Un parcours entre deux rives
Paul Tsouarès De M’Poungui, disparu le 30 juillet à l’Hôpital Cochin de Paris, incarne l’itinéraire d’une génération formée en France avant de servir le Congo. Né en 1952 dans le district de Yamba, il avait choisi l’architecture pour allier science et esthétique.
Arrivé en métropole avec une bourse d’État au début des années 1970, il rejoint les rangs de l’Association des étudiants congolais puis de la FEANF. Ces structures forgent son sens critique et son goût pour le débat d’idées, sans rompre le lien affectif avec la terre natale.
Diplômé, il fonde un cabinet parisien salué pour des projets mêlant fonctionnalité moderne et inspirations vernaculaires. Le succès économique n’efface pas chez lui la conviction que l’expertise doit, à terme, profiter aux territoires ruraux du Congo.
Engagements civiques et professionnels
De 1992 à 1997, il conseille le président Pascal Lissouba sur les questions d’habitat. Dans ce rôle technique, il privilégie la densification raisonnée des centres urbains et la valorisation des matériaux locaux, se souvenait récemment un ancien collaborateur du Palais.
À la même époque, il crée l’association Espace Vision pour soutenir les jeunes architectes congolais. Selon la sociologue Mireille Mavouenza, l’initiative a contribué à « professionnaliser un secteur encore balbutiant et à diffuser la notion d’urbanisme durable ».
Même installé en Île-de-France, il répondait aux invitations des facultés de Brazzaville et de Pointe-Noire. Conférences sur la conservation patrimoniale, bourses d’étude privées, échanges universitaires : ses allers-retours nourrissaient un précieux transfert de compétences.
Un tempérament libre et exigeant
Ceux qui l’ont connu décrivent une personnalité affable, mais prompte aux coups de gueule lorsqu’il estimait qu’un projet dévoyait l’intérêt général. « Il écoutait tout le monde, puis tranchait, » se souvient l’urbaniste Jean-Bruno Ntsika, compagnon de promotion.
Proche de Pascal Lissouba, il décline cependant une entrée au gouvernement, préférant la marge où l’expertise technique préserve son indépendance. Cette décision, racontée maintes fois lors des dîners de la diaspora, alimente l’image d’un homme fidèle à ses principes.
Sa vie privée, plus discrète, se résume à un mariage devenu amitié et à un fils aujourd’hui ingénieur. De l’avis général, il maintenait un équilibre entre ambition professionnelle et respect scrupuleux des obligations familiales traditionnelles.
Dernier voyage vers la Bouenza
Le rapatriement de la dépouille est prévu le 29 août via l’aéroport Agostinho-Neto de Pointe-Noire. Dès l’annonce, les réseaux de la diaspora se sont mobilisés pour organiser un hommage digne de son parcours transnational.
La veillée parisienne d’Épinay-sur-Seine, tenue le 9 août, a réuni amis, anciens étudiants et élus locaux. Sur fond de musique kongo, les témoignages ont souligné sa capacité à fédérer sans jamais flatter. Un recueil de textes sera remis à la famille.
La mise en terre aura lieu le lendemain au village Moukosso. Une source préfectorale précise qu’un couloir logistique a été aménagé afin de fluidifier le transport entre Pointe-Noire et Yamba, garantissant la participation de proches éparpillés entre Brazzaville, Madingou et Mouyondzi.
Organisation des hommages
Le comité familial, conduit par Marcel Bissila, Serge M’Poungui et Ernest-Luze Bakala, rappelle que la veillée de Pointe-Noire aura lieu quartier 7-7, rue Louviza 108. Les visites se succéderont jusqu’à l’embarquement vers la Bouenza, respectant les usages culturels kongo.
Deux numéros de téléphone centralisent les informations pour les condoléances à distance. Selon Serge M’Poungui, « la transparence sur le programme permettra à chacun, où qu’il soit, de prendre part spirituellement à la cérémonie ». Les dons seront convertis en bourses étudiantes, conformément au vœu du défunt.
La paroisse locale a confirmé qu’une messe d’action de grâce précédera l’inhumation. Les autorités départementales prévoient une discrète présence protocolaire, saluant « un fils du terroir dont l’expertise a souvent éclairé les décisions publiques ».
Mémoire et transmission
Au-delà de l’émotion, plusieurs facultés envisagent de baptiser un amphithéâtre à son nom. L’Université Marien-Ngouabi étudie déjà le dossier, arguant que son parcours symbolise la complémentarité entre savoirs globaux et impératifs locaux.
Pour le sociologue Didier Kiala, « l’histoire de M’Poungui rappelle qu’une diaspora peut s’enraciner sans se figer ». Le chercheur y voit un modèle de circulation des élites, compatible avec la politique nationale de développement par les compétences.
Dans la Bouenza, les autorités coutumières annoncent que la case familiale accueillera un petit centre de ressources sur l’architecture vernaculaire. Un moyen, selon le chef de clan, « de transformer le deuil en levier de transmission pour la jeune génération ».