Une mobilisation médicale à Bacongo
Le 29 octobre, la maison médicale « Swalou diagnostic » a lancé à Bacongo une semaine de dépistage gratuit des cancers féminins, de l’hypertension et du diabète, en partenariat avec « Solidarité féminine » et « Femmes et développement ».
L’opération, programmée jusqu’au 4 novembre, se déroule dans les locaux flambant neufs de la clinique, transformés pour l’occasion en couloir pédagogique mêlant ateliers, affiches et boxes de consultation.
Dès l’aube, femmes, étudiants et retraités patientent, carnet de santé à la main, attirés par la gratuité rare d’actes parfois inaccessibles dans les structures privées.
Pour beaucoup de familles, le dépistage représente un luxe: une mammographie coûte parfois l’équivalent d’un salaire mensuel moyen, expliquent plusieurs mères, heureuses de trouver à Swalou un parcours entièrement pris en charge.
Sensibiliser pour sauver des vies
La journée inaugurale a débuté par une session de sensibilisation animée par le Pr Jean-Bernard Nkoua-Mbon, oncologue connu pour ses travaux sur les tumeurs féminines.
Devant une salle comble, il a rappelé que le cancer du sein est aujourd’hui le premier cancer de la femme au Congo-Brazzaville, suivi de celui du col de l’utérus.
Selon lui, dépister une lésion à un stade précoce signifie souvent une simple chirurgie, tandis que chaque cure de chimiothérapie atteint 500 000 F CFA, un coût qui décourage de nombreuses patientes.
« Découvrir la maladie quand elle est petite, c’est offrir une chance réelle de guérison », insiste-t-il, rappelant que la prévention reste la médecine la plus abordable.
Les participantes ont posé des questions directes sur l’autopalpation mammaire, les intervalles recommandés et la signification des résultats; l’équipe médicale a fourni des démonstrations pratiques, modèles anatomiques à l’appui.
Paroles d’experts et avancées scientifiques
Le scientifique a également présenté l’immunothérapie, technique consistant à stimuler les défenses naturelles pour attaquer la tumeur, soulignant les progrès rapides observés dans les grands centres africains.
Concernant le papillomavirus, responsable du cancer du col, il a plaidé pour une couverture vaccinale des filles et des garçons, estimant qu’une génération protégée pourrait presque faire disparaître la maladie en vingt ans.
Ses recommandations ont été bien accueillies par le Dr Simone Loubienga, promotrice de la clinique, qui voit dans l’innovation « un levier de souveraineté sanitaire ».
Plusieurs jeunes médecins congolais formés à l’étranger se sont joints à la campagne, illustrant le retour progressif des compétences spécialisées vers le pays, phénomène encouragé par les autorités sanitaires.
Témoignage et soutien psychologique
Chef d’entreprise, Zara a raconté son combat mené à l’étranger contre une tumeur agressive, un périple ponctué de doutes mais conclu par la rémission.
Elle a alerté sur la part de notre mode de vie dans l’émergence des pathologies chroniques, évoquant sédentarité, alimentation ultratransformée et sexualité non protégée.
Son témoignage, ponctué de silences, a rappelé que chaque statistique cache une histoire personnelle, souvent longue et coûteuse.
Un psychologue clinicien a rappelé l’importance de l’accompagnement émotionnel pendant et après les traitements, soulignant que la peur du regard social retarde encore la consultation de nombreuses patientes.
Solidarités associatives et numériques
Praxède Mavoungou Wassi, présidente de « Solidarité féminine », a salué un Octobre rose synonyme d’espérance, affirmant que « chaque diagnostic précoce est une victoire partagée ».
L’association multiplie les séances d’accueil psychologique, orientant les patientes vers les services publics ou privés les plus adaptés, selon leurs ressources.
Aux côtés des ONG, quelques entreprises locales ont offert des glucomètres, des tensiomètres et des « bons mammographie », preuve d’une responsabilité sociétale grandissante.
Cette dynamique partenariale rejoint l’appel lancé par le gouvernement pour renforcer les synergies entre secteur privé et structures publiques, afin de démocratiser les soins préventifs.
Sur les réseaux sociaux, le hashtag #SwalouRose a généré des dizaines de vidéos pédagogiques, amplifiant la portée de la campagne bien au-delà du périmètre de Brazzaville.
Vers une prévention durable
Depuis 2018, Swalou diagnostic organise chaque année une action similaire; les cinq premières éditions ont touché 822 personnes pour diverses affections, du VIH au cancer de la prostate.
Pour 2023, l’équipe mise sur un double objectif: sensibiliser le plus grand nombre et collecter des données épidémiologiques utiles à la planification sanitaire.
« Nous souhaitons que les associations politiques ou apolitiques contribuent matériellement aux unités qui prennent en charge les cancers », a rappelé le Dr Loubienga, citant l’exemple d’unités de radiothérapie encore sous-dotées.
À Bacongo, les patients rencontrés espèrent que l’initiative sera pérennisée et étendue aux autres arrondissements de Brazzaville, voire aux départements voisins.
Au-delà des chiffres, Octobre rose rappelle chaque année qu’une simple consultation peut changer une vie; encore faut-il franchir la porte du dépistage.
Les organisateurs espèrent publier, avant la fin de l’année, un rapport détaillé qui servira d’outil d’aide à la décision pour le ministère de la Santé et ses partenaires techniques.
Cette initiative locale illustre le virage préventif amorcé dans la stratégie nationale de lutte contre les maladies non transmissibles.
