Célébration d’un héritage militaire encore en quête de modernité
Le 22 juin 2025, l’esplanade du stade Alphonse-Massamba-Débat s’est muée en théâtre d’apparat pour marquer le 64ᵉ anniversaire de la création des Forces armées congolaises et de la Gendarmerie nationale. Sous le regard du ministre de la Défense nationale, Charles Richard Mondjo, et de son homologue de l’Intérieur, Raymond Zéphirin Mboulou, la parade a exhibé un outil militaire revendiquant discipline et cohésion. L’événement, relayé par les médias publics, a également permis de décorer seize militaires et gendarmes, rappelant le socle méritocratique dont l’institution entend se prévaloir (La Semaine Africaine, 23 juin 2025).
Une feuille de route sécuritaire axée sur l’échéance de 2026
Au-delà de la symbolique, l’orateur principal a campé les priorités d’une force publique investie d’un rôle cardinal : sécuriser la présidentielle de 2026. « La stabilité de nos institutions républicaines dépendra de notre capacité à garantir l’ordre public », a martelé Charles Richard Mondjo. Cette échéance s’annonce sensible. Le scrutin de 2021 avait été émaillé d’incidents localisés à Pointe-Noire et dans le Pool, rappelant la fragilité d’un climat politique toujours marqué par les mémoires de la guerre civile de 1997 (International Crisis Group, rapport 2019). Le gouvernement veut donc éviter toute remise en cause de la légitimité électorale à venir.
Professionnalisation et intégration : promesses et réalités
Le discours officiel insiste sur une « intégration des Forces » et la création de « pôles communs de réflexion sur la doctrine ». Depuis 2022, un projet de révision du Livre blanc de la défense est en cours, prévoyant la mutualisation des moyens logistiques entre armée, gendarmerie et police. Toutefois, plusieurs observateurs pointent la lenteur des réformes budgétaires. Le dernier rapport du FMI sur le Congo souligne que la part des dépenses de fonctionnement militaire dépasse celle consacrée à la formation, entravant la modernisation (FMI, Article IV, 2024). L’enrôlement de jeunes officiers formés à l’Académie de Cherchell en Algérie et les échanges d’état-major avec la France tranchent avec l’obsolescence d’une partie du matériel hérité de la coopération soviétique.
Le spectre régional et la coopération multilatérale
Assurer un scrutin apaisé ne se résume pas aux frontières nationales. La porosité des lignes terrestres avec la Centrafrique et la RDC expose le Congo aux flux d’armes légères et à la criminalité transfrontalière. Brazzaville participe depuis 2023 au mécanisme d’alerte précoce de la Communauté économique des États d’Afrique centrale, tandis que des officiers congolais siègent au poste de commandement du G5 Sahel à Nouakchott. La présence de Casques bleus congolais au sein de la MINUSCA constitue un laboratoire opérationnel : selon le département des opérations de paix de l’ONU, leurs retour d’expérience alimente désormais la formation interne à Mpila.
Entre méfiance citoyenne et nécessaire lien armée-nation
Le ministre Mondjo a exalté le « lien armée-nation », évoquant les campagnes médicales gratuites menées dans la Cuvette et le désenclavement routier du Kouilou. Ces actions civilo-militaires visent à restaurer la confiance, souvent érodée par des accusations d’usage disproportionné de la force lors des manifestations de 2015-2016 (Human Rights Watch, 2017). Des ONG locales, à l’instar de la Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme, réclament une réforme du code de justice militaire afin de renforcer la reddition de comptes. Le gouvernement assure que le projet de loi soumis au Parlement intègre la compétence des tribunaux civils pour certains délits commis hors service, gage d’apaisement social.
Perspectives mesurées pour un scrutin apaisé
À un an de l’ouverture officielle de la campagne électorale, l’équation demeure complexe : moderniser l’appareil sécuritaire tout en garantissant l’impartialité de son action. Si la Force publique affirme son impartialité constitutionnelle, la société civile s’interroge sur la capacité à contenir les interférences partisanes. La communauté internationale, Union européenne en tête, conditionne déjà son soutien logistique à la transparence des opérations de maintien de l’ordre. Dans ce pays où l’histoire politique s’écrit souvent au rythme des fanfares militaires, la parade du 22 juin apparaît comme un prélude symbolique. Reste désormais à traduire la synchronisation des pas martiaux en un déroulement électoral où la sécurité ne soit pas seulement exhibée, mais éprouvée au bénéfice de l’ensemble des citoyens.