Un partenariat UE-OSC aux ambitions mesurées
Il aura fallu trois ans et demi de planification méthodique pour que le programme de renforcement des capacités institutionnelles et opérationnelles des organisations de la société civile, Precap-CCOD, arrive à son terme. Porté financièrement par l’Union européenne, le dispositif s’inscrit dans une logique de co-construction qui préserve la souveraineté nationale tout en injectant de l’expertise technique occidentale. Le choix d’un financement partenarial, et non substitutif, exprime une volonté explicite de compléter les politiques publiques de développement menées par les autorités de Brazzaville, plutôt que de les concurrencer. Au sein de la délégation de l’UE, on souligne discrètement la « maturité progressive » des ONG congolaises, tandis que les responsables gouvernementaux saluent une « complémentarité fonctionnelle » conforme au Plan national de développement 2022-2026.
Des formations ciblées comme levier de professionnalisation
De Dolisie à Pointe-Noire, en passant par Ouesso et Djambala, vingt structures ont suivi un cursus dense articulé autour de cinq modules : gouvernance associative, planification stratégique, gestion du cycle de projet, communication institutionnelle et comptabilité analytique. Chaque séminaire alternait exposés théoriques et ateliers pratiques afin de favoriser un transfert de compétences pérenne. Les coordonnateurs ont notamment appris à élaborer des indicateurs de performance basés sur les Objectifs de développement durable, à construire des tableaux de bord financiers et à administrer un site web sans dépendance externe. Cet effort d’ingénierie pédagogique répond à un constat largement partagé chez les bailleurs : la faiblesse des outils organisationnels freine l’impact social des ONG, quelles que soient leur ferveur militante et leur proximité communautaire.
Des effets tangibles déjà perceptibles sur le terrain
Le rapport bilanciel présenté le 27 juin à Brazzaville relève une progression moyenne de 35 % des scores d’évaluation institutionnelle entre l’audit initial et la clôture du projet. Des indicateurs qualitatifs corroborent ces chiffres : plusieurs organisations disposent désormais de plans triennaux homologués, tandis que d’autres, comme l’unité de production agroalimentaire pilotée à Mfilou-Ngamaba, ont sécurisé un premier tour de table financier de 30 millions de francs CFA. « Les avancées sont visibles : la gouvernance interne de nos associations s’est rationalisée », résume Dominique Matondo, président du Conseil d’administration du CCOD, qui se félicite d’un « changement de paradigme » où la société civile « n’apparaît plus seulement comme contestataire, mais comme acteur technique du développement ».
Entre soutien gouvernemental et autonomie civique
La question de l’ancrage institutionnel se pose avec acuité à l’issue du financement européen. Les dirigeants d’ONG insistent désormais sur la nécessité d’un relais national. « Si nous soutenons l’action publique, il est naturel que les autorités nous épaulent à leur tour », plaide M. Matondo. Le gouvernement, pour sa part, voit dans cette montée en compétences une opportunité de déconcentration de l’action sociale, sans perte de contrôle politique. Dans les couloirs du ministère des Affaires sociales, on affirme travailler à un dispositif d’agrément et de co-financement qui associerait progressivement les collectivités locales et le secteur privé, dans une optique de responsabilité partagée. Ce dialogue, encore informel, illustre un mouvement de normalisation des relations entre État et société civile, longtemps marquées par la méfiance.
Cap sur la durabilité et la gouvernance inclusive
Au-delà des compétences techniques, le Precap-CCOD a réussi à forger des réseaux inter-associatifs capables de mutualiser ressources et expertises. Luciano Thibault Boyeka Moussolo, point focal pour l’environnement et le développement durable, insiste sur l’importance de cette dynamique collective : « Nous devons continuer à travailler main dans la main, que ce soit avec les pouvoirs publics, les investisseurs ou nos partenaires extérieurs ». Pour les observateurs, la pérennité dépendra de deux paramètres : la capacité des ONG à diversifier leurs sources de financement, et celle de l’administration à intégrer ces acteurs dans les dispositifs nationaux de suivi-évaluation.
Si ces conditions sont réunies, le Congo pourrait disposer, d’ici quelques années, d’un tissu associatif suffisamment robuste pour contribuer pleinement aux agendas climatiques, agricoles et sociaux qui structurent la feuille de route gouvernementale. L’Union européenne, quant à elle, y verrait la confirmation que la diplomatie du développement peut conjuguer efficacité opérationnelle et respect des souverainetés. En définitive, le projet illustre la possibilité d’un modèle coopératif où la société civile se renforce sans jamais faire ombre à l’État, mais en éclairant, à sa manière, les voies d’un développement plus inclusif.