La filière ciment, moteur de la croissance nationale
Dans un pays où les chantiers d’infrastructures se multiplient, le ciment représente bien plus qu’un simple matériau : il incarne la capacité du Congo à bâtir ses routes, ses ponts et ses logements. Chaque sac produit localement réduit la dépendance aux importations et stimule le PIB.
Selon le ministère des Industries extractives, la capacité installée a été multipliée par cinq en dix ans, passant de 600 000 à plus de trois millions de tonnes annuelles. Cette expansion rapide donne au secteur un poids stratégique comparable à celui des hydrocarbures dans l’appareil productif national.
Brazzaville réunit experts, industriels et État
Sous l’égide du ministre Antoine Thomas Nicéphore Fylla Saint Eudes, le forum de deux jours rassemble producteurs, chercheurs, banquiers et partenaires techniques. L’objectif affiché est clair : agréger les compétences pour dessiner une vision partagée du développement de la filière d’ici à 2030.
« Nous voulons faire du Congo un hub cimentier pour l’Afrique centrale », souligne le ministre. Pour y parvenir, la rencontre alterne ateliers thématiques et sessions plénières où sont débattues fiscalité, normes de qualité et intégration des chaînes de valeur régionales.
État des lieux : opportunités et contraintes
Les experts rappellent que le pays dispose de réserves abondantes de calcaire et d’argile, matières premières majeures pour le clinker. L’accès au fleuve Congo et au port de Pointe-Noire offre un avantage logistique indéniable pour exporter vers la République démocratique du Congo, le Cameroun ou l’Angola.
Toutefois, des goulots subsistent : intermittence énergétique, coûts de transport routier élevés et concurrence de géants internationaux disposant de marges d’échelle. Les participants ont dressé un inventaire détaillé des obstacles afin de hiérarchiser les priorités d’action à court et moyen termes.
Cap sur la compétitivité et la gouvernance
Le projet de plan stratégique prévoit la création d’un comité de suivi multipartite chargé d’harmoniser fiscalité, délivrance des licences et mécanismes d’incitation. Cette gouvernance partagée doit permettre de réduire les coûts administratifs, d’accélérer les investissements et de renforcer la transparence du marché.
L’État, salué pour sa volonté de concertation, s’engage à moderniser le cadre réglementaire tout en préservant l’attractivité pour les capitaux privés. « La stabilité des règles est notre meilleur atout », affirme un cadre d’une cimenterie implantée à Mindouli, qui évoque un climat d’affaires « en nette amélioration ».
Innovation durable : réduire l’empreinte carbone
La production de clinker reste émettrice de CO₂ ; les acteurs locaux souhaitent donc introduire des additifs tels que le pouzzolan ou les cendres volantes pour abaisser le facteur carbone des sacs vendus. Des partenariats avec des universités congolaises explorent déjà ces alternatives.
Parallèlement, l’utilisation de combustibles dérivés de biomasse, notamment les coques de palmier ou les résidus de scieries, est expérimentée dans deux usines de la Bouenza. Ces initiatives s’alignent sur les engagements climatiques pris par le Congo lors de la COP27 et renforcent la réputation responsable du secteur.
Financement, logistique et marché commun
Le forum a mis en avant la nécessité d’instruments financiers adaptés. La Banque nationale de développement étudie un guichet dédié offrant des crédits à long terme assortis de garanties partielles de l’État, afin de soutenir la modernisation des fours et l’extension des carrières.
Sur le plan logistique, la réhabilitation du corridor CFCO Pointe-Noire–Brazzaville devrait diviser par deux le coût du fret intérieur. Elle s’ajoute au projet de desserte fluviale jusqu’à Kinshasa, étape décisive pour conquérir un marché de quarante millions d’habitants.
Emploi local et montée en compétences
Avec près de 5 000 emplois directs et trois fois plus d’emplois induits, la filière ciment contribue à la réduction du chômage des jeunes diplômés techniques. Les producteurs, regroupés au sein de l’Association professionnelle du ciment, annoncent la création d’un centre de formation dual à Dolisie.
Ce centre proposera des modules en maintenance industrielle, chimie des matériaux et management de la qualité. L’objectif est d’aligner les compétences locales sur les standards internationaux, tout en offrant des passerelles vers les chantiers régionaux financés par la Banque africaine de développement.
Cap sur 2030 : un hub sous-régional
Le plan d’action validé à l’issue du forum fixe une ambition de six millions de tonnes de capacité annuelle d’ici à 2030, dont 40 % destinées à l’export. Cette projection repose sur la mutualisation des infrastructures et sur des accords tarifaires préférentiels avec les pays voisins.
Les participants conviennent qu’une telle dynamique renforcera la position du Congo sur la carte industrielle d’Afrique centrale. Elle devrait aussi générer de nouvelles recettes fiscales permettant de financer des programmes sociaux, preuve qu’un sac de ciment congolais peut désormais porter bien plus que du béton.