Dakar 2025 : un forum inédit pour la jeunesse
Pendant deux jours intenses, les 10 et 11 octobre 2025, Dakar a résonné des accents multilingues de plus de 200 adolescentes et adolescents venus de 24 pays, rassemblés par l’Unicef Sénégal pour le premier Sommet des Filles d’Afrique.
L’événement, tenu symboliquement à la veille de la Journée internationale de la Fille, a placé la jeunesse au centre des discussions sur l’éducation, la santé reproductive et le leadership, tout en invitant décideurs, partenaires techniques et société civile à écouter, plutôt qu’à dicter.
La délégation congolaise, porte-voix engagés
Parmi ces voix, six adolescentes et adolescents du Congo-Brazzaville, Lucia, Frédéric, Charles, Rebecca, Shekinha et Euverte, ont défendu leurs trajectoires et celles de milliers de camarades, rappelant que l’éducation des filles demeure un pilier du développement national.
« Nous voulons apprendre sans interruption, nous voulons rêver sans contrainte », a lancé Lucia, quinze ans, devant un auditoire attentif. Ses mots ont résonné comme un défi positif adressé aux responsables présents, parmi lesquels des ministres de l’Éducation et des partenaires multilatéraux et organisations de jeunesse.
Éducation secondaire : un défi continental
Dans son allocution de clôture, Gilles Fagninou, directeur régional de l’Unicef pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, a rappelé une statistique dure : dix millions de filles de la zone ne franchissent toujours pas le cap du secondaire, surtout dans les zones rurales.
Le diplômé manquant est, selon lui, un coût silencieux pour l’économie régionale, car chaque année supplémentaire d’études se traduit par des revenus plus élevés et une meilleure santé familiale, deux facteurs que les programmes nationaux cherchent déjà à consolider avec constance.
Mariages précoces et pauvreté, obstacles persistants
Les mariages précoces, première cause d’abandon scolaire, touchent encore une fille sur trois dans certains pays, rappelle le rapport présenté. S’y ajoutent la maternité précoce, la pauvreté et l’absence d’infrastructures adaptées, un cocktail d’exclusions tenaces qui freine l’égalité effective.
Devant le monument de la Renaissance africaine, 600 cartables vides, 300 bleus et 300 noirs, ont matérialisé les bancs désertés par les écolières. L’installation, sobre mais frappante, a suscité de longues marches silencieuses de réflexion parmi les délégations venues des quatre horizons africains présents.
Un agenda façonné par les adolescentes elles-mêmes
Les adolescentes ont ensuite participé à des ateliers participatifs pour hiérarchiser leurs priorités : la fin de la violence de genre à l’école, l’accès universel aux sanitaires menstruels et des cursus STEM plus ouverts aux filles à travers la région entière.
Ce travail collectif a abouti à un agenda en cinq points, remis aux décideurs présents. Rebecca souligne que le document « pose des délais, identifie les acteurs et précise les indicateurs ». Cette méthodologie renforce la crédibilité d’une jeunesse souvent cantonnée aux simples déclarations symboliques par le passé.
Engagements régionaux et volonté nationale
Au-delà des médias convenus, plusieurs plateformes numériques ont relayé les débats en direct, offrant aux jeunes des quartiers périphériques de Brazzaville ou Pointe-Noire la possibilité d’interagir, via messagerie instantanée, avec les représentants congolais présents dans la salle dakaroise en temps réel aussi.
Côté partenariats, l’Unicef a rappelé que les engagements pris restent ouverts aux contributions des secteurs privés, notamment le numérique et les télécommunications, domaines où le Congo-Brazzaville dispose déjà de pôles de compétence susceptibles d’accélérer l’accès aux contenus pédagogiques adaptés pour tous les élèves.
Quel accompagnement pour le Congo-Brazzaville ?
Le ministère congolais de l’Éducation, représenté à Dakar par un conseiller technique, a salué la démarche. Il a insisté sur la gratuité progressive du secondaire, mesure inscrite dans la stratégie sectorielle 2024-2028 et soutenue par des partenaires multilatéraux et organisations locales.
À Brazzaville, des clubs scolaires féminins se préparent déjà à vulgariser le contenu du sommet via des forums communautaires. Les responsables prévoient de traduire les recommandations en langues nationales, afin de toucher les familles rurales souvent éloignées des médias officiels.
Suivi, mesure et transparence
Désormais, les participantes demandent un suivi trimestriel public. Elles souhaitent que chaque ministère rende compte, sur un tableau de bord en ligne, des progrès en matière d’inscription, de rétention et de réussite des filles à chaque cycle scolaire.
Unicef a proposé de coupler ce tableau de bord aux données déjà recueillies par les offices statistiques nationaux. « La transparence engendre la confiance », a rappelé Frédéric, plaidant pour que les chiffres soient rendus lisibles, ventilés par département et accessibles aux organisations de jeunes sur internet.
Un élan qui ne doit pas retomber
Les observateurs saluent un sommet qui, plutôt que de se clore sur des promesses vagues, a consolidé une coalition d’adolescents mobilisés. Beaucoup y voient une étape déterminante dans la construction d’une diplomatie de la jeunesse africaine, forte de propositions concrètes et mesurables.
Pour le Congo-Brazzaville, l’enjeu est double : maintenir le cap budgétaire sur l’éducation et continuer à promouvoir les modèles féminins dans les sciences. Les six délégués, de retour au pays, entendent faire de leurs réseaux sociaux un outil de mobilisation pérenne locale.
Leur prochain rendez-vous sera l’évaluation semestrielle, déjà programmée, où chaque recommandation devra montrer un premier indice tangible de progrès réel.