Un fonds vital face à l’urgence
En moins de trois mois, le Congo-Brazzaville a vu le choléra regagner du terrain, obligeant la Croix-Rouge congolaise à activer le Fonds d’urgence pour les secours en cas de catastrophe, connu sous l’acronyme Dref, lors d’une cérémonie officielle à Brazzaville.
Porté financièrement par la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ce mécanisme permet de mobiliser immédiatement des ressources sans attendre la longue chaîne des bailleurs. Les premières enveloppes servent déjà à l’achat de kits de potabilisation et de traitements.
Pour le directeur de cabinet du ministère de la Santé, Donatien Mounkassa, présent au lancement, le dispositif répond à une urgence clairement identifiée : « Nous faisons face à une maladie évitable et traitable, mais dont la létalité atteint actuellement un niveau préoccupant », a-t-il déclaré.
Choléra: état des lieux au Congo
Les autorités sanitaires estiment à 500 le nombre de cas recensés, dont 35 pertes humaines. L’île Mbamou, sur le fleuve Congo, reste l’épicentre, tandis que Mossaka, Loukoléla et des localités voisines enregistrent désormais de nouveaux signalements malgré une accalmie relative initiale.
Les conditions sanitaires demeurent difficiles dans certaines zones riveraines, où l’eau potable se fait rare et les déversements d’eaux usées persistent. À cela s’ajoutent les mouvements transfrontaliers avec la République démocratique du Congo, générant un flux humain quotidien difficile à contrôler.
Cette réapparition du choléra coïncide avec une activité épidémique régionale. L’Angola confirme des cas à Cabinda, la RDC en recense dans Kinshasa et l’Équateur. Le bassin du fleuve se révèle ainsi un corridor de transmission qu’il faut surveiller de près.
La réponse gouvernementale et internationale
Conformément aux directives nationales, la surveillance épidémiologique s’intensifie dans les départements de Brazzaville et de la Cuvette. L’objectif est de détecter et d’isoler rapidement chaque cas, avant d’assurer le traitement par solution de réhydratation orale et antibiothérapie ciblée.
L’Union européenne apporte un soutien de 220 000 euros, soit près de 140 millions de francs CFA. Sa représentante, Anne Marchal, a souligné la complémentarité de cette contribution avec le Dref, estimant qu’« une réponse coordonnée reste le gage d’une épidémie contenue ».
Le financement couvre quatre mois d’activités et vise prioritairement 4 000 résidents de quartiers périphériques de Brazzaville. Les actions incluent la distribution de filtres familiaux, la réhabilitation de points d’eau et l’appui aux structures de santé déjà sollicitées par la pandémie de Covid-19.
À l’échelle institutionnelle, le gouvernement congolais réaffirme sa stratégie « Zéro décès évitable ». Cette orientation se traduit par un renforcement logistique : stocks d’antibiotiques sécurisés, équipes mobiles dans la Cuvette, mise à disposition de barges sanitaires pour l’île Mbamou.
Implication communautaire, clé de voûte
Au-delà des investissements, la conscience collective détermine l’efficacité de la riposte. La Croix-Rouge forme des bénévoles chargés de sensibiliser aux gestes d’hygiène, comme le lavage des mains, la désinfection des récipients et l’usage de latrines dérivées.
Sociologues et anthropologues mobilisés soulignent que les rumeurs sur la potabilisation chimique de l’eau freinent parfois l’adhésion. Une communication adaptée, dans les langues locales et via des leaders religieux, semble atténuer ces résistances selon les premiers retours de terrain.
Les comités de village s’organisent également pour contrôler les points d’embarquement fluvial, réduisant le risque d’exporter le vibrion cholérique. « Chacun doit devenir un sentinelle sanitaire », résume un volontaire de Mossaka, rappelant que la dissémination se joue souvent à l’échelle d’une pirogue.
Les professionnels de santé saluent déjà le rôle moteur des autorités locales, dont les préfets coordonnent des comités de crise hebdomadaires pour partager données, contraintes et besoins, instaurant une circulation de l’information que les partenaires considèrent comme « un acquis précieux pour les futures urgences ».
Regard régional et prévention future
Les experts recommandent d’inscrire le financement d’urgence dans une approche durable. Les infrastructures hydrauliques du couloir Congo-Oubangui doivent être modernisées afin de réduire la dépendance aux sources non traitées, terrain favorable au renouement cyclique avec le choléra.
Une collaboration scientifique est d’ores et déjà engagée avec l’Institut national de recherche biomédicale de Kinshasa pour séquencer les souches circulantes. Le suivi génomique aidera à déterminer l’éventuel lien entre les flambées actuelles et celles observées en 2022 dans la région.
À moyen terme, les autorités envisagent de coupler les campagnes de vaccination contre la polio à des distributions préventives de vaccin anticholérique oral. Cette stratégie intégrée, testée dans d’autres pays d’Afrique centrale, promet un coût logistique maîtrisé et une couverture élargie.
Pour l’heure, l’efficacité de la réponse se mesurera à la tendance des courbes épidémiques. Les premières observations indiquent un tassement des cas sur l’île Mbamou. Toutefois, la vigilance reste de mise dans les districts nouvellement touchés, où la transmission intrafamiliale persiste.
En mobilisant à la fois ressources nationales et appuis internationaux, Brazzaville veut transformer cette crise en occasion de renforcer son système de santé communautaire. L’issue dépendra de la capacité collective à maintenir l’élan une fois l’urgence médiatique retombée.