Suspension du contrat Senelec : un tournant décisif
En mars, Brazzaville a mis fin au contrat d’affermage qui liait l’opérateur sénégalais Senelec à l’appareil public congolais. La décision, mûrement pesée selon le gouvernement, a ouvert une phase d’incertitude puis de recomposition accélérée du paysage électrique national.
Le ministère de l’Énergie insiste sur la nécessité de reprendre la main. « C’était une étape indispensable pour clarifier les responsabilités et réorganiser la chaîne de valeur », confie un cadre joint après l’annonce. Les partenaires privés sont appelés à rester, mais sous de nouveaux paramètres.
Une promesse forte : effacer les délestages
Le 18 août, lors d’un forum consacré à la filière ciment, Émile Ouosso s’est voulu catégorique : « Les délestages observés ces derniers temps ne seront plus qu’un vieux souvenir. » L’assurance tranche avec la réalité quotidienne de coupures qui fragilisent ménages et entreprises.
Pour le ministre, l’engagement n’est pas qu’une déclaration d’intention. Il s’appuie sur un calendrier révisé de priorités, orienté vers la fiabilité des centrales existantes, la réduction des pertes commerciales et l’augmentation progressive des capacités installées.
La filière ciment, baromètre de la relance
Le même forum d’août illustre l’interdépendance entre énergie et industrie. Les cimenteries, grandes consommatrices d’électricité, subissent de plein fouet chaque interruption de réseau. Leur contribution à la croissance nationale en fait un secteur test pour la nouvelle stratégie énergétique.
Les industriels ont salué la tonalité volontariste des autorités. Ils rappellent toutefois que la régularité du service est vitale pour honorer les commandes locales et sous-régionales. Sans courant continu, fourneaux et broyeurs restent à l’arrêt, grevant compétitivité et emplois.
Repenser la gouvernance du secteur
La sortie de l’affermage ouvre un chantier institutionnel. Brazzaville travaille à une refonte des contrats de production, de transport et de distribution. L’objectif affiché est de clarifier la tarification, d’encourager l’entretien préventif et de responsabiliser chaque maillon.
Selon un conseiller technique, la nouvelle architecture misera sur des indicateurs de performance publics. « Le citoyen doit savoir qui fait quoi et dans quel délai », affirme-t-il. La transparence voulue est censée restaurer la confiance après des années d’aléas.
Financements et partenariats en négociation
La stabilité du réseau dépend aussi de ressources financières pérennes. Le gouvernement annonce des discussions avancées avec plusieurs bailleurs pour consolider les infrastructures. Les modalités exactes restent à finaliser, mais l’exécutif assure privilégier des accords équilibrés.
Au ministère, l’on souligne que les futurs partenaires devront intégrer des clauses de transfert de compétences. « Chaque franc investi doit également former des ingénieurs congolais », précise un responsable, convaincu que la durabilité passe par le capital humain.
Production : optimisation avant expansion
Les capacités déjà disponibles continuent d’être sollicitées en priorité. La maintenance des groupes les plus anciens a été réétudiée pour limiter les arrêts imprévus. Un programme de mise à niveau, présenté comme réaliste, ciblera d’abord les centrales stratégiques proches des grands centres urbains.
Émile Ouosso insiste : « Nous ne courrons pas après des mégawatts théoriques. L’essentiel est de stabiliser ce qui existe, puis d’ajouter graduellement de nouveaux apports. » Cette approche graduelle est censée réduire le coût global et rassurer les bailleurs.
Transport et distribution : le maillon faible
Les pertes techniques sur les lignes haute et moyenne tension pèsent lourd dans l’équation. Le ministère reconnaît que l’isolation déficiente et les surcharges rendent le réseau vulnérable. Une cartographie des tronçons critiques a été dressée pour hiérarchiser les interventions.
Dans les quartiers périphériques, la distribution souffre aussi de branchements anarchiques. Les autorités promettent une campagne de régularisation, couplée à des compteurs intelligents destinés à circonscrire les détournements et à mieux calibrer la facturation.
Demande croissante et sobriété énergétique
La consommation intérieure augmente, portée par l’urbanisation et l’électroménager. Brazzaville prépare un volet « efficacité », encouragé par des incitations ciblées à l’équipement en ampoules basse consommation et à la gestion rationnelle des climatiseurs dans les bâtiments publics.
Le ministère planche également sur une grille tarifaire incitative, différenciant les usages essentiels des consommations de confort. Objectif : lisser les pics, réduire la tension sur le réseau et inscrire la lutte contre les délestages dans une responsabilité partagée.
Calendrier et signaux de confiance
Aucune date précise n’a été livrée pour l’éradication totale des coupures. Le ministre parle néanmoins d’un « horizon rapproché », sans plus de détail. Cette prudence vise à ne pas reproduire les annonces trop ambitieuses du passé.
Sur le terrain, quelques quartiers de Brazzaville observent déjà une baisse des interruptions, selon des témoignages recueillis. Ces signaux restent localisés, mais ils servent d’indicateurs pilotes pour calibrer la suite du programme national.
Perceptions citoyennes et communication officielle
Les usagers accueillent avec prudence la promesse d’un réseau stable. Beaucoup se souviennent de plans antérieurs restés lettre morte. Les autorités multiplient donc les points presse pour présenter l’avancée des travaux et publier, à intervalles fixes, des bulletins de disponibilité énergétique.
Cette stratégie d’information régulière veut couper court aux spéculations. « La transparence est notre meilleur allié », insiste un membre du cabinet ministériel, conscient que la bataille se joue autant sur les poteaux que dans l’opinion.
Impact attendu sur l’économie nationale
Un approvisionnement fiable soutiendrait la productivité des PME et le climat des investissements. Les secteurs manufacturier, agroalimentaire et numérique, souvent freinés par les aléas, pourraient enregistrer une montée en cadence, avec des gains directs en emplois et en recettes fiscales.
Les économistes interrogés y voient un levier pour diversifier la base productive. L’électricité, souligne l’un d’eux, « n’est pas un luxe mais l’oxygène de toute industrialisation ». D’où l’importance stratégique accordée par Brazzaville à la réussite du plan.
Vers une gouvernance participative
Le ministère annonce l’ouverture prochaine d’un portail interactif où citoyens et professionnels signaleront pannes et anomalies. L’objectif est de collecter des données en temps réel et de prioriser les interventions sur la base de remontées vérifiées.
Des forums régionaux sont également prévus afin d’associer les collectivités à la définition des besoins. Cette démarche, encore inédite à grande échelle, veut ancrer la réforme dans un dialogue permanent avec les territoires.
Confiance internationale et image du Congo
En affichant une stratégie claire, Brazzaville espère conforter sa crédibilité auprès des partenaires régionaux. La stabilité électrique est un argument majeur pour attirer des industries transfrontalières et dynamiser les échanges au sein de la CEMAC.
Les délégations étrangères présentes au forum du 18 août ont salué la démarche. Certaines ont manifesté un intérêt pour des co-investissements, signe que la fin des délestages, si elle se confirme, pourrait devenir un atout diplomatique.
Cap sur un futur sans coupures
Le Congo-Brazzaville veut passer d’une gestion de crise à une culture de service continu. La tâche reste ample, mais le discours officiel se veut désormais aligné sur un plan opérationnel précis, financé et suivi.
Si la promesse d’Émile Ouosso se matérialise, les délestages rejoindront, comme il l’a affirmé, les mauvais souvenirs. Pour l’heure, la réforme avance pas à pas, portée par une volonté politique affichée et l’espoir collectif d’en finir durablement avec la pénombre.