Une génération majoritaire au centre de tous les indicateurs
Dans la lueur blanche de la salle de conférence du ministère de la Jeunesse, les chiffres auront résonné avec l’éloquence d’un rappel à l’ordre. D’après le recensement général de 2023, 76 % des Congolais ont moins de trente-cinq ans et 41 % moins de quinze ans, plaçant la République du Congo face à une courbe démographique ascendante qui ne souffre aucun retard dans la prise de décision. Pour le représentant-résident adjoint de l’Unesco, Brice Olivier Kamwa Ndjatang, cette « jeunesse prépondérante » constitue un aiguillon stratégique : « Notre avenir se joue à l’aune de politiques capables de transformer ce vivier en capital humain productif ». À cet égard, la Politique nationale de la jeunesse – désormais sanctuarisée – se présente comme la matrice d’une réponse systémique au défi du chômage.
Une articulation fine avec le Plan national de développement
Validé le 3 juillet 2025 à Brazzaville, le document s’inscrit dans la continuité du Plan national de développement 2022-2026 en reprenant ses orientations sur la diversification économique et la cohésion sociale. Le directeur de cabinet du ministère de la Jeunesse, Charles Makaya dit « Mackaill », le décrit comme un « puissant levier de transformation » : l’objectif affiché est de réduire, en une seule année, le chômage des 15-35 ans de douze points. Le pari paraît ambitieux mais il repose sur une logique de convergence des moyens budgétaires, administratifs et privés, de façon à éviter la dispersion chronique qui a souvent grevé l’efficacité des précédents programmes.
Sur le plan normatif, la politique décline quatre axes – éducation, employabilité, entrepreneuriat, santé reproductive – que les équipes interministérielles traduiront en projets territorialisés. Le texte prévoit l’ouverture de cinq mille nouvelles places dans les centres de formation professionnelle d’ici à 2026, la création de trois mille trois cents postes supplémentaires dans l’enseignement et le recrutement de six mille sept cents agents publics, tandis qu’un programme « Solidarité-Jeunesse » mobilisera le secteur privé autour de quatre mille embauches calibrées pour les primo-demandeurs. En ciblant aussi bien l’offre de compétences que la demande salariale, le dispositif se veut holistique.
Des mécanismes d’accès à l’emploi pensés pour l’efficacité
Au-delà des chiffres, la question de la qualité de l’emploi constitue le cœur de la réforme. Le marché congolais reste marqué par la prévalence d’emplois informels, souvent précaires et faiblement rémunérés, reconnaît l’Unesco. Pour rompre avec cette spirale, la politique mise sur la généralisation de l’apprentissage dual, l’extension du tutorat entrepreneurial et l’accompagnement fiscal des micro-entreprises fondées par des jeunes. Il s’agit d’orienter les dynamiques d’auto-emploi vers des filières à haute valeur ajoutée, notamment l’agro-transformation et l’économie numérique, deux secteurs identifiés comme porteurs par le Ministère de l’économie.
Concrètement, un fonds d’amorçage dédié aux start-up devrait voir le jour avant la fin de l’exercice 2025, assorti d’un guichet unique pour simplifier l’immatriculation des entreprises et raccourcir les délais administratifs. La Direction générale des impôts étudie parallèlement des exonérations temporaires de cotisations sociales pour les sociétés recrutant au moins dix jeunes de moins de trente ans. Ces incitations doivent catalyser l’investissement privé et insuffler un surcroît de dynamisme à un tissu productif encore sous-capitalisé.
Partenaires techniques et financiers, garants de la rigueur
Pour sécuriser la trajectoire, le gouvernement a sollicité l’expertise de l’Unesco et d’ONU-Jeunesse qui ont apporté un renforcement méthodologique et une batterie d’indicateurs de suivi alignés sur les standards internationaux. Taux d’emploi, niveau d’alphabétisation, participation associative et cartographie des zones vulnérables seront mesurés trimestriellement par un observatoire mixte associant l’Institut national de la statistique et la société civile. « La transparence des données est le meilleur antidote contre la défiance », souligne Émile Éba, directeur de cabinet par intérim du ministère de l’Économie, qui se félicite de la « rigueur des experts mobilisés pour la collecte et l’analyse ». Cette approche factuelle répond aux exigences des bailleurs, parmi lesquels figurent la Banque africaine de développement et l’Agence française de développement.
Vers un changement structurel du marché du travail
Si la relance économique demeure la condition sine qua non d’un recul durable du chômage, la politique nationale entend enclencher une dynamique auto-entretenue : plus de compétences locales, davantage d’entreprises formelles et, à terme, une base fiscale élargie. Les économistes s’accordent à dire qu’une réduction de douze points du chômage des jeunes équivaudrait, toutes choses égales par ailleurs, à un gain de deux points de PIB grâce à l’augmentation des revenus distribués et de la consommation intérieure.
Le calendrier, serré, laisse peu de marge à l’improvisation. Néanmoins, le volontarisme affiché à Brazzaville s’appuie sur un consensus politique rare, porté par la conviction que « la jeunesse reste le fer de lance de la nation », pour reprendre la formule de M. Ndjatang. En alignant vision stratégique et pragmatisme budgétaire, les autorités congolaises tablent sur un effet d’entraînement susceptible de redessiner à brève échéance le paysage socio-économique national, et de faire du Congo-Brazzaville un laboratoire régional en matière de politiques publiques en faveur des jeunes.