Une trajectoire militante enracinée dans la solidarité
Au cœur du cinquième arrondissement de Brazzaville, Ouenzé occupe une place singulière dans l’imaginaire collectif congolais. Quartier populaire, creuset d’initiatives communautaires et berceau de nombreux acteurs de la société civile, il a vu naître, il y a près de trois décennies, l’Association Ouenzé Intendance. Si ses premiers pas furent modestes, l’organisation s’est progressivement imposée comme un relais essentiel entre la capitale congolaise et sa diaspora installée en Europe. En 2012, au lendemain du tragique accident de l’avenue de la Paix, l’association s’était illustrée par un élan de collecte de fonds apprécié tant par les autorités que par les ONG partenaires, signant ainsi son entrée dans la sphère des réseaux transnationaux de solidarité.
Un scrutin révélateur des attentes de la diaspora congolaise
Le 5 juillet dernier, dans la salle des fêtes de Colombes, l’ambiance mêlait ferveur démocratique et parfum d’anticipation. Plus d’une centaine d’adhérents, dont un tiers de nouveaux inscrits, se sont exprimés à bulletin secret. Le résultat—53 % pour Roch Le Prince Okouele contre 47 % pour son challenger Maurille Okilassali—illustre une relative parité des sensibilités mais consacre surtout la prime à l’enthousiasme du changement. Sociologues et anthropologues l’observent : la deuxième génération de Congolais de France aspire à des structures plus horizontales, avec des processus décisionnels transparents et un accent fort sur la valorisation des talents. « Nous sommes passés d’un modèle d’entraide fondé sur la parenté à une logique de capital social étendu », analyse le politologue Aristide Ngouabi, spécialiste des diasporas africaines.
Ouenzé Intendance Évents, catalyseur de capital social
Le projet phare du nouveau bureau se nomme « Ouenzé Intendance Évents ». Derrière cet intitulé séduisant se dessine un véritable laboratoire d’idées où l’on ambitionne de conjuguer cultures urbaines, mémoire patrimoniale et entrepreneuriat social. Concrètement, la démarche consiste à organiser des forums de compétences, des résidences artistiques et des cycles de mentorat destinés aux jeunes professionnels. Le futur calendrier prévoit notamment une Semaine de la littérature d’Afrique centrale à Paris ainsi qu’une table ronde sur l’économie circulaire au Congo. Selon l’économiste Yvonne Ndongo, ces initiatives pourraient à terme renforcer l’attractivité du pays, en écho aux priorités gouvernementales de diversification économique et de diplomatie culturelle.
Une gouvernance inclusive misant sur la formation et le genre
Dans son adresse inaugurale, Roch Le Prince Okouele s’est engagé à « faire de chaque membre un acteur de la décision ». La charte interne sera révisée afin de garantir la parité hommes-femmes au sein des commissions et d’associer les bénévoles non cotisants à des groupes de travail thématiques. Inspirée des pratiques participatives repérées dans les ONG scandinaves, cette gouvernance mise sur la formation continue : modules de finance associative, ateliers de prise de parole et initiation aux outils numériques permettant de tenir des assemblées hybrides entre Brazzaville et Paris. L’objectif, selon le président, est de « mutualiser les savoirs pour irriguer le tissu socioculturel national et diasporique » tout en demeurant aligné sur les orientations de cohésion nationale promues par les autorités congolaises.
Vers un partenariat transcontinental gagnant-gagnant
Le défi financier demeure central. En complément des cotisations, le bureau entend diversifier ses ressources via des micro-mécénats, des subventions de collectivités françaises et congolaises, mais aussi la vente de produits culturels estampillés Ouenzé Intendance Évents. Des discussions avancées ont été engagées avec l’Institut français du Congo et plusieurs entreprises du secteur des télécommunications, convaincues que l’ancrage communautaire constitue un levier de confiance économique. Dans une note interne, le nouveau trésorier évoque la création d’un fonds de dotation susceptible d’épouser les standards internationaux de transparence, condition sine qua non pour séduire les bailleurs multilatéraux.
Sur le plan diplomatique, la fédération des associations congolaises d’Europe salue déjà cette feuille de route qu’elle qualifie de « concrète et pragmatique ». À Brazzaville, le ministère en charge de la Coopération internationale voit dans cette dynamique une contribution positive à l’image du pays et à la mobilisation de sa diaspora, considérée comme un acteur clef du Plan national de développement. En s’inscrivant dans cette logique, l’Association Ouenzé Intendance s’érige en incubateur de projets citoyens apte à relier, sans frictions, les aspirations locales et les stratégies nationales.
Écrire ensemble une nouvelle page de l’imaginaire collectif
Roch Le Prince Okouele clôturait son discours d’investiture par un appel à l’unité : « Nous pouvons refuser la fatalité de l’éparpillement et faire de notre diversité une force créatrice ». Au-delà de la rhétorique, l’association est désormais attendue sur des livrables concrets : projets pilotes, rapports d’impact et partenariats mesurables. Les prochains mois seront déterminants pour jauger la capacité du bureau à transformer le capital symbolique de son élection en réalisations tangibles. Quoi qu’il en soit, la trajectoire de Ouenzé Intendance illustre l’émergence d’une citoyenneté diasporique mûre, en phase avec les grands chantiers nationaux, et prête à offrir au Congo-Brazzaville une vitrine supplémentaire sur la scène internationale.