Un Conseil à Brazzaville au complet
Le Conseil des ministres de l’UEAC s’est réuni du 27 au 31 octobre 2025 à l’hôtel Hilton Les Tours Jumelles de Brazzaville, capitale de la République du Congo, pour sa quarante-quatrième session ordinaire, placée sous la présidence du ministre congolais de l’Économie, Ludovic Ngatsé.
Autour de lui, le président de la Commission, Baltasar Engonga Edjo’o, le gouverneur de la BEAC, la présidente de la COSUMAF et les responsables des agences d’exécution ont fait le déplacement. Cette composition a garanti un débat technique nourri et une légitimité politique incontestable.
Les six États de la CEMAC – Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Centrafrique et Tchad – partagent l’ambition de bâtir un marché commun africain de référence. La session de Brazzaville marque une étape, tant pour l’intégration sous-régionale que pour la visibilité diplomatique du Congo-Brazzaville.
Cap sur la gouvernance financière
Après validation du quorum, le Conseil a adopté un ordre du jour amendé puis entériné le procès-verbal de la précédente rencontre tenue à Bangui. Les ministres se sont ensuite penchés sur la matrice de suivi des recommandations pour veiller à la cohérence des décisions.
Les audits internes ont mis en lumière des avancées appréciables, mais aussi des marges de progression. D’où la création immédiate d’un comité d’audit, architecture proposée par le Gabon, chargé de suivre l’application des recommandations et de consolider la culture d’évaluation permanente au sein des instances.
Ludovic Ngatsé a insisté sur la nécessité de rapports financiers consolidés par mission et par institution. Selon lui, « la rigueur budgétaire ne doit pas être perçue comme une contrainte, mais comme un levier de crédibilité auprès des partenaires au développement et des opinions publiques » (communiqué final).
Le budget 2026 arrêté à 85,923 milliards FCFA progresse de 2,42 % par rapport à l’exercice précédent. L’enveloppe traduit une volonté d’arbitrage fin : réduire les dépenses de fonctionnement superflues pour réinjecter l’essentiel vers les projets intégrateurs et le désendettement.
Transformer le FODEC en moteur d’investissement
Le Fonds de développement communautaire, FODEC, bénéficie de 18,456 milliards FCFA d’allocations. Le Conseil a réaffirmé son principe de transformation en véritable Fonds d’investissement appelé à cofinancer infrastructures, numérisation et industrialisation légère, afin d’accélérer la création d’emplois qualifiés.
Cette évolution doit encore franchir plusieurs jalons techniques. Pour garantir la transparence, les ministres exigent des manuels de procédure harmonisés et un dispositif de reporting trimestriel. La Commission est invitée à livrer ces outils lors d’une session extraordinaire programmée dès que les textes seront prêts.
Le port sec d’Ebibeyin, projet transfrontalier entre le Gabon et la Guinée équatoriale, illustre les nouvelles ambitions. Les études devront s’achever avant la fin du premier semestre 2026, afin d’inscrire le chantier dès le même exercice budgétaire et fluidifier les chaînes logistiques régionales.
Taxe communautaire d’intégration : la clé du financement
Le mécanisme autonome de recouvrement de la Taxe communautaire d’intégration, TCI, demeure le socle financier de la CEMAC. Le Conseil a exhorté chaque État à appliquer l’acte additionnel instituant la collecte automatique, condition sine qua non à l’indépendance budgétaire communautaire.
Les experts ont recommandé une mission conjointe entre la Commission et les administrations douanières afin de calibrer les modalités techniques. L’objectif est d’unifier les procédures et de sécuriser les flux, tout en réduisant les délais de reversement qui pénalisent l’exécution des programmes prioritaires.
Les États membres, dont le Congo-Brazzaville, ont réaffirmé leur détermination à respecter le calendrier. Pour Ludovic Ngatsé, « la TCI est plus qu’un impôt ; elle incarne la solidarité et la responsabilité partagée de nos peuples ». Une communication ciblée devrait accompagner le déploiement.
Les partenaires financiers saluent cette transparence. La Banque africaine de développement, selon des participants, a conditionné certains concours à l’opérationnalité du dispositif, preuve que la gouvernance fiscale régionale devient aussi un argument pour attirer des financements concessionnels indispensables aux chantiers d’intégration.
Priorités 2026 : intégration et interdiction des grumes
Outre les questions budgétaires, le Conseil a rappelé la décision d’interdire l’exportation de grumes provenant du bassin du Congo. Cette mesure devrait promouvoir la transformation locale du bois, renforcer la chaîne de valeur forestière et consolider les recettes internes des États.
Les délégations ont également insisté sur la consolidation de la paix et de la sécurité, conditions déterminantes pour l’attractivité économique. En filigrane, les ministres appellent à articuler les stratégies nationales de développement avec les objectifs communautaires pour éviter chevauchements et pertes d’efficacité.
Clôturant la session, Ludovic Ngatsé a lancé un appel à tous les acteurs, des gouvernements aux sociétés civiles, pour « transformer les résolutions en actions visibles ». Le Congo-Brazzaville, terre d’accueil de la rencontre, renforce ainsi son image de promoteur pragmatique de l’intégration sous-régionale.
