Un écran congolais ouvert aux femmes cinéastes
Dans la chaleur du Centre culturel des Ateliers Sahm, le 5 septembre, un faisceau lumineux a révélé bien plus que des images. Trois courts métrages africains, projetés pour la première édition du Festival des films d’Afrique Ô féminin Mwassi, ont offert une tribune rare aux créatrices du continent.
Organisé à Brazzaville par les Ateliers Sahm avec l’appui du Programme des Nations unies pour le développement, ce rendez-vous culturel vise à promouvoir la création féminine. La directrice artistique, Pierre-Manau Ngoula, rappelle que le Congo-Brazzaville ne compte pas encore d’école publique de cinéma.
En allant vers les populations, explique-t-elle, le festival espère déclencher une curiosité durable. « Notre ambition est de faire naître une génération de spectatrices qui, à leur tour, deviendront actrices de récits authentiques », confie-t-elle sous les applaudissements d’un public mêlant étudiants, professionnels et familles.
Trois courts métrages, trois regards singuliers
La séance s’est ouverte par « Tissus blancs » du Sénégalais Moly Kane. Sur 29 minutes, le parcours de la jeune Zuzana met à nu les injonctions pesant sur le corps féminin. Entre un mariage imminent et une grossesse non désirée, le film révèle l’urgence de décisions souvent prises dans la solitude.
Vient ensuite « Chambre n°1 », tourné dans l’aile traumatologie de Bangui. Dix patientes, victimes d’accidents de taxis-motos, partagent rires et douleurs. Leur dialogue intime déborde la chambre d’hôpital pour toucher la régulation des transports urbains que ces femmes interpellent avec franchise.
« Wakassa : briser le silence », signé par la Congolaise Razia Leila Thiam Mahoumiil, clôt la trilogie. La réalisatrice redonne voix à Alice Badiangana, figure politique méconnue, pionnière des luttes pour les droits des femmes. Dans l’obscurité de la salle, le visage d’Alice éclaire des décennies d’engagement courageux.
Un partenariat Pnud-Ateliers Sahm porteur d’espoir
La représentante résidente du Pnud, Adama-Dian Barry, voit dans ces projections un moment de détente certes, mais surtout de réflexion sur l’apport féminin à l’économie et aux dynamiques sociales. « La compétence n’a pas de sexe », rappelle-t-elle, soulignant l’alignement du festival avec les objectifs de développement durable.
Le soutien financier et logistique onusien renforce la crédibilité de l’événement. Pour les Ateliers Sahm, cette collaboration constitue un jalon supplémentaire après dix années consacrées à l’accompagnement d’artistes émergents. Ensemble, les deux partenaires entendent inscrire Mwassi dans la durée et multiplier les séances hors capitale.
Former un public, former des créatrices
Au-delà des écrans, Mwassi prévoit des ateliers d’initiation. Scénarios, cadrage ou montage : chaque module doit répondre à l’absence d’écoles spécialisées au Congo-Brazzaville. « Comprendre le langage des images ouvre la voie à une expression autonome », argumente Pierre-Manau Ngoula en évoquant de futures résidences d’écriture.
La directrice artistique insiste sur la place du spectateur. Un public averti élève la qualité des productions. Les projections populaires programmées dans les quartiers périphériques s’inscrivent donc dans une logique d’inclusion culturelle, essentielle pour décentraliser l’offre artistique encore très concentrée dans le centre-ville.
Un message d’empowerment féminin
Les trois films convergent vers un même constat : la société se construit plus solidement lorsqu’elle donne aux femmes la possibilité de raconter, d’entreprendre et de décider. Sur l’écran de Brazzaville, les héroïnes naviguent entre interdits et responsabilités, illustrant l’ambition d’une Afrique résolument tournée vers l’égalité.
En écho, Adama-Dian Barry martèle : « Le rêve est permis pour toutes les générations que vous représentez ». Les applaudissements prolongés qui suivent sa déclaration confirment la résonance du message. Mwassi, en langue lingala, signifie « femme ». Le festival entend porter ce mot au-delà de l’événementiel, comme une promesse renouvelée.
Alors que les spectateurs quittent la salle, quelques jeunes collégiennes commentent déjà la couleur des plans et la force des témoignages. Leur enthousiasme justifie la volonté des organisateurs : susciter des vocations, nourrir des vocabulaires visuels, arracher des destins créatifs au silence.
La première édition de Mwassi referme ses portes sur un pari relevé : faire de la capitale congolaise un foyer d’expression cinématographique féminine. Les rideaux se replient, mais les images restent. Dans les ruelles de Brazzaville, un rêve collectif s’esquisse, prêt à grandir sous d’autres écrans.