CanalOlympia, six ans d’émotion partagée
L’annonce de la fermeture des complexes CanalOlympia de Brazzaville, Pointe-Noire et Oyo a surpris les fidèles spectateurs. Depuis 2019, ces salles, dotées de 300 fauteuils et d’équipements numériques haut de gamme, avaient donné au public congolais un accès régulier aux grandes sorties africaines et internationales.
Avant chaque projection, la cour extérieure se transformait en scène de concerts ou de débats, créant un art de vivre inédit pour de nombreux habitants qui découvraient le cinéma en grand format sans devoir se rendre à l’étranger ou se contenter des plateformes en ligne.
En six années, les équipes locales ont accueilli des festivals, organisé des ateliers d’initiation au montage et favorisé l’émergence de jeunes réalisateurs congolais dont certains ont ensuite circulé dans les grands rendez-vous de l’audiovisuel africain.
Une décision stratégique maîtrisée
Le communiqué officiel daté du 11 octobre précise que la fermeture interviendra le 26 octobre 2025, soit le temps nécessaire pour préparer la rétrocession des infrastructures à un opérateur encore tenu au secret des négociations.
Lors de l’échange organisé à Brazzaville avec la ministre de l’Industrie culturelle, touristique, artistique et des Loisirs, Lydie Pongault, la présidente du réseau, Christine Pujade, a insisté sur la volonté de maintenir un service de qualité durant toute la phase transitionnelle.
La démarche s’inscrit dans le repositionnement continental de CanalOlympia, qui renforce désormais les partenariats locaux plutôt que de gérer directement la programmation et l’entretien, une orientation perçue comme un signe de confiance envers l’expertise africaine émergente.
Impacts économiques et culturels locaux
Le départ du groupe soulève toutefois des inquiétudes immédiates : une partie des employés, techniciens, agents d’accueil et médiateurs culturels, s’interroge sur la pérennité de leurs contrats une fois la rétrocession effective.
Pour nombre de producteurs indépendants, l’arrêt temporaire des projections risque de ralentir la diffusion de films nationaux, souvent programmés lors de soirées à tarifs préférentiels qui permettaient d’attirer un public étudiant ou familial.
La ministre rappelle néanmoins que le gouvernement de la République du Congo travaille à des mesures d’accompagnement destinées à préserver l’emploi qualifié et à soutenir les initiatives d’exploitation privée capables de prendre le relais rapidement.
Vers un modèle congolais de gestion des salles
Plusieurs entrepreneurs du secteur créatif ont déjà manifesté leur intérêt. Certains envisagent un consortium mêlant investisseurs locaux, collectivités territoriales et bailleurs internationaux afin d’instaurer un mécanisme de financement pérenne pour la maintenance, la sécurité et la programmation.
Des discussions avancées portent sur l’introduction d’un quota d’œuvres congolaises et africaines, couplé à des abonnements modulables, inspirés des plateformes numériques, pour fidéliser les spectateurs et assurer un flux de recettes régulier hors des seules sorties hollywoodiennes.
Le Centre national du cinéma et de l’image animée, récemment renforcé par un décret présidentiel, pourrait jouer un rôle d’interface technique, en homologuant les normes de projection et en agréant les opérateurs, gage d’un environnement concurrentiel sain.
Les acteurs se mobilisent pour la relève
Dans les jours suivant l’annonce, de jeunes réalisateurs se sont réunis à l’Institut français de Brazzaville pour élaborer une programmation itinérante qui circulera dans les centres culturels de quartiers populaires, preuve que l’offre cinématographique se réinvente déjà.
À Pointe-Noire, des opérateurs de vidéoclub testent un format hybride combinant projection laser et diffusion en streaming, accessible via un simple code QR, afin de maintenir le lien avec les communautés éloignées des grands centres urbains.
Alors que le rideau se baisse sur l’enseigne CanalOlympia, beaucoup voient dans cette transition l’opportunité de consolider une filière où la créativité congolaises fait front aux défis logistiques et financiers, avec l’appui discret mais déterminé des pouvoirs publics.
Une approche régionale en mutation
La restructuration de CanalOlympia concerne aussi le Gabon et le Cameroun, où les bâtiments ont été remis respectivement à la mairie de Port-Gentil et à l’Université de Yaoundé. Dans les deux cas, les autorités ont privilégié la transformation des salles en centres polyvalents dédiés à l’enseignement artistique.
Cette tendance témoigne d’une volonté partagée de maximiser l’usage des infrastructures culturelles : cours de théâtre en journée, projections le soir, concerts le week-end. Les experts y voient un modèle durable, capable de réduire les coûts d’exploitation tout en élargissant l’accès à la culture.
Le regard des cinéphiles
Sur les réseaux sociaux congolais, les messages nostalgiques alternent avec des propositions concrètes. Des étudiants en informatique suggèrent de numériser les archives des avant-premières passées et de les rendre accessibles sur une plateforme nationale, estimant qu’un tel catalogue renforcerait la mémoire collective.
D’autres réclament un ticket unique régional valable dans toutes les salles partenaires afin de favoriser la circulation des publics entre Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie ou Oyo. L’idée a reçu un accueil favorable de l’association des exploitants, qui l’étudie dans le cadre du futur cahier des charges.
Un collectif d’ingénieurs sonores propose également d’installer des micro-studios dans les anciens halls d’accueil, afin de former la génération montante aux métiers techniques du cinéma et de créer des pistes de revenus grâce à l’enregistrement de publicités ou de podcasts locaux.