Une innovation portée par l’ACPCE
Le siège de l’Agence Congolaise pour la Création des Entreprises, rue Alfassa à Brazzaville, bruisse d’effervescence depuis l’annonce officielle : une plateforme numérique unique ouvrira ses portes virtuelles avant la fin du mois, offrant aux futurs entrepreneurs un espace dématérialisé pour constituer leur société.
L’outil s’inscrit dans la stratégie gouvernementale de modernisation des services publics, portée par le ministère des Petites et moyennes entreprises et celui des Finances, qui souhaitent réduire les délais administratifs et hisser le Congo-Brazzaville parmi les destinations africaines les plus attractives pour l’investissement.
Selon le directeur général de l’ACPCE, Jean-Baptiste Ondongo, la plateforme permettra « d’effectuer toutes les formalités en quarante-huit heures, contre huit jours en moyenne aujourd’hui », un saut qualitatif salué par les chambres de commerce et par les organisations patronales.
Un parcours de création d’entreprise simplifié
Concrètement, le futur chef d’entreprise renseignera ses informations personnelles, la raison sociale, le capital et la forme juridique depuis un ordinateur ou un smartphone, puis joindra ses pièces scannées avant de régler en ligne les frais de registre du commerce et de publication légale.
Une interface de suivi actualisée en temps réel informera l’utilisateur de chaque validation : identification, immatriculation, attribution du numéro unique d’identification nationale, obtention du numéro d’impôt et affiliation à la Caisse nationale de sécurité sociale.
Les certificats définitifs seront aussitôt téléchargeables, tandis qu’un service de livraison à domicile des originaux, assuré par La Poste congolaise, est prévu pour les zones où la connexion demeure instable.
Le coût global, fixé à 25 000 francs CFA, regroupe l’ensemble des actes, contre plus de 60 000 francs auparavant. L’unification tarifaire répond à la recommandation des partenaires techniques et garantit une meilleure visibilité des dépenses pour les créateurs.
Accélération du climat des affaires
Classé 180e sur 190 économies dans le dernier rapport Doing Business, le Congo-Brazzaville mise sur cette digitalisation pour améliorer l’indicateur « Démarrage d’entreprise » et envoyer un signal fort aux investisseurs locaux et étrangers.
Le Conseil congolais des chargeurs voit aussi dans le projet un moyen de renforcer la traçabilité logistique, car la plateforme sera interconnectée au guichet unique portuaire, simplifiant l’identification des importateurs et réduisant les fraudes documentaires.
L’Union européenne et la Banque mondiale, partenaires techniques, ont fourni un appui d’expertise pour sécuriser les flux de données et assurer l’interopérabilité avec le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier déjà informatisé depuis 2019.
Impact attendu sur l’emploi et la fiscalité
En facilitant l’entrée dans le formel, le gouvernement entend élargir l’assiette fiscale et fiabiliser les statistiques économiques, trop souvent parasitées par l’importance du secteur informel estimé à 60 % du PIB selon le ministère de l’Économie.
La startup membre du réseau Ingenious City, Clévia Solutions, prévoit déjà de recruter dix développeurs supplémentaires pour accompagner les demandes de personnalisation de la plateforme émanant de grandes entreprises désireuses de créer des filiales en un temps record.
Pour les jeunes diplômés, la dématérialisation abaisse un frein psychologique, analyse la sociologue Armelle Ibata, qui voit « une démocratisation sans précédent de l’acte entrepreneurial », en écho aux objectifs du Plan national de développement 2022-2026.
Le ministère de la Promotion de la femme insiste pour que l’interface affiche un onglet dédié aux entrepreneures afin d’orienter vers les lignes de crédit du Fonds national Genre et Économie. « Le numérique ne doit pas reproduire les inégalités existantes », souligne la ministre Inès Nefer Ingani.
Les défis d’un virage digital ambitieux
Le succès dépendra toutefois de la couverture internet hors des grands centres urbains : selon l’ARPTC, seulement 52 % des ménages disposent d’une connexion stable, un enjeu que l’opérateur public Congo Télécom tente de résoudre par un programme d’extension de la fibre optique.
La cybersécurité constitue un second chantier ; l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information a déployé un protocole d’authentification biométrique et un stockage des données sur serveurs redondants à Oyo et Pointe-Noire pour prévenir toute interruption ou intrusion.
Les notaires, initialement réticents, ont obtenu que leurs émoluments soient directement reversés par la plateforme, évitant ainsi une concurrence jugée déloyale. « Nous y voyons désormais un gisement de clientèle », reconnaît Me Patricia Tchicaya, présidente de la Chambre nationale.
Perspectives régionales et internationales
Le modèle congolais pourrait inspirer ses voisins de la CEMAC, où plusieurs pays envisagent un passeport entrepreneurial commun pour fluidifier les investissements transfrontaliers. Des délégations gabonaises et camerounaises ont déjà effectué des visites techniques à Brazzaville pour s’imprégner de l’architecture du système.
En attendant, les équipes de l’ACPCE finalisent les tests d’ergonomie auprès d’un panel d’utilisateurs issus de la diaspora, afin de s’assurer que « depuis Paris, Montréal ou Dubaï, la création d’une SARL congolaise devienne un geste aussi simple qu’un clic ».
La Chambre de commerce de Paris Île-de-France accueillera dès le mois prochain un webinaire de présentation animé par l’ACPCE. L’objectif est de convaincre les Congolais de l’étranger, souvent familiers des démarches dématérialisées, de rapatrier leur épargne dans des projets locaux structurés.
