Une campagne solidaire pour la santé visuelle
Dans une capitale où la lumière équatoriale éprouve les yeux, l’Association Saint François de Sales pour l’action et la solidarité de Brazzaville, dite Assab, s’apprête à lancer une importante initiative de santé visuelle.
Du 27 août au 2 septembre, l’organisation prévoit de distribuer gratuitement des paires de lunettes correctrices tout en proposant des examens médicaux de routine, associant optométrie, prise de tension artérielle et contrôle de la glycémie, afin d’offrir un accompagnement global plutôt qu’une simple dotation matérielle.
Pour Dianny Okinda, représentant de l’Assab, cette campagne « matérialise l’idée que la santé oculaire est un droit social ». Il rappelle qu’une baisse de vision non corrigée peut conduire à une exclusion silencieuse du marché du travail et aggraver les inégalités scolaires.
Mobilisation logistique et partenariat institutionnel
Les bénévoles, essentiellement des jeunes professionnels de santé formés à l’Institut supérieur des sciences de la santé de Brazzaville, seront épaulés par deux ophtalmologues expérimentés. Leur présence garantit la qualité des prescriptions, condition indispensable pour limiter le risque d’erreurs de correction portant préjudice aux usagers.
Sur le plan matériel, près de 4 000 montures recyclées ont traversé l’Atlantique dans des caisses normalisées, après un tri méticuleux mené par des étudiants en optique à Lyon. Le fret a été assuré en partie par une société de logistique locale.
Le ministère de la Santé, informé du projet, a facilité les démarches douanières et accordé une autorisation temporaire d’importation à but humanitaire. Ce soutien administratif illustre, selon l’association, « une convergence d’objectifs avec la stratégie nationale de lutte contre la déficience visuelle ».
Impact sociétal et accessibilité
Les organisateurs ciblent prioritairement les quartiers périphériques de Makélékélé et Talangaï, où le revenu médian demeure inférieur au seuil urbain national. Là, le prix d’une paire de lunettes représente souvent plus d’un tiers du salaire mensuel, freinant l’accès à une correction appropriée.
Selon une enquête de l’Observatoire congolais de la santé réalisée en 2022, 18 % des adultes brazzavillois souffrent d’une pathologie ophtalmologique non suivie. Cette statistique, rappelée par le docteur Irène Ngoma, ophtalmologue au CHU, révèle un enjeu de santé publique pouvant impacter la productivité nationale.
En facilitant la détection précoce des anomalies visuelles, la campagne contribue également à réduire le décrochage scolaire. « Beaucoup d’enfants considérés distraits peinent simplement à lire le tableau », explique la sociologue éducative Clarisse Loubaki, qui mènera une observation participante lors des consultations.
Témoignages et attentes des bénéficiaires
Dans l’arrondissement Mfilou, Marcel, quarante-huit ans, menuisier, espère pouvoir reprendre des travaux de finition nécessitant une vision de près précise : « Depuis un an je confonds les mesures, je refuse des commandes ». Il voit dans l’opération une occasion de « redevenir compétitif ».
À Talangaï, la lycéenne Mireille s’inquiète de ses maux de tête répétés. Son professeur principal confie que la jeune fille, brillante en mathématiques, « bute désormais sur des lignes de chiffres ». Pour elle, l’obtention de lunettes représente la possibilité de maintenir son excellence académique.
Ces récits individuels traduisent une réalité collective : l’accès à l’optique demeure un baromètre d’inclusion sociale. L’action de l’Assab, en offrant un soulagement tangible, participe à restaurer la confiance et à consolider le tissu économique local par de petites victoires quotidiennes.
Perspectives structurelles de la santé oculaire
Si la campagne reste ponctuelle, elle s’inscrit dans un mouvement plus large promu par l’Organisation mondiale de la santé, qui encourage les États à intégrer l’ophtalmologie de première ligne dans leurs plans sanitaires. Le Congo a déjà adopté en 2021 un cadre stratégique axé sur la prévention.
Le professeur Patrice Mavoungou, conseiller technique au ministère, souligne la nécessité d’étoffer la formation paramédicale : « Nous comptons moins de deux cents opticiens pour cinq millions d’habitants ». Il voit dans l’initiative associative un plaidoyer pour accélérer le déploiement de filières spécialisées.
À moyen terme, l’Assab veut implanter un atelier de reconditionnement de montures à Maloukou. Le site créerait des emplois et abaisserait les coûts logistiques. Le projet, actuellement étudié, pourrait réunir la société civile, les autorités et des investisseurs privés.
En attendant, la distribution annoncée suscite un engouement palpable. Les listes d’inscription affichent déjà complet dans trois centres de santé. Pour nombreux habitants, chaque paire de lunettes obtenue symbolisera non seulement une clarté visuelle retrouvée, mais aussi l’espoir d’un avenir plus productif.
Les spécialistes rappellent qu’une approche intégrée doit inclure la promotion de l’hygiène oculaire. Dans un contexte de forte urbanisation, poussière, pollution et usage prolongé des écrans accentuent la fatigue visuelle. Une campagne d’information accompagnera la distribution, diffusant des conseils pratiques en langues locales et en français.
À la fin des sept jours, chaque bénéficiaire sera orienté vers un circuit de suivi gratuit durant six mois, grâce à un protocole conclu avec trois cabinets ophtalmologiques. Cette continuité de soin, rarement proposée dans les actions ponctuelles, constitue une innovation saluée par les professionnels.