Une distinction régionale stratégique
Le 12 décembre 2024, la Commission bancaire de l’Afrique centrale a publié à Libreville son classement annuel des entreprises de « grand standing et d’importance nationale » pour l’exercice 2025. Sur quarante sociétés retenues dans les six États membres, huit portent le drapeau de la République du Congo.
La liste, très convoitée, ne signale qu’une entreprise du bâtiment et travaux publics : la Manufacture Bâtiments et Travaux Publics, MBTP. Le groupe joins ainsi les mastodontes pétroliers, télécoms ou agroalimentaires qui dominent d’ordinaire l’économie régionale et dictent les conditions de financement.
Pour MBTP, l’inscription représente bien plus qu’un prestige symbolique. Elle ouvre au constructeur des traitements bancaires préférentiels, rassure les créanciers internationaux et crédibilise sa candidature sur les marchés publics majeurs que l’intégration économique de la zone CEMAC ne cesse d’accélérer.
Une montée en puissance patiente
Fondée au début des années 2000, MBTP a longtemps œuvré dans l’ombre des grands groupes étrangers. L’entreprise dirigée par Hervé Madzou a cependant consolidé un savoir-faire qui lui vaut aujourd’hui d’être considérée comme l’un des rares champions industriels endogènes du Congo-Brazzaville.
Son portefeuille couvre désormais les routes, les ouvrages hydrauliques, les bâtiments institutionnels et, plus récemment, les structures bancaires. Chaque chantier a servi de vitrine à des équipes locales formées sur le terrain, dans une logique de transfert de compétences et d’ancrage territorial vantée par la direction.
Issa Attye, directeur général adjoint de MBTP et président de la Fédération BTP d’Unicongo, résume la philosophie maison : « Construire pour les générations futures implique de penser durabilité et inclusivité à chaque étape ». Une profession de foi entendue lors de la REF 2025.
Le chantier d’Oyo, vitrine internationale
Mai 2024 a marqué un tournant. À Oyo, ville natale du président Denis Sassou Nguesso, le chef de l’État a inauguré le nouveau siège de la Banque sino-congolaise pour l’Afrique, bâti par MBTP sur un terrain de 3 000 m² pour une surface utile de 480 m².
La cérémonie a réuni Gu Shu, président du conseil de la BSCA Bank, le ministre des Finances Christian Yoka, Roger Rigobert Andely et le maire Gaston Yoka. Devant eux, l’ouvrage affichait des standards internationaux souvent réservés aux capitales, démontrant l’ambition d’implanter des services financiers de pointe en zone semi-urbaine.
Christian Yoka a insisté sur la logique d’expansion bancaire : l’épargne locale cherche désormais des guichets de proximité, tandis que les PME réclament des lignes de crédit adaptées. « Le choix d’Oyo n’est pas anodin », a-t-il rappelé, citant la vitalité commerciale de la ville.
Un sésame financier pour les grands projets
Le classement COBAC confère aux sociétés sélectionnées un risque pondéré plus favorable dans les bilans bancaires. Concrètement, MBTP peut négocier des lignes de garantie moins coûteuses, ce qui abaisse le prix final des travaux et renforce la compétitivité de ses offres face aux consortiums étrangers.
L’accès élargi au crédit coïncide avec l’annonce, par la BSCA Bank, d’un relèvement progressif de capital qui passera de 53 à 73 milliards de francs CFA avant 2028. Cette enveloppe devrait financer des relais d’agences, des solutions numériques et de nouvelles infrastructures physiques au Congo-Brazzaville.
En devenant un interlocuteur privilégié des banques, MBTP pourrait également accompagner les programmes gouvernementaux de logements sociaux, de ponts secondaires et de réhabilitation des voiries urbaines, dossiers régulièrement mis en avant par le ministère de l’Aménagement du territoire pour soutenir la croissance hors pétrole.
Infrastructures, clé de la diversification
La République du Congo cherche à réduire sa dépendance aux recettes pétrolières, qui représentent encore une part prépondérante des revenus budgétaires. Les infrastructures, en reliant territoires et marchés, figurent parmi les piliers identifiés du Plan national de développement et du partenariat public-privé promu par Brazzaville.
En ce sens, la trajectoire de MBTP symbolise l’émergence d’un tissu d’entreprises locales aptes à capter les retombées de la dépense publique et à retenir la valeur ajoutée sur le territoire. Son ascension suggère que la politique de contenus locaux progresse discrètement mais sûrement.
Le défi reste néanmoins immense. Les besoins de financement en transport, énergie et numérique sont estimés à plusieurs centaines de milliards de francs CFA sur la prochaine décennie. Disposer d’opérateurs comme MBTP, reconnus par la COBAC, apparaît dès lors comme un avantage concurrentiel régional décisif.
Perspectives régionales et partenariats nouveaux
L’obtention du label COBAC ouvre à MBTP le marché des infrastructures communautaires, des corridors routiers transfrontaliers aux bâtiments administratifs de la CEMAC. Les autorités évoquent déjà la modernisation de postes de contrôle intégrés entre le Congo-Brazzaville, le Gabon et le Cameroun.
L’entreprise discute avec des bailleurs multilatéraux pour ajouter davantage de normes vertes à ses chantiers. Panneaux solaires, recyclage des eaux de chantier et matériaux locaux à faible empreinte carbone figurent déjà dans le plan stratégique 2026-2030.
Si ces ambitions se confirment, MBTP servira d’exemple aux PME de la sous-région, créant un écosystème où confiance bancaire, compétence technique et conformité environnementale se renforcent mutuellement, au bénéfice d’une croissance inclusive portée par des acteurs africains.
