Des taxis engagés contre le diabète
Sous le soleil matinal du 4 décembre, la station du Centre sportif a inversé sa routine. Entre deux pleins, l’Association Marcher Courir Pour La Cause a lancé officiellement “Taxi Bomoyi”, un concours pensé pour transformer les chauffeurs de Brazzaville en sentinelles de santé publique.
Le diabète progresse silencieusement au Congo-Brazzaville, selon les estimations du ministère de la Santé; la pathologie toucherait près d’un adulte sur dix. L’activité physique régulière, combinée à une alimentation équilibrée, demeure un rempart essentiel, mais l’information n’atteint pas toujours les foyers.
C’est ce déficit de sensibilisation que Rodrigue Dinga Mbomi, président de MCPLC, veut combler. « Nous avons choisi les taxis parce qu’ils sillonnent la ville et croisent chaque jour une mosaïque de passagers », confie-t-il, déterminé à faire de chaque course un moment pédagogique.
Un dispositif d’évaluation original
Le règlement est simple. Durant la course, le chauffeur explique ce qu’est l’hyperglycémie, les facteurs de risque et l’importance de marcher trente minutes chaque jour. La discussion doit rester conviviale, sans alarmer, tout en encourageant le passage ultérieur à un dépistage gratuit.
À l’arrivée, le passager signale son appréciation en envoyant un SMS à un numéro unique. Chaque message vaut un point, auquel s’ajoutent des bonus pour la clarté du discours ou la courtoisie. Le classement, actualisé quotidiennement, attise déjà la curiosité dans les gares routières.
La technologie utilisée est volontairement légère pour éviter la fracture numérique. « Un téléphone basique suffit », rappelle Rodrigue Dinga Mbomi. Un serveur agrège les textos, vérifie les doublons et publie automatiquement les résultats sur un tableau affiché aux stations partenaires.
Un réseau de partenaires mobilisés
Pour stimuler la compétition, TotalEnergies offre chaque jour vingt cartes carburant créditées de quinze mille francs, équivalant à vingt litres d’essence ou vingt-cinq litres de gasoil. Les gagnants sont servis sur place, ce qui leur permet de repartir immédiatement pour de nouvelles courses.
Cinq stations sont mobilisées : Centre sportif, Kizito, Mazala, Loutassi et Château d’Eau. Elles forment une boucle stratégique couvrant les principaux axes du nord au sud de la capitale. Le carburant offert représente aussi un encouragement financier dans un contexte de hausse des coûts.
Au-delà du soutien logistique, la compagnie pétrolière voit dans l’opération une contribution à la prévention des maladies non transmissibles. « Nous partageons l’idée qu’une économie forte a besoin d’une population en bonne santé », souligne un responsable, saluant l’engagement civique des chauffeurs.
Des ateliers sont prévus dans chaque station partenaire pour rappeler les règles élémentaires de secourisme en cas de malaise diabétique. Les chauffeurs y recevront des dépliants, des autocollants de pare-brise et des t-shirts floqués du slogan « Rouler pour la cause ».
Objectif 500 ambassadeurs dans la ville
Pour alimenter le vivier de concurrents, sept enquêteurs sillonnent la ville armés de formulaires et de patience. Leur objectif : convaincre chaque jour dix nouveaux conducteurs d’endosser la casquette d’ambassadeur santé. Les premiers retours montrent un enthousiasme porté par la perspective de fidéliser la clientèle.
La barre symbolique de cinq cents participants doit être atteinte le 24 décembre, date de clôture du concours. Les organisateurs misent sur un effet domino : chaque taximan capté en convaincrait au moins un autre, accélérant ainsi la diffusion du programme dans les quartiers périphériques.
Grâce à des itinéraires couvrant Madibou, Kintélé et le centre-ville, la campagne vise un public hétérogène, allant des commerçants aux étudiants. Les messages audio diffusés à bord, enregistrés en lingala et en français, permettent de toucher des passagers peu familiers des slogans médicaux.
Au-delà du concours, une dynamique durable
Le ministère de la Santé suit l’expérience de près et fournira des kits de glycémie lors du dépistage géant programmé en janvier. Si les résultats sont concluants, le dispositif pourrait s’étendre aux bus urbains ou aux motos-taxis, multiplicateurs naturels de conversations quotidiennes.
Les chauffeurs interrogés soulignent déjà des changements personnels : davantage de marche entre deux files d’attente, diminution des boissons sucrées et curiosité pour le contenu des assiettes. L’impact sur leurs familles, affirment-ils, constitue la première récompense, avant même les litres d’essence gagnés.
En misant sur la confiance établie entre passagers et conducteurs, Taxi Bomoyi illustre l’idée qu’une politique de santé efficace s’appuie aussi sur les acteurs informels de la ville. Reste à convertir l’essai dans la durée, bien au-delà des festivités de fin d’année.
