Incubation Genius : un tremplin inédit
Dans la petite ville d’Oyo, l’ancienne salle polyvalente s’est muée en véritable laboratoire d’idées. Plus de deux cents femmes venues des douze districts de la Cuvette y suivent depuis début mai le programme d’incubation Genius, porté par la Chambre nationale des femmes cheffes d’entreprises et entrepreneures du Congo.
La session, troisième du genre après Brazzaville et Pointe-Noire, dure trois mois. Son objectif affiché reste clair : renforcer les aptitudes managériales, juridiques et numériques des participantes afin qu’elles consolident leurs activités, créent de l’emploi et contribuent à la diversification de l’économie congolaise.
Un tissu entrepreneurial féminin en mutation
De la commerçante de vivres frais à la jeune ingénieure agronome, le profil des apprenantes reflète l’hétérogénéité de l’entrepreneuriat féminin local. La plupart gèrent déjà une micro-structure informelle mais souhaitent franchir le cap de la formalisation pour accéder aux marchés publics et aux appels d’offres privés.
« Nous voulons donner à ces actrices économiques les outils qui leur manquaient pour grandir », explique Flavie Lombo, présidente de la Chambre. Selon elle, le programme insiste sur l’élaboration de business plans bancables et sur la maîtrise des obligations fiscales, deux freins récurrents dans la région.
Inclusion financière et technologies mobiles
Les participantes se familiarisent également avec les mécanismes de levée de fonds et de micro-crédit. La directrice générale adjointe de MTN Mobile Money, venue animer un module, souligne que « le téléphone portable devient un guichet bancaire à part entière pour qui sait l’utiliser stratégiquement ».
Avec la généralisation des comptes marchands et la baisse des frais de transaction, les villages jadis éloignés du réseau bancaire peuvent désormais recevoir des paiements sécurisés en temps réel. Cette nouvelle donne favorise la traçabilité comptable, souvent exigée par les investisseurs institutionnels.
Pour Adama Dian-Barry, représentante du PNUD, cette dynamique numérique « ouvre des perspectives inédites d’autonomisation, surtout dans les zones rurales où le guichet physique se trouve parfois à plus de cinquante kilomètres ».
Valorisation agricole et transformation locale
Au-delà de la finance, le programme Genius met l’accent sur les chaînes de valeur agricoles, secteur clé de la Cuvette. Manioc, maïs, banane plantain et poisson fumé constituent la base d’une économie vivrière que les organisateurs veulent hisser vers la transformation semi-industrielle.
Un atelier pratique initie ainsi les participantes aux normes d’hygiène et d’emballage exigées par les grandes surfaces urbaines. L’idée est de réduire les pertes post-récolte qui atteignent parfois 30 % et de créer des produits à plus forte valeur ajoutée, capables d’être exportés vers les pays voisins.
Le maire d’Oyo, Gaston Yoka, a salué cette orientation, rappelant que le département dispose déjà d’un réseau routier réhabilité, facteur décisif pour acheminer la production vers Brazzaville et Bangui.
Des partenariats stratégiques pour le financement
Lors de la remise des attestations à Brazzaville, le PNUD a signé un accord de soutien technique avec la Chambre. À Oyo, la diplomate onusienne a confirmé la mise à disposition d’experts en montage de dossiers afin d’optimiser l’accès aux fonds verts et au guichet jeunesse de la Banque postale.
Parallèlement, deux établissements bancaires nationaux proposent aux bénéficiaires des lignes de crédit à taux préférentiel, conditionnées à la présentation d’un plan d’affaires validé par l’équipe pédagogique. Cette approche reduce le risque perçu et encourage la bancarisation durable des micro-entreprises.
Perspective socio-économique régionale
Les économistes locaux estiment que si seulement 30 % des projets formés atteignent leur vitesse de croisière, plus de 600 emplois directs pourraient voir le jour dans la Cuvette d’ici deux ans. L’effet multiplicateur toucherait alors le transport fluvial, la logistique et même le tourisme de congrès.
Cette projection s’inscrit dans la stratégie nationale de diversification économique. Le gouvernement mise sur l’entrepreneuriat des femmes pour stimuler la production non pétrolière et stabiliser les revenus des ménages, gage d’une croissance inclusive et résiliente.
Cap sur l’autonomisation durable
Au terme de la formation, chaque participante bénéficiera d’un suivi personnalisé pendant six mois. Des mentors bénévoles, eux-mêmes cheffes d’entreprise expérimentées, assureront des séances trimestrielles d’évaluation et de réorientation.
Flavie Lombo se dit confiante : « Nos cohortes précédentes affichent un taux de pérennité de 68 %. Nous espérons dépasser ce chiffre grâce au contexte porteur observé dans la Cuvette ».
Pour beaucoup, Genius ne représente pas seulement une formation, mais le signal qu’un nouveau chapitre s’ouvre pour l’entrepreneuriat féminin congolais, nourri par la coopération, l’innovation et la détermination des actrices locales.