Une mobilisation nationale relancée
Dans une salle comble du ministère des Affaires sociales à Brazzaville, représentants gouvernementaux, ONG et experts de l’Unicef ont tiré la même conclusion : la protection de l’enfant doit passer à la vitesse supérieure en République du Congo, où près d’un mineur sur deux reste vulnérable.
L’atelier de lancement du mécanisme national de suivi de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, organisé le 27 novembre, a été décrit par le représentant adjoint de l’Unicef, James Mugaju, comme « le moment de passer du discours aux actes à travers un cadre pérenne et inclusif ».
Pour l’institution onusienne, la visite du Comité des droits de l’enfant en décembre 2024 et les recommandations qui en ont découlé constituent une « fenêtre stratégique » capable d’accélérer les priorités nationales, à condition de mobiliser communautés, enfants et institutions autour d’un consensus clair.
Vers un budget sensible à l’enfance
La question budgétaire reste le nerf de la guerre. Les intervenants ont plaidé pour l’inscription explicite des droits de l’enfant dans l’élaboration et le suivi des finances publiques, afin de rendre visibles les crédits destinés aux programmes sociaux, de l’école primaire à la protection contre les violences.
Aimé Blaise Mitoumbi, directeur général du Partenariat au développement, a reconnu que la fragmentation actuelle des lignes budgétaires, couplée à des retards d’exécution, limite l’impact des politiques. Il promet néanmoins « des ajustements réalistes » pour aligner les dépenses sociales sur les objectifs fixés par le gouvernement.
Selon des chiffres présentés par le ministère des Finances, moins de 8 % des dépenses totales bénéficient directement aux enfants, un ratio inférieur aux recommandations internationales. Les partenaires techniques espèrent voir ce taux progresser grâce à un suivi trimestriel des allocations et à une meilleure transparence consolidée.
Coordination intersectorielle : un défi logistique
Reste la question de la coordination. Plusieurs ministères se réclament compétents en matière d’enfance, d’où des chevauchements et parfois des zones grises. Le nouveau dispositif intersectoriel entend clarifier les rôles, mettre en place un secrétariat permanent et instaurer un reporting unique vers le Premier ministre.
Christian Roch Mabiala, directeur général des Affaires sociales, insiste sur la nécessité d’outils partagés. « Une base de données commune sur la santé et l’éducation des enfants permettra d’éviter les doublons et de cibler les urgences », explique-t-il, évoquant un déploiement pilote dans trois départements.
En parallèle, un groupe technique dirigé par Suzanne Somboko procédera à une revue exhaustive de la législation existante. Objectif : rassembler décrets, lois et circulaires en un seul corpus, accessible aux administrations et aux ONG, tout en identifiant les vides juridiques à combler, notamment sur la cybersécurité.
Santé et éducation, chantiers prioritaires
Sur le terrain, les urgences sanitaires restent criantes. Le paludisme représente toujours la première cause de mortalité infantile, tandis que les campagnes de vaccination connaissent des inégalités d’accès entre zones urbaines et rurales, selon les données préliminaires du Programme élargi de vaccination présentées lors de l’atelier.
Le ministère de la Santé a néanmoins détaillé un plan de distribution de moustiquaires imprégnées et de renforcement des soins communautaires, avec l’appui financier de l’Alliance pour le vaccin. La phase pilote devrait couvrir cent trente zones de santé jugées prioritaires d’ici la fin de l’année prochaine.
En matière d’éducation, l’accent est mis sur la lutte contre l’abandon scolaire. Près de douze pour cent des enfants ne terminent pas le cycle primaire, principalement pour des raisons économiques. Des bourses de maintien à l’école et un programme de repas chauds seront testés dans deux arrondissements de Brazzaville.
Un calendrier d’actions sous haute surveillance
La feuille de route issue des discussions fixe des jalons clairs. Un rapport d’avancement sera présenté chaque semestre au Conseil des ministres, qui devra valider les ajustements nécessaires. Les partenaires internationaux se sont engagés à harmoniser leurs appuis pour éviter la multiplication des guichets.
Dans les semaines à venir, une mission mixte se rendra dans les départements du Niari et de la Likouala afin d’évaluer l’applicabilité des nouvelles orientations dans des contextes contrastés. Les résultats permettront de calibrer la future stratégie nationale de protection de l’enfant attendue pour 2025.
Les parlementaires seront également mis à contribution. Une session spéciale de la Commission affaires sociales est programmée pour examiner un projet de loi dédié aux droits de l’enfant, texte qui consolidera les mesures de prévention des violences, de signalement et d’assistance juridique gratuites pour les victimes.
Côté société civile, les organisations locales saluent l’engagement gouvernemental tout en rappelant l’importance du suivi. « Les plans existent, il faut maintenant garantir leur financement récurrent et la participation des enfants au monitoring », insiste Marie-Cécile Ndinga, coordinatrice d’une coalition d’ONG basée à Pointe-Noire.
Entre exigences budgétaires, coordination accrue et impératifs sanitaires, Brazzaville pose les briques d’un nouveau pacte pour l’enfance. Le succès dépendra de la capacité de l’appareil d’État et de ses partenaires à joindre ressources et volonté politique, dans un esprit de dialogue soutenu, transparent et inclusif.
