Une coopération éducative aux ambitions stratégiques
Alors que l’économie mondiale accélère sa transition vers le numérique, la République du Congo multiplie les passerelles internationales pour offrir à sa jeunesse un accès direct aux savoir-faire technologiques les plus pointus. La récente sélection de cinq étudiants, accompagnés de deux enseignants issus de l’enseignement secondaire et technique, pour une formation intensive de codage graphique en Chine illustre cette diplomatie éducative qui conjugue pragmatisme et anticipation. L’initiative est le fruit d’une collaboration entre la plateforme chinoise Codemao, l’Unesco et les autorités congolaises, dans le prolongement du Plan national de développement 2022-2026 et de la stratégie opérationnelle 2022-2029 de l’Unesco pour la priorité Afrique.
Rayonnement sino-congolais de la programmation
Accueillis dans l’écosystème technologique de Shenzhen, souvent présenté comme la Silicon Valley asiatique, les apprenants congolais découvrent une culture de l’innovation marquée par l’agilité et la recherche permanente de solutions. Le programme, d’une durée de dix jours, combine ateliers pratiques, visites d’incubateurs et rencontres avec des ingénieurs spécialisés en intelligence artificielle. « Tout est informatisé aujourd’hui ; maîtriser ce langage nous permettra de contribuer concrètement au développement de notre pays », confie Onix-Van Vichy Bossoto, l’un des bénéficiaires, à l’issue de la session préparatoire organisée à Brazzaville.
Selon la représentante de l’Unesco au Congo, Mme Fatoumata Barry Marega, ce déplacement revêt une dimension doublement stratégique : d’un côté, il renforce l’enseignement technique et professionnel, et de l’autre, il prépare le terrain à l’entrepreneuriat numérique des jeunes diplômés. Les analystes notent que la présence croissante d’acteurs technologiques chinois en Afrique s’accompagne désormais d’un transfert de compétences qui pourrait, à terme, réduire la dépendance du continent vis-à-vis des talents étrangers.
Immersion pédagogique au cœur de l’écosystème chinois
Au-delà des séries de scripts et d’algorithmes, les sept membres de la délégation congolaise plongent dans un environnement académique où la pédagogie du « learning by doing » prime. Chaque journée débute par une séance de résolution de problèmes en codage visuel, se poursuit par la création de prototypes interactifs, puis s’achève par des échanges critiques sur l’ergonomie et l’impact sociétal des applications développées. Les mentors chinois insistent sur la transversalité des compétences : créativité, collaboration, pensée critique et gestion de projet agile. Ce socle ouvre la voie à des usages concrets dans l’e-gouvernance, l’éducation numérique et la santé connectée, secteurs identifiés comme prioritaires par Brazzaville dans sa feuille de route numérique.
Compétences numériques et insertion professionnelle
Pour nombre d’observateurs, la valeur ajoutée de cette formation réside dans la capacité des participants à réinvestir, dès leur retour, les savoirs acquis au service des établissements scolaires et des jeunes publics. Les deux enseignants intégrés au groupe joueront un rôle de catalyseurs, disséminant les méthodologies apprises auprès des filières techniques nationales. À moyen terme, les étudiants envisagent la création de clubs de codage dans les lycées de Pointe-Noire et de Brazzaville, ainsi que le lancement de micro-entreprises spécialisées dans l’animation 2D et les jeux éducatifs.
Le ministère congolais de l’Enseignement technique et professionnel y voit une occasion de dynamiser l’employabilité des jeunes. Les statistiques du Bureau international du travail montrent qu’en Afrique centrale, les métiers liés à l’intelligence artificielle et à la cybersécurité devraient enregistrer une croissance annuelle de 11 % d’ici 2027. En dotant ses étudiants des compétences adéquates, le Congo se positionne pour capter une part de cette nouvelle valeur ajoutée.
Un pas supplémentaire vers la souveraineté numérique
Au-delà de l’enthousiasme des participants, cette initiative reflète la volonté du gouvernement congolais de consolider la souveraineté numérique du pays. Les infrastructures de connectivité se densifient, le campus numérique francophone inauguré en 2023 tourne à plein régime, et l’Agence de développement de l’économie numérique multiplie les programmes de certification professionnelle. L’apport d’un partenaire comme Codemao, déjà actif dans plusieurs capitales africaines, s’inscrit dans cette dynamique globale.
La coopération sino-congolaise, traditionnellement focalisée sur les grands travaux et l’énergie, s’élargit ainsi à la formation des ressources humaines, maillon essentiel d’un développement endogène. En capitalisant sur ces échanges, Brazzaville entend conjuguer insertion internationale et valorisation des talents locaux, tout en veillant à l’équilibre entre ouverture technologique et préservation de sa culture numérique.
Vers une dynamique pérenne d’excellence technologique
La délégation congolaise reviendra au pays avec des projets de fin de formation qui serviront de matrices pédagogiques pour les prochaines cohortes. Les autorités, en synergie avec l’Unesco, envisagent déjà une troisième phase du projet, axée sur la création d’un laboratoire de prototypage graphique à Brazzaville. Dans ce futur hub, les lauréats pourront former à leur tour d’autres jeunes, alimentant ainsi un cercle vertueux de transfert de compétences.
À l’heure où la frontière entre apprentissage et innovation s’estompe, cette immersion en Chine apparaît comme une étape décisive. Elle confirme qu’investir dans le capital humain, en misant sur la convergence entre coopération internationale et politiques publiques nationales, demeure l’une des voies les plus sûres pour préparer la société congolaise aux défis du XXIᵉ siècle.