Les dessous d’une initiative parlementaire exigeante
L’agora politique brazzavilloise bruisse depuis l’annonce, le 1ᵉʳ juillet, d’une campagne de sensibilisation orchestrée par la Commission économie, finances et contrôle de l’exécution du budget de l’Assemblée nationale. Derrière le mot, l’enjeu : vérifier que les conventions d’établissement – ces contrats qui octroient à l’entreprise des facilités fiscalo-douanières en échange de créations d’emplois et de transferts de compétences – remplissent leur promesse sociale. Dans un contexte où la diversification économique demeure un impératif stratégique, le législateur veut s’assurer que la générosité de l’État trouve son juste retour sur investissement.
Une mécanique de vérification inter-institutionnelle
Le dispositif imaginé mobilise un faisceau d’acteurs publics : directions des impôts et des douanes, Agence congolaise pour l’emploi (ACPE) et experts de la Commission parlementaire. Ces équipes mixtes se rendront in situ, sur les chantiers industriels comme dans les sièges administratifs, afin de confronter les cahiers de charges initiaux aux réalités observables. « C’est un exercice de redevabilité partagée, non une chasse aux sorcières », insiste le député Paul Matombé, sociologue de formation et membre de la Commission. Le terme « sensibilisation » n’est pas fortuit : il sous-tend la volonté d’accompagnement plutôt que la sanction, tout en rappelant le caractère contractuel des engagements.
Gagnant-gagnant : un paradigme au cœur des politiques publiques
Depuis l’adoption de la Charte des investissements révisée, Brazzaville promeut une matrice d’attractivité fondée sur la stabilité juridique et la visibilité des incitations. Les conventions d’établissement constituent la déclinaison opérationnelle de cette charte. « Nous parlons d’un pacte qui avantage l’entreprise, mais aussi la collectivité », rappelle Thierry Hobié, premier vice-président de la Commission, devant une dizaine de dirigeants conviés à une séance d’explication de texte. À la clef, exonérations temporaires sur les droits de douane et l’impôt sur les sociétés, mais, en contrepartie, un quota d’emplois locaux, un effort de formation et une obligation de reporting annuel.
L’emploi local, baromètre social et politique
Dans une économie où la démographie jeune exerce une pression soutenue sur le marché du travail, le volet emploi s’érige en variable qualitative majeure. L’ACPE, bras technique de l’État en matière de placement, participera aux descentes annoncées afin de dresser un état civil précis de la main-d’œuvre. Les indicateurs suivis iront au-delà du simple volume : structure de qualification, proportion de contrats à durée indéterminée, et politiques de transfert de compétences. « Il ne s’agit pas seulement de compter des postes ; il s’agit de mesurer l’utilité sociale de l’investissement », souligne un cadre de l’Agence, rappelant les standards de l’Organisation internationale du travail souvent convoqués dans les débats parlementaires.
Fiscalité raisonnée, recettes optimisées
Pour l’administration fiscale, l’enjeu n’est pas de remettre en cause les exemptions négociées, mais d’évaluer leur rentabilité à moyen terme. Ludovic Itoua, directeur général des Impôts, l’exprime avec pragmatisme : « Toutes les exonérations constituent un investissement de l’État. Nous voulons en objectiver le rendement. » Les services des douanes, quant à eux, analyseront la cohérence entre volumes importés sous régime préférentiel et capacité de production déclarée. Une démarche qui s’inscrit dans la rationalisation budgétaire vantée par le ministère des Finances, soucieux de maintenir la trajectoire de consolidation définie avec ses partenaires techniques internationaux.
Un signal de confiance adressé aux investisseurs
Loin de refroidir les velléités d’implantation, cette montée en puissance du contrôle est présentée par les députés comme un facteur de prévisibilité. Dans un environnement africain où la concurrence pour le capital international se durcit, la crédibilité réglementaire devient un avantage comparatif. Le Congo-Brazzaville, fort de son cadre macroéconomique stabilisé, entend démontrer que l’État, tout en restant partenaire, veille à la bonne allocation des ressources publiques. Ce « bras de fer feutré » vise in fine à sécuriser les entrepreneurs sérieux et à décourager les spéculateurs opportunistes.
Vers une culture de reddition des comptes
En toile de fond, c’est une véritable culture de la reddition des comptes qui s’installe au Parlement. Les analystes y voient une maturation institutionnelle où le contrôle de l’action publique s’exerce sans saper l’attractivité économique. La campagne lancée le 1ᵉʳ juillet constituera, aux yeux des observateurs, un test grandeur nature de l’efficacité du dialogue entre sphère politique, administration et secteur privé. Les conclusions attendues à l’issue des missions de terrain serviront, selon le calendrier affiché, à nourrir la prochaine loi de finances, confirmant la convergence entre stratégie budgétaire et développement inclusif.
Cap sur une gouvernance partenariale
En se donnant les moyens d’une évaluation rigoureuse, l’Assemblée nationale renforce la gouvernance économique prônée par le président Denis Sassou Nguesso, fondée sur la performance et la responsabilité collective. La démarche, qui conjugue audace réformatrice et dialogue social, devrait contribuer à consolider la confiance entre l’État, les investisseurs et les citoyens. L’équilibre recherché entre incitation et obligation, entre rendement financier et impact sociétal, esquisse les contours d’une économie congolaise plus résiliente, arrimée aux standards d’une croissance inclusive et durable.