Ensuite, déployer un plan triennal de renforcement des capacités axé sur la maîtrise des systèmes d’information financière, la prévention du risque fiscal et la planification participative.
Les collectivités bénéficieront d’un accompagnement sur mesure. Brazzaville testera, dès 2026, un guichet unique électronique pour les taxes locales, tandis que Pointe-Noire expérimentera un cadastre numérique adossé à la surveillance satellitaire. « Nous voulons démontrer qu’une gestion moderne des recettes locales peut devenir un vecteur de confiance entre l’administration et le citoyen », confie un haut fonctionnaire de la Direction générale des impôts. Ces innovations, soutenues par la Banque mondiale et l’Union européenne, s’inscrivent dans la vision du président Denis Sassou Nguesso, laquelle associe stabilité institutionnelle et rationalisation financière.
À l’issue des échanges, le Ministère de l’Intérieur a annoncé la tenue, au dernier trimestre 2025, d’un second atelier focalisé sur l’évaluation des premières mesures. L’objectif est clair : passer d’une décentralisation de principe à une décentralisation de performance, où chaque franc CFA engagé se traduit en services publics tangibles, qu’il s’agisse d’éclairage urbain, de gestion des déchets ou de santé communautaire.