Une nouvelle boussole financière pour le Congo
Anatole Collinet Makosso a dévoilé la lettre de cadrage qui oriente le futur budget 2026. Le document fixe dix priorités destinées à consolider les finances publiques après les chocs extérieurs récents. Il s’agit, selon la primature, d’aligner la dépense nationale sur les exigences d’une croissance plus inclusive.
Cap sur l’assainissement budgétaire
Première ambition affichée : élargir l’espace budgétaire. La réduction des exonérations fiscales, souvent jugées coûteuses, et la rationalisation des charges de fonctionnement devraient libérer des marges pour l’investissement. Dans l’entourage du ministère des Finances, on évoque une économie attendue de plusieurs dizaines de milliards de francs CFA.
Mobiliser mieux et plus de recettes
Le gouvernement entend renforcer la collecte fiscale grâce à la digitalisation des régies financières. Immatriculation automatisée, échange de données entre services, paiement bancaire obligatoire : autant d’outils destinés à réduire la fraude et à sécuriser les flux. « Nous visons un taux de pression fiscale de 16 % du PIB », assure un haut cadre.
Ressources naturelles : optimiser le rendement
Le Congo souhaite également maximiser la valeur tirée du pétrole, du bois et des mines. La maîtrise des droits issus des contrats, combinée à un suivi rapproché des entreprises du portefeuille public, doit booster les recettes non fiscales. Le ministère des Hydrocarbures annonce déjà un audit des conventions arrivant à échéance.
Relancer l’investissement productif
Augmenter la part du capital dans le budget est présenté comme un catalyseur de croissance. Les secteurs ciblés sont les routes, l’énergie et les zones économiques spéciales. Selon l’économiste Jean-Pierre Kakoua, chaque franc public investi dans ces domaines « créera un effet multiplicateur proche de 1,8 sur le PIB ».
Dépenses publiques sous contrôle
Pour garantir l’efficacité des engagements, la budgétisation par programmes sera généralisée. Les ministères devront définir des objectifs mesurables et publier des rapports trimestriels. La Cour des comptes, renforcée, pourra déclencher des audits rapides. Cette culture du résultat doit soutenir la crédibilité financière vis-à-vis des partenaires.
Réduction maîtrisée de la dette
La lettre de cadrage rappelle la nécessité de ramener le ratio dette/PIB sous le seuil communautaire de 70 %. Une stratégie d’apurement des arriérés intérieurs et de renégociation des échéances extérieures est à l’étude. « Le service de la dette ne doit plus grever le budget social », confie un conseiller gouvernemental.
Diversifier l’économie hors pétrole
Renforcer la résilience passe par l’agriculture, le numérique, le tourisme ou l’immobilier. L’État compte soutenir ces filières via des exonérations ciblées et la création de guichets uniques. La production vivrière locale, encore insuffisante, pourrait réduire la facture des importations alimentaires et stimuler l’emploi rural.
Fiscalité du quotidien modernisée
La TVA sur les hydrocarbures sera optimisée, tandis qu’un impôt minimum sur les revenus bancarisés doit assurer une contribution équitable de chacun. La création d’un fichier foncier numérisé permettra d’améliorer le rendement de l’impôt immobilier, souvent sous-collecté. Les jeux de hasard verront leur cadre légal révisé pour limiter les évadés fiscaux.
Transparence et lutte contre les risques
Le gouvernement veut systématiser l’analyse des risques budgétaires, qu’il s’agisse de garanties accordées aux entreprises publiques ou de fluctuations des cours pétroliers. Des scénarios de stress test seront intégrés à la loi de finances initiale pour éclairer les parlementaires et rassurer les investisseurs sur la solidité des prévisions.
Numérisation au service de la performance
À Brazzaville comme à Pointe-Noire, les guichets fiscaux dématérialisés se multiplient. Le passage automatique des informations du centre d’identification des contribuables au centre de gestion des impôts réduira les doublons. L’objectif affiché est d’atteindre, dès 2026, un taux de télé-déclaration supérieur à 90 %.
Synergie entre État et secteur privé
Pour stimuler l’investissement, l’exécutif souhaite un dialogue renforcé avec les organisations patronales. Des contrats de performance pourraient lier les grandes entreprises et l’administration fiscale, garantissant des délais de remboursement de crédit TVA contre un engagement sur la création d’emplois locaux. Les banques, elles, accompagneront la bancarisation généralisée des salaires.
Les voix de la société civile
Le Cercle congolais de réflexion économique salue « des mesures cohérentes pour l’équilibre macroéconomique », tout en appelant à « une pédagogie renforcée auprès des contribuables ». L’association Espoir-Jeunes propose, pour sa part, que 5 % des recettes additionnelles soient fléchées vers la formation technique et l’entrepreneuriat des jeunes.
Calendrier et étapes clés
La préparation de la loi de finances débutera par les conférences budgétaires sectorielles prévues en octobre. Le projet sera ensuite soumis au Parlement avant le 15 novembre, conformément à la Constitution. L’examen en séance plénière devrait s’achever avant les fêtes de fin d’année, puis la promulgation intervenir début janvier.
Enjeux régionaux et partenariats internationaux
Le redressement budgétaire congolais s’inscrit dans le cadre du Programme régional de stabilité de la CEMAC. Les partenaires, dont la Banque mondiale et le FMI, suivent de près les progrès sur la discipline fiscale. Un nouveau décaissement concessionnel pourrait être activé si les objectifs intermédiaires sont atteints dès 2025.
Un pari pour la croissance inclusive
Les dix objectifs constituent, selon un économiste de la BEAC, « un contrat de confiance entre l’État et les ménages ». En agissant sur les recettes, les dépenses et la gouvernance, le Congo espère ramener la croissance autour de 4 % dès 2027, tout en limitant les inégalités et en favorisant l’emploi.
La route vers 2026
Le succès de cette feuille de route reposera sur la constance politique et la coordination technique des administrations. Les observateurs soulignent l’importance de la communication publique et du suivi des indicateurs. Les premiers signaux, notamment la hausse des recettes au premier trimestre 2024, laissent entrevoir la faisabilité de ce plan ambitieux.