Le Maep, un miroir continental
Conçu en 2003 par l’Union africaine comme un outil volontaire d’auto-évaluation, le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs s’apparente à un miroir dans lequel les États examinent leurs politiques publiques avant de les soumettre au regard de leurs homologues. Le Congo-Brazzaville, signataire dès le 29 mars 2003, y voit le moyen d’objectiver ses avancées en matière de gouvernance politique, économique et sociale, tout en alimentant le débat continental sur l’intégration. Ce choix relève d’une diplomatie proactive : en se soumettant à l’exercice, Brazzaville revendique une culture de la reddition des comptes compatible avec les exigences contemporaines de transparence, tout en préservant la souveraineté nationale que garantit le caractère non coercitif du mécanisme.
Une architecture institutionnelle en devenir
Réunis le 18 juillet à Brazzaville autour du président de la Commission nationale, Alain Akouala, les cadres de l’organe ont revisité la matrice fondatrice du dispositif afin de préciser responsabilités et missions. « Le Président de la République et le Premier ministre accompagneront pas à pas notre trajectoire, gage d’une cohérence entre stratégie nationale et attentes panafricaines », a indiqué M. Akouala (18 juillet 2023). Les débats ont confirmé la volonté d’arrimer la commission aux piliers classiques du Maep : démocratie et gouvernance politique, gouvernance économique, développement socio-économique et gouvernance d’entreprise. L’incorporation formelle de spécialités transversales — prospective, statistiques, droit comparé — doit permettre de générer des indicateurs fondés sur la réalité congolaise plutôt que sur des modèles exogènes.
La logistique, vecteur de crédibilité
Au-delà des schémas institutionnels, l’effectivité du Maep dépend d’une logistique irréprochable. Les participants ont ainsi dressé l’état des lieux des ressources matérielles et humaines, des logiciels d’analyse de données aux capacités de déplacement sur le terrain. Selon Édouard Lonongo, premier vice-président, « un diagnostic lucide de nos moyens conditionne la qualité des rapports que nous remettrons, donc la perception de notre sérieux par nos pairs » (18 juillet 2023). L’accent est mis sur la digitalisation des procédures pour accélérer la collecte d’indicateurs dans les départements les plus enclavés. Des partenariats techniques sont envisagés avec l’Association panafricaine de statistique et l’École nationale d’administration et de magistrature afin de former des évaluateurs aguerris aux standards internationaux sans sacrifier la dimension endogène.
Vers une intégration régionale accrue
Le protocole d’entente en cours de finalisation, qui actera l’intégration pleine et entière du Congo dans le cycle d’évaluation, revêt une portée symbolique pour la Communauté économique des États de l’Afrique centrale. En mutualisant les retours d’expérience, les États espèrent réduire les asymétries de gouvernance susceptibles d’entraver la libre circulation des biens et des personnes. Les observateurs notent qu’en se positionnant parmi les premiers pays d’Afrique centrale engagés dans la phase opérationnelle, Brazzaville confirme son rôle de pivot entre la zone Cemac et la SADC, rôle déjà illustré par sa médiation dans plusieurs dossiers de sécurité régionale. La diplomatie congolaise mise sur l’effet d’entraînement : un rapport final jugé exemplaire pourrait encourager les États encore hésitants à rejoindre le club des quarante-trois.
Regards croisés d’experts
Les spécialistes en sociologie politique saluent l’initiative tout en rappelant l’importance de la participation citoyenne. « L’auto-évaluation ne saurait se limiter aux cercles technocratiques ; elle doit intégrer les attentes des populations, notamment en matière de services publics et de lutte contre les inégalités », analyse le professeur Guy-Franck Ngoma de l’Université Marien-Ngouabi. De son côté, la Banque africaine de développement estime que la concordance entre le calendrier d’évaluation et la préparation du Plan national de développement 2025-2029 pourrait ouvrir un corridor d’alignement stratégique favorable à la mobilisation de financements concessionnels. Dans le même temps, les chancelleries occidentales voient dans cette démarche une confirmation de la stabilité institutionnelle congolaise, argument de poids pour la relance des investissements directs.
Cap sur la prochaine étape
La signature annoncée du protocole d’entente marquera l’entrée dans la phase d’auto-évaluation proprement dite, jalonnée de consultations multipartites, de vérifications croisées et de restitutions publiques. Le chronogramme, qui devrait être dévoilé dans les prochaines semaines, ambitionne de livrer un rapport national d’ici à douze mois. À l’heure où les défis climatiques, énergétiques et sécuritaires reconfigurent les agendas africains, le Congo entend démontrer la pertinence d’une gouvernance qui conjugue souveraineté affirmée et exigence d’objectivité. Reste à convertir cette dynamique en améliorations tangibles pour les citoyens ; c’est à cette aune que sera jugée, au-delà des déclarations d’intention, la promesse contenue dans le miroir du Maep.