Le Cerape passe à la vitesse digitale
A l’ombre des grands chantiers économiques, une vingtaine de jeunes analystes se retrouvent cette semaine dans une salle lumineuse du centre-ville de Brazzaville. Ils appartiennent au Centre d’études et de recherche sur les analyses et politiques économiques, le Cerape, qui veut passer un cap numérique.
Durant cinq jours, du 6 au 10 octobre, l’atelier monté par le Cerape promet de doter ses membres de réflexes de communicants digitaux, capables de valoriser des mois de recherche en quelques clics et d’emmener leurs données vers des publics plus larges.
Pour le directeur exécutif, cette capacité de diffusion n’est plus un luxe mais « une condition pour que nos recommandations irriguent le débat économique et social ». L’enjeu dépasse la simple notoriété, insiste-t-il : il s’agit d’accroître l’utilité publique des notes publiées depuis vingt ans.
Former des chercheurs-communicants
Dans un contexte mondial marqué par des mutations rapides, la direction du centre rappelle que la communication institutionnelle se doit d’être agile. Elle conjugue désormais storytelling, data visualisation et plaidoyer numérique afin de créer un écosystème favorable à la diffusion de savoirs appliqués aux réalités africaines.
Le premier module introduit les notions d’intelligence artificielle générative. Les participants apprennent à rédiger des textes clairs avec l’assistance d’algorithmes, à vérifier leurs sources puis à façonner des infographies qui résument des modèles macroéconomiques complexes en un clin d’œil pour les décideurs.
Un second atelier, plus visuel, fait la part belle à la création de vidéos courtes sur smartphone. Les chercheurs, souvent habitués aux séminaires académiques, apprennent à condenser en une minute les conclusions d’un working paper, ajoutant sous-titres et animations pour circuler sur les réseaux.
Outils créatifs et charte visuelle unifiée
La méthodologie inclut également la mise en place d’une mini-bibliothèque d’éléments graphiques maison : logos, palettes, pictogrammes et modèles de diaporama. Objectif : harmoniser la charte visuelle du Cerape pour que chaque publication renvoie immédiatement à l’institution, quel que soit le canal utilisé.
Pour parvenir à ce résultat, le centre s’appuie sur le savoir-faire du Nkafu Policy Institute. L’organisation camerounaise pilote depuis deux ans le projet Scatt-Bridge, destiné à consolider la résilience des think tanks d’Afrique centrale face aux défis démocratiques et de gouvernance.
Scatt-Bridge mise sur des formations pratiques, l’entraide régionale et le partage d’outils afin que chaque structure amplifie sa voix dans l’espace public. Pour le Cerape, ce levier externe s’ajoute à une expérience interne forgée au contact des facultés de l’Université Marien Ngouabi.
Un partenariat régional stratégique
Fondé en 2002 par un collectif d’enseignants-chercheurs, le Cerape s’est imposé comme l’un des rares organismes indépendants consacrés à l’analyse de la conjoncture congolaise et régionale. Ses travaux sur la diversification économique et la soutenabilité budgétaire alimentent régulièrement les commissions parlementaires et les partenaires techniques.
L’atelier actuel anticipe la publication, en fin d’année, d’un rapport sur les chaînes de valeur agricoles. Le document ambitionne d’identifier les gisements d’emplois ruraux, thème au cœur des priorités nationales de diversification fixées par le ministère congolais de l’Économie, preuve de l’alignement recherché.
Outre les compétences techniques, les sessions encouragent l’éthique numérique : protection des données, respect du droit d’auteur et vérification de l’information. « Une infographie erronée discrédite le message », rappelle la formatrice, soulignant l’importance de procédures internes de relecture avant tout envoi sur les plateformes sociales.
À mi-parcours, les retours d’expérience révèlent déjà des avancées. Une doctorante confie avoir découvert des outils de suivi statistique lui permettant de mesurer l’engagement suscité par ses articles, tandis qu’un économiste souligne la facilité nouvelle à créer un carrousel Instagram pour vulgariser des indicateurs sur la dette publique.
Impact attendu sur la gouvernance économique
Le Cerape espère ainsi consolider un public multiforme : institutions congolaises, bailleurs africains, diaspora universitaire, mais également médias. Dans un environnement informationnel parfois saturé, la cohérence visuelle et la réactivité deviennent des atouts pour percer le brouillard et rappeler la vocation panafricaine du centre.
Derrière cette stratégie se profile un enjeu de souveraineté informationnelle. Donner aux chercheurs congolais les moyens de diffuser eux-mêmes leurs analyses limite les distorsions de lecture et renforce la crédibilité des données locales, indispensables au suivi des objectifs de développement durable et de la Vision nationale 2025.
À terme, le Cerape vise la création d’un observatoire numérique capable de cartographier en temps réel les politiques économiques d’Afrique centrale. L’atelier en cours en constitue la première brique, en dotant l’équipe de protocoles de diffusion compatibles avec les attentes des plateformes et les standards académiques.
En dotant ses membres de nouvelles compétences, le Cerape confirme sa volonté de rester un acteur de référence au Congo-Brazzaville et au-delà. La communication digitale devient alors un prolongement naturel de la recherche, au service d’une économie plus inclusive et d’un débat public éclairé.
Les stagiaires présenteront vendredi une campagne test, diffusée simultanément sur Facebook, LinkedIn et X, démontrant la cohérence des formats conçus durant l’atelier et ouvrant la voie à des collaborations accrues.