Un concours national pour libérer la parole
Dévoilé le 28 octobre à Brazzaville, le concours national « Dis non avec tes mots » vise à transformer la salle de classe en tribune d’expression pour des milliers de jeunes filles. Portée par l’association Oxygène, l’initiative entend renforcer la riposte verbale face aux violences basées sur le genre.
L’opération s’inscrit dans la campagne « Agir c’est prévenir, prête à te défendre », programmée du 25 novembre au 10 décembre, période coïncidant avec les Journées internationales de mobilisation contre les violences faites aux femmes. Le calendrier place ainsi l’école au cœur d’un rendez-vous citoyen majeur.
Inscription numérique et règles du jeu
Pour participer, chaque candidate, de la classe de CE2 jusqu’à la troisième, doit se connecter à la page Facebook ouverte pour l’occasion. Un formulaire simplifié recueille identité, niveau scolaire et autorisation parentale, avant l’envoi d’un texte original rédigé en poésie, slam ou prose libre.
La limite fixée à cinq cents mots encourage la concision et la force du message. Les organisateurs, soucieux d’inclusion numérique, autorisent toutefois l’envoi par courrier dans les établissements disposant d’un accès internet restreint, afin de garantir l’égalité des chances sur l’ensemble du territoire.
Un comité dirigé par l’écrivain et pédagogue Constant Ferréol Ngassakys évaluera style, créativité et pertinence sociétale. Autour de lui, trois enseignantes de lettres, un psychologue scolaire et une spécialiste de droit familial partageront leurs regards pour sélectionner vingt finalistes, avant un podium final prévu mi-décembre à Brazzaville.
Trois ateliers, trois angles de défense
Parallèlement, trois ateliers formeront le volet pratique de la campagne. Le premier initiera à la self-défense, s’appuyant sur les arts martiaux pour développer confiance corporelle, lecture des situations à risque et gestes de protection non violente, autant d’aptitudes susceptibles de dissuader ou de neutraliser une agression physique.
Le second atelier, baptisé « Voix et pouvoir », explorera la dimension verbale du refus. À travers des jeux de rôle, les formatrices montreront comment un ton assuré, un vocabulaire précis et une posture stable permettent de déstabiliser un auteur de harcèlement, tout en évitant l’escalade de la violence.
Un troisième module réunira médecins, juristes, journalistes et forces de l’ordre afin d’harmoniser la prise en charge institutionnelle. Tables rondes et cas pratiques viseront à identifier de nouveaux mécanismes d’alerte, raccourcir les délais de plainte et améliorer l’accompagnement psychologique des victimes mineures.
Dire pour agir : l’impact de la parole
En privilégiant le verbe, l’association Oxygène rappelle qu’une insulte sexiste ou une menace silencieuse précèdent souvent l’acte. « Nommer l’injustice, c’est déjà reprendre un peu de pouvoir », souligne Mme Zara, sa présidente, qui observe un renforcement de la confiance chez les adolescentes ayant participé à la première édition.
Les textes lauréats de 2022, exposés dans plusieurs collèges, ont provoqué des discussions ouvertes entre garçons et filles, un effet collatéral salué par les équipes pédagogiques. Parce qu’ils utilisent le registre littéraire, ces récits décentrent le regard et rendent accessibles des situations parfois tues dans l’espace familial.
Une mobilisation qui couvre tout le territoire
Cette année, le concours s’étend sans restriction aux établissements des départements du Pool, de la Likouala ou encore du Niari, zones rurales où la parole publique des filles reste discrète. Oxygène s’appuie sur les directions académiques pour diffuser les affiches et sur les radios communautaires pour relayer l’appel.
Le ministère de l’Éducation nationale, partenaire logistique, fournit des salles informatiques pour la finalisation des textes. Selon un responsable de la direction des examens, cette collaboration matérialise « le souci de conjuguer excellence scolaire et civisme » sans alourdir le calendrier officiel des classes d’examen.
Valoriser l’écriture féminine
Au-delà du concours, l’association projette de constituer une anthologie numérique des cinquante meilleurs écrits, disponible gratuitement. L’objectif est de nourrir un corpus local d’expressions féminines, souvent absentes des manuels, et d’inspirer d’autres établissements à intégrer la question du genre dans leurs programmes de lecture.
Complémentarités institutionnelles indispensables
Psychologues et autorités locales soulignent cependant que la prévention ne peut reposer uniquement sur les victimes potentielles. Le concours doit s’accompagner, rappellent-ils, d’une sensibilisation continue des élèves masculins, de formations pour les enseignants et d’une application rigoureuse des textes de loi déjà existants.
La République du Congo a ratifié plusieurs instruments internationaux, dont la convention de Maputo. Les ONG, tout en saluant cette base juridique, insistent sur la nécessité de budgets dédiés pour les cellules d’écoute scolaires et la formation des brigades spécialisées au sein de la gendarmerie.
Poésie et vigilance citoyenne
En misant sur la créativité, le concours « Dis non avec tes mots » veut transformer les élèves en vigies éclairant leur communauté. Si la poésie n’arrêtera pas à elle seule la violence, elle peut, de l’avis des organisateurs, réveiller l’empathie collective et ouvrir la voie à des dialogues nécessaires.
Après la remise des prix, Oxygène prévoit d’évaluer l’impact par sondages anonymes dans les écoles participantes, un premier pas vers l’élaboration d’un baromètre annuel de la perception des violences de genre chez les 8-15 ans.
