Une réforme administrative aux racines décentralisatrices
Longtemps envisagée, l’institutionnalisation des Comités de gestion dans les écoles publiques trouve enfin une concrétisation juridique avec le décret du 30 décembre 2024. Le séminaire tenu à Kintélé du 12 au 14 juin 2025, conduit par le ministre Jean-Luc Mouthou, a révélé les ressorts d’une mutation inspirée du secteur de la santé, où de semblables dispositifs ont déjà fait leurs preuves. La démarche s’inscrit dans la philosophie nationale de déconcentration progressive : rapprocher la décision du terrain, en confiant aux communautés éducatives une responsabilité accrue dans la conduite des affaires scolaires.
Le rôle catalyseur des Coges dans la gouvernance scolaire
Conçus comme organes de concertation, d’appui et de gestion participative, les Coges associent chefs d’établissement, enseignants, parents d’élèves, autorités locales et représentants de la société civile. « Les nouveautés apportées par les lois promeuvent la démocratie participative, en donnant la possibilité aux populations de suivre la gestion des affaires scolaires les concernant », a rappelé Jacques Ississongo, représentant le ministère de l’Intérieur.
Cette perspective est partagée par Stella Sassou Nguesso, députée-maire de Kintélé, qui y voit le prolongement logique de la politique de transfert de compétences : « La gestion participative scolaire repose sur une collaboration à long terme qui engage chaque citoyen dans la quête de meilleurs résultats. » En élargissant le périmètre de décision, le gouvernement entend stimuler l’appropriation locale des politiques éducatives et consolider la cohésion sociale autour des écoles.
Cap sur l’efficience budgétaire et la qualité pédagogique
Au-delà de la symbolique démocratique, les Coges représentent un outil de rationalisation financière. Soutenu par le Programme accélérer la gouvernance institutionnelle et les réformes (Pagir), lui-même adossé à la Banque mondiale, le dispositif ambitionne de rendre plus lisible l’affectation des crédits et de promouvoir la culture du résultat. La budgétisation participative, désormais possible à l’échelle de l’établissement, devrait permettre d’optimiser les achats de manuels, l’entretien des infrastructures et l’appui aux innovations pédagogiques.
La réforme nourrit également une finalité qualitative. En intégrant les enseignants et les parents dans un même espace de décision, le ministère parie sur l’amélioration du climat scolaire, la réduction des abandons et l’élévation des performances mesurées aux examens nationaux. L’instrumentation future de tableaux de bord, annoncée par les experts du Pagir, servira à objectiver les progrès et à orienter les réajustements méthodologiques.
Des garde-fous institutionnels pour une participation inclusive
La participation citoyenne suppose un encadrement précis. Les textes fondateurs définissent la durée du mandat des membres, les modalités d’élection et les procédures de contrôle interne. Les inspections académiques conserveront un rôle d’audit, tandis que les préfectures et les conseils départementaux auront la charge d’accompagner la montée en compétence des nouveaux acteurs. Cette articulation entre autonomie et supervision vise à prévenir la capture des Coges par des intérêts particuliers et à garantir la transparence des flux financiers.
Intervenant à la clôture de l’atelier, Jean-Luc Mouthou a souligné la vigilance requise : « Le chemin vers une gouvernance éducative participative, responsable et performante exige des efforts continus. Il nous revient collectivement de veiller à la mise en œuvre de la feuille de route adoptée. » En écho, les participants ont formulé une batterie de recommandations portant sur la formation des membres, la numérisation des procédures et l’élaboration de rapports publics annuels.
Perspectives d’implémentation et suivi évaluatif
Dès la rentrée 2025-2026, un premier cercle d’établissements pilotes sera doté de Coges opérationnels. Les retours d’expérience permettront d’ajuster le dispositif avant la généralisation prévue à l’horizon 2027. Outre l’appui technique du Pagir, un partenariat est envisagé avec des universités congolaises pour documenter scientifiquement l’impact de la réforme sur la qualité de l’apprentissage et la participation communautaire.
À l’heure où le Congo-Brazzaville réaffirme son engagement en faveur de l’Objectif de développement durable n°4, la mise en place des Coges résonne comme un jalon décisif. Elle conjugue l’exigence d’équité territoriale, la quête d’efficience budgétaire et l’ambition d’excellence pédagogique. C’est dans la convergence de ces trois dimensions que se mesurera, à terme, la portée de cette réforme, appelée à devenir un modèle de gouvernance scolaire inclusive sur le continent.