Brazzaville mise sur la relève nationale pour étinceler sur la scène continentale
La publication, à Brazzaville, d’une liste de vingt-sept joueurs par le sélectionneur Barthélémy Ngatsono n’est pas qu’un simple acte administratif ; elle marque l’ambition d’un pays qui cherche, par le vecteur footballistique, à restaurer son aura continentale. Après une campagne 2022 jugée « mi-figue mi-raisin » par la Fédération congolaise de football (FECOFOOT), l’édition 2025 du Championnat d’Afrique des nations (CHAN) apparaît comme une seconde fenêtre d’opportunité. « Nous devons présenter un visage conquérant pour honorer la République », glisse le technicien, conscient que la compétition, réservée aux joueurs évoluant sur le sol national, est scrutée par un écosystème diplomatique plus large que celui, traditionnel, du ballon rond.
Une présélection miroir des dynamiques de clubs et des équilibres régionaux
La répartition des appelés révèle, en creux, la hiérarchie sportive domestique. L’AS Otohô fournit à elle seule huit éléments, confirmant son statut de locomotive économique et technique de la Ligue 1 congolaise. Inter-Club et AC Léopards suivent, témoignant de la bataille d’influence entre Brazzaville et Dolisie. Cet ancrage local conforte l’argument avancé par la FECOFOOT, selon lequel le CHAN constitue « un laboratoire pour valoriser les clubs comme structures de formation et d’identification nationale » (communiqué du 23 juin). Le staff a, par ailleurs, introduit quatre néophytes issus de Red-Star et AS Beng, signal clair envoyé aux provinces que la sélection n’est plus chasse gardée des pôles urbains historiques.
Le CHAN, instrument de diplomatie douce pour le Congo
Au-delà de la dimension sportive, le gouvernement congolais inscrit sa participation dans une stratégie de soft power régional. La Présidence a récemment élevé le CHAN au rang de « priorité stratégique », arguant que la performance d’une équipe nationale locale nourrit la confiance des investisseurs et renforce l’image d’un pays désireux de stabilité (déclaration du porte-parole le 17 mai). À l’heure où les États riverains des Grands Lacs se repositionnent sur l’échiquier énergétique et sécuritaire, Brazzaville saisit la tribune footballistique pour rappeler son rôle de médiateur historique, du dossier centrafricain aux pourparlers soudanais. Dans ce contexte, une campagne honorable au CHAN équivaudrait à une démonstration d’efficacité organisationnelle, prisée par les chancelleries partenaires.
Défis logistiques d’un tournoi éclaté entre Nairobi, Dar es-Salaam et Kampala
Le format inédit d’un CHAN triangulaire, réparti entre le Kenya, la Tanzanie et l’Ouganda du 2 au 30 août, impose un ballet logistique délicat. Le Congo étudie déjà des bases arrière à Naivasha et Arusha, zones réputées pour leur altitude modérée et leur proximité des pelouses homologuées par la Confédération africaine de football. Le ministère des Sports a confirmé, lundi, que les vols affrétés seraient opérés par la compagnie nationale Equatorial Congo Airlines, garantissant « une maîtrise souveraine des flux ». Reste l’épreuve de la co-habitation informelle entre délégations, que les attachés de sécurité décrivent comme « un test diplomatique grandeur nature » alors que l’agenda régional demeure marqué par des tensions frontalières persistantes.
Pressions budgétaires et arbitrage entre impératifs sociaux et ambition sportive
Le financement de la préparation, chiffré officieusement à trois millions de dollars, suscite un débat parlementaire. Le ministère des Finances plaide la « rentabilité médiatique et touristique » de la performance sportive, tandis que certains élus préconisent d’allouer une part accrue aux programmes d’infrastructures sanitaires. Dans cette joute, la FECOFOOT mise sur le soutien de sponsors tels que TotalEnergies et la Banque postale du Congo, arguant que chaque prime versée aux joueurs est encadrée par un dispositif de suivi fiscal. Au regard des retombées mesurées lors de l’édition camerounaise de 2021, où les audiences télévisuelles avaient enregistré un pic de 400 % dans la sous-région (chiffres de l’Union africaine de radiodiffusion), l’argument économique gagne en consistance.
Un calendrier de préparation millimétré sous la vigilance de la CAF
Le staff technique doit arrêter, d’ici à la fin de la semaine, un programme condensé de six semaines, mêlant micro-cycles à Brazzaville, matches amicaux face au Gabon et stage en altitude à Kigali, négocié avec la Fédération rwandaise. Selon une source proche de la Confédération africaine de football, la CAF a exigé un reporting hebdomadaire sur l’état des visas, la couverture vaccinale et la conformité des assurances, conditions sine qua non pour éviter les forfaits qui, en 2022, avaient entaché la crédibilité de la compétition. Sur le plan purement sportif, Ngatsono entend articuler son animation offensive autour du duo Mankou-Nkaya, tandis que le vétéran Samba, 29 ans, apportera une assise psychologique dans les cages.
Au-delà de l’échéance d’août, plusieurs recruteurs européens ont annoncé leur présence en Afrique de l’Est. La perspective d’exporter des talents locaux exerce, sur les joueurs, une pression supplémentaire. « C’est une chance unique de montrer que le football congolais peut conjuguer discipline tactique et flair créatif », résume l’ancien international Oscar Ewolo, désormais conseiller spécial auprès du ministère des Sports.
Brazzaville compte ses espoirs et prépare sa sortie de tunnel
Au soir du 30 août, la performance des Diables Rouges sera jugée tant à l’aune des points engrangés qu’à la lumière des signaux politiques émis. Pour un pays encore en quête d’un récit unificateur, le football offre de nouveau un cadre cathartique, capable de transcender clivages partisans et fractures sociales. Reste à savoir si cet élan trouvera une traduction durable en réformes structurelles, qu’il s’agisse de formation des cadres techniques ou de modernisation des stades provinciaux. En attendant, Barthélémy Ngatsono et ses vingt-sept présélectionnés portent, sur leurs épaules, l’espoir d’un peuple et la volonté d’un État de parler à l’Afrique en langue de cuir rond.