Une mobilisation sanitaire inédite
En l’espace de deux mois, la montée des cas de choléra a conduit les autorités sanitaires de la République du Congo à activer, aux côtés de la Croix-Rouge Congolaise, un dispositif d’exception. Le déclenchement d’un Fonds d’urgence marque une réponse coordonnée d’une ampleur rarement observée.
La cérémonie officielle, tenue à Brazzaville le 26 août, a réuni décideurs publics, donateurs et acteurs humanitaires. Derrière le protocole, un objectif clair : freiner la propagation du vibrion cholérique avant qu’il n’exerce une pression insoutenable sur les structures de soins.
Le gouvernement, par l’intermédiaire du Comité interministériel de crise, assure la conduite stratégique. Des réunions quotidiennes alignent les interventions des ministères de la Santé, de l’Intérieur et des Transports pour garantir la cohérence des messages et la fluidité des opérations sur le terrain.
Le mécanisme DREF déployé
Au cœur de la stratégie se trouve le Disasters Response Emergency Fund, ou DREF, mécanisme financier de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Il garantit la disponibilité immédiate de ressources, sans attendre les traditionnelles campagnes d’appels de fonds.
Dans le cas congolais, une enveloppe initiale de 540 millions de FCFA — l’équivalent de 220 000 euros annoncés par l’Union européenne — permet le déploiement rapide d’équipes mobiles, la fourniture de comprimés de chlore et la promotion de comportements d’hygiène appropriés.
Les chiffres qui interpellent
Le directeur de cabinet du ministère de la Santé et de la Population, Donatien Mounkassa, a confirmé la détection de 500 cas depuis le 23 juin, dont 35 décès. Cette létalité estimée à 7 % excède la norme internationale et justifie, selon lui, une vigilance accrue.
Les notifications proviennent principalement des districts de Brazzaville et du Congo-Oubangui. Les experts redoutent néanmoins un élargissement géographique, la saison des pluies à venir créant des conditions propices à la contamination par l’eau insalubre et les denrées alimentaires irriguées.
Les données sont consolidées via un système de notification numérique mis en place depuis 2020. Celui-ci permet de cartographier en temps quasi réel les foyers actifs et d’orienter les équipes d’intervention rapide vers les villages où l’incidence hebdomadaire dépasse le seuil d’alerte.
Focus sur l’île Mbamou
Située au milieu du fleuve Congo, l’île Mbamou concentre la majorité des cas. Les habitations sur pilotis, l’absence de réseau d’eau traitée et la promiscuité liée au commerce fluvial expliquent la vulnérabilité particulière de cette zone à forte mobilité humaine.
Chaque jour, des barges assurent la liaison entre Mbamou, Brazzaville et la République démocratique du Congo. Cette porosité frontalière, essentielle aux échanges économiques, complique le suivi épidémiologique. La sensibilisation des bateliers constitue donc un volet majeur du plan d’action présenté.
Solidarité internationale structurée
Aux côtés de la FICR, l’Union européenne, via son service d’aide humanitaire, renforce l’appui technique. « Notre contribution vise à accélérer la phase critique de contrôle », a expliqué Anne Marchal, soulignant la complémentarité avec l’effort budgétaire déjà consenti par l’État congolais.
D’autres partenaires, tels que l’Organisation mondiale de la santé et l’UNICEF, fournissent du matériel de laboratoire et des kits d’appoint pour les points d’hydratation orale. Les autorités locales rappellent que la coordination reste menée par le Centre des opérations d’urgence de santé publique.
Le secteur privé n’est pas en reste ; plusieurs entreprises locales de boissons ont promis des camions-citernes pour l’approvisionnement en eau chlorée, contribuant à un effort de responsabilité sociétale salué par les autorités et les organisations non gouvernementales partenaires.
Des défis logistiques à relever
Le transport fluvial des intrants vers les localités enclavées représente un goulot d’étranglement. Les volontaires de la CRC, essentiels à la chaîne, doivent composer avec des embarcations parfois vétustes, rallongeant les temps d’acheminement des solutions de réhydratation et des équipements de protection.
Dans les centres de traitement, la formation continue du personnel est un autre volet critique. La maîtrise des protocoles de tri, d’isolement et de désinfection réduit significativement le risque de contagion nosocomiale, facteur souvent sous-estimé lors des flambées diarrhéiques dans la sous-région.
Vers une prévention durable
Au-delà de l’urgence, les épidémiologistes plaident pour un investissement pérenne dans l’accès à l’eau potable. Les stations de traitement installées durant la campagne devront être intégrées au service public afin d’éviter le cercle récurrent : alerte, mobilisation, et retour à la vulnérabilité initiale.
La CRC annonce déjà le lancement d’ateliers communautaires pour promouvoir le lavage des mains et la chloration domestique. « Les comportements préventifs restent notre meilleur vaccin », rappelle un responsable local, insistant sur la nécessité d’impliquer leaders religieux et associations de quartier.
La recherche de financement additionnel se poursuit. Les autorités étudient l’opportunité d’un appui de la Banque africaine de développement pour réhabiliter les réseaux d’assainissement urbain. Une telle perspective, si elle aboutissait, consoliderait les gains enregistrés grâce au DREF et à la coopération européenne.