Un pari national sur la résilience
Trois jours durant, les salons feutrés d’un hôtel de Brazzaville ont accueilli des débats denses où ingénieurs, sociologues, diplomates et hauts fonctionnaires ont confronté leurs diagnostics : le Congo doit apprendre à se redresser vite et mieux. En validant la version révisée de la Stratégie nationale de relèvement post-catastrophes et de préparation aux crises futures, le gouvernement ambitionne de doter le pays d’un cadre opératoire cohérent, en phase avec les impératifs du Cadre de Sendai tout en restant adapté à la réalité congolaise.
Les leçons des crues récentes
Les inondations de 2023 et 2024, aggravées par des épisodes pluvieux atypiques sur le bassin du fleuve Congo, ont agi comme un révélateur. Outre les dégâts matériels, elles ont souligné l’interdépendance des infrastructures : l’interruption de quelques chaussées a fait vaciller les chaînes logistiques de produits agricoles et pharmaceutiques, rappelant la nécessité d’anticiper les effets en cascade. « Nous avons pris conscience que la notion de risque systémique n’était plus théorique », reconnaît un cadre du ministère des Affaires sociales, réaffirmant la volonté de tirer parti de cette expérience.
Un calibrage budgétaire sous le sceau de la prudence
Évalué à 156,7 milliards de francs CFA pour la seule période 2025-2026, le coût du programme reflète la volonté de combiner reconstruction d’urgence et investissements d’avenir, tels que le recours à l’énergie solaire pour sécuriser les structures de santé de première ligne. Le ministère des Finances planche déjà sur un schéma de co-financement articulant ressources nationales, guichet vert du PNUD et instruments innovants, à l’image des obligations de résilience qui suscitent l’intérêt de plusieurs bailleurs régionaux.
Architecture institutionnelle et coordination
Un système d’alerte précoce multirisques sera abrité par l’Agence nationale de la météorologie, tandis qu’un fonds d’urgence, placé sous la tutelle du Trésor, promet des décaissements en moins de quarante-huit heures. La stratégie clarifie en outre le rôle de chaque acteur : diplomatie humanitaire portée par le ministère des Affaires étrangères, gestion opérationnelle via la direction de l’Assistance humanitaire, appui technique du PNUD et mandats spécifiques confiés à la Croix-Rouge. Selon Joseph Pihi, expert onusien présent à l’atelier, « la coordination verticale et horizontale constitue la pierre angulaire de la réussite ».
Dimension sociétale et équité territoriale
Le document consacre un chapitre aux populations historiquement marginalisées, qu’il s’agisse des communautés riveraines du Lac Télé ou des quartiers péri-urbains de Pointe-Noire. L’approche genre n’est plus cantonnée à un addendum ; elle irrigue désormais la grille d’évaluation des projets, conditionnant l’accès aux financements internationaux. L’objectif affiché est clair : faire de chaque chantier un levier d’insertion économique, en favorisant l’emploi local et la formation de femmes maîtres-artisans dans la reconstruction des écoles comme des ponts.
Surveillance, transparence et évaluation continue
La stratégie introduit un mécanisme de suivi-évaluation semestriel, articulé autour d’indicateurs précis, de la réduction du temps de réouverture des routes à l’augmentation du taux de couverture vaccinale post-crise. Pour garantir la crédibilité du dispositif, un comité indépendant, associant chercheurs de l’Université Marien-Ngouabi et représentants de la société civile, remettra un rapport public chaque année. Cette exigence de redevabilité répond aux attentes des partenaires techniques et financiers, mais vise surtout à renforcer la confiance des citoyens.
Entre volontarisme et attentes internationales
En clôturant les travaux, la directrice de l’Assistance humanitaire, Carine Ibatta, a salué « un moment charnière où le Congo se dote des outils pour transformer des vulnérabilités en opportunités ». La communauté diplomatique, représentée notamment par plusieurs ambassades africaines et européennes, y voit une illustration de la capacité de Brazzaville à traduire les engagements multilatéraux en politiques nationales. Si la mobilisation des 156,7 milliards reste un défi, la dynamique de concertation engagée conforte l’idée que, face à l’élévation du niveau des risques, la meilleure protection demeure une gouvernance anticipatrice, inclusive et transparente.