Au Palais du Peuple, une séance dense et stratégique
Réunis sous l’autorité du président Denis Sassou Nguesso, les membres du gouvernement ont consacré près de trois heures à examiner une série de textes et de communications dont la portée dépasse le seul calendrier administratif. Loin d’un rituel protocolaire, la séance du 23 juillet 2025 s’est structurée autour d’enjeux que les économistes qualifient désormais de systémiques : diversification, soutenabilité budgétaire et sécurité humaine.
Dans son propos liminaire, le chef de l’État a rappelé que « chaque décision engagée devant le Conseil doit être porteuse d’efficacité immédiate et de crédibilité internationale ». Le ton était donné : entre prudence financière et ambition réformatrice, la réunion visait à ajuster les horloges de la gouvernance aux contraintes d’un environnement mondial volatil.
Un pas décisif pour l’évaluation environnementale
La nouvelle mouture du décret encadrant les études d’impact environnemental et social, portée par la ministre Arlette Soudan-Nonault, marque un aggiornamento juridique attendu depuis 2009. En alignant la procédure nationale sur les standards régionaux et internationaux, le texte confère au secteur privé une boussole claire tout en renforçant le filet de sécurité sanitaire pour les populations riveraines.
Les observateurs notent qu’en inscrivant l’évaluation environnementale au cœur de la politique de diversification économique, le gouvernement consolide l’image d’un Congo qui, fort de son capital forestier, se positionne comme créditeur net de carbone sur la scène climatique. « Il ne s’agit plus seulement de protéger, mais de valoriser durablement », a souligné la ministre, évoquant le potentiel de la finance verte.
Vers une économie numérique mieux adressée
Le décret sur la codification postale, introduit par le ministre Léon Juste Ibombo, répond à un impératif d’inclusion logistique. L’absence d’adressage formel freinait l’essor du commerce électronique, pourtant identifié comme vecteur de croissance non pétrolière. En dotant chaque localité d’un code unique, l’exécutif anticipe une réduction des coûts de transaction et un saut qualitatif dans le service public.
Au-delà de l’innovation, cette réforme dialogue avec le marché continental. L’Union postale universelle en fait un préalable à l’intégration des flux intra-africains, tandis que les start-up congolaises y voient déjà l’assurance d’une chaîne de valeur plus fluide.
Lecture fine des chiffres budgétaires
Le rapport présenté par le ministre Christian Yoka offre une radiographie précise de l’exécution budgétaire 2024-2025. Les recettes globales atteignent 2 323,8 milliards FCFA au 31 décembre 2024, soit 89,2 % des prévisions, tandis que le solde budgétaire se contracte sous l’effet d’une progression mesurée – 9,1 % – des dépenses. Le gap de trésorerie, limité à 14,7 milliards FCFA, témoigne d’une gestion que l’agence Standard & Poor’s a jugée « prudente ».
Au 31 mars 2025, la tendance s’améliore : l’excédent primaire frôle les 179 milliards FCFA, aidé par la digitalisation du recouvrement fiscal. Cette trajectoire rassure les bailleurs, même si la pression de la dette – 418,9 milliards FCFA de charges financières – rappelle la nécessité d’une discipline constante.
Cap 2026-2028 : restaurer la résilience macroéconomique
Le Cadre budgétaire à moyen terme, pièce maîtresse des débats, projette une croissance moyenne de 3,1 % et une inflation contenue à 3,06 %. En articulant stabilité des dépenses et hausse sélective des investissements, le gouvernement vise un excédent global de 5 % en 2025, prélude à la poursuite de la décrue du ratio dette/PIB, déjà passé sous la barre des 90 %.
Le président de la République a toutefois conditionné cette ambition au renforcement du climat des affaires. L’affectation prioritaire des excédents pétroliers au désendettement extérieur, couplée à la rationalisation des exonérations, doit libérer des marges pour les infrastructures et les filets sociaux. L’objectif est clair : assainir sans freiner.
Infrastructures aériennes sous le regard de l’OACI
À trois mois de l’audit du Programme universel de supervision de la sécurité de l’aviation civile, la ministre Ingrid Olga Ebouka-Babackas a détaillé la feuille de route destinée à garantir la conformité des aéroports de Maya-Maya, Pointe-Noire et Ollombo. Modernisation des aides au sol, renforcement de l’Agence nationale de l’aviation civile et mise à jour du cadre normatif constituent le triptyque de cette préparation.
Le succès de l’évaluation serait, pour Brazzaville, un levier de visibilité et d’attractivité supplémentaire, les compagnies étrangères conditionnant souvent leurs plans de desserte à la note de l’OACI.
Vigilance sanitaire et solidarité budgétaire
Face à la recrudescence de diarrhées aiguës dans les districts de l’île Mbamou et de Mossaka-Loukoléla, le ministre Jean Rosaire Ibara a sollicité un financement immédiat de 248 millions FCFA pour soutenir la riposte et les analyses de laboratoire. La proximité géographique avec les foyers cholériques de RDC et d’Angola impose une surveillance communautaire renforcée, menée en partenariat avec l’OMS.
Cette allocation, validée sans réserve, illustre la priorité accordée à la résilience sanitaire, considérée par l’exécutif comme un prérequis au maintien de la confiance des investisseurs et à la stabilité sociale.
Une architecture administrative en mouvement
Les nominations à la tête de l’Imprimerie nationale et de l’Office de promotion de l’industrie touristique s’inscrivent dans une logique de professionnalisation des établissements publics. Pour le porte-parole Thierry Lézin Moungalla, « l’efficacité structurelle est aujourd’hui le corollaire naturel d’une gouvernance budgétaire exigeante ».
En refermant la séance à 12 h 45, le président Denis Sassou Nguesso a souligné que la régularité des Conseils n’est pas un exercice formel, mais le cadre où se tisse, semaine après semaine, la cohérence stratégique du pays.