Ouverture solennelle de la session budgétaire
La dixième session ordinaire budgétaire de la quinzième législature s’est ouverte le 15 octobre 2025 dans l’hémicycle du Palais du parlement, à Brazzaville. L’assemblée, pleine d’émotion contenue, a mêlé rigueur budgétaire et recueillement, sous le marteau du président Isidore Mvouba, maître de cérémonie.
Dès les premières minutes, l’orateur a mis en avant la symbolique d’une session consacrée aux comptes de la Nation mais également à la gratitude envers deux artisans de la vie parlementaire, récemment disparus, André Georges Mouyabi et Joseph Mbossa, tous deux liés à des pages charnières.
Le protocole républicain a, pour l’occasion, déroulé un écrin de solennité : pupitres drapés de tricolore, fanfare de la Garde républicaine, minute de silence, puis la lecture, par le secrétaire de séance, des courriers de condoléances adressés par le chef de l’État.
La mémoire d’André Georges Mouyabi
Premier président de l’Assemblée nationale du Congo-Brazzaville indépendant, entre 1966 et 1968, André Georges Mouyabi incarnait, selon Isidore Mvouba, « l’élégance d’un verbe apaisant et l’autorité d’un juriste ». Né à Ditadi, il avait vu défiler plusieurs régimes sans jamais perdre sa fibre républicaine fondamentale et un sens rarissime du consensus.
L’ancien ministre, décédé à Paris le 18 septembre, a bénéficié d’honneurs dignes de son parcours : veillée funèbre au Palais des congrès, messe d’action de grâces, puis transfert vers Madingou où une foule dense, conduite par les autorités départementales, l’a accompagné jusqu’à sa dernière maison dans une atmosphère recueillie.
Au pupitre, Mvouba a rappelé que l’hémicycle lui doit l’institutionnalisation des commissions permanentes. « Son sens de l’efficacité reste le repère de nos travaux », a-t-il souligné, invitant les députés à poursuivre la modernisation des procédures, conformément aux orientations stratégiques du Plan national de développement actuel 2022-2026 concerté.
Le parcours de Joseph Mbossa
Moins connu du grand public, mais fort respecté à l’Assemblée, Joseph Mbossa représentait la circonscription d’Abala depuis 2017. Âgé de 70 ans, il a succombé le 28 septembre à Paris, après une carrière discrète consacrée à la fiscalité locale et au développement rural dans le département des Plateaux.
La dépouille de l’élu a été rapatriée le 14 octobre, saluée sur le tarmac de Maya-Maya par une garde d’honneur, des applaudissements sobres et des chants issus des traditions téké. L’émotion a gagné les agents aéroportuaires, habitués pourtant aux protocoles funéraires officiels mais touchés par sa simplicité légendaire.
À l’instar de son aîné, Mbossa a reçu, le 20 octobre, l’hommage du Parlement puis du parti au pouvoir, le PCT. Dans la grande salle du Palais des congrès, ses collègues ont salué « un homme de dossiers », expert en lecture budgétaire et dialogue communautaire depuis les villages.
Le lendemain, convoi funèbre et prières se sont rendus à Abala où les populations ont bravé la chaleur pour accompagner le cercueil jusqu’au cimetière familial. Au premier rang, le président Mvouba a déposé une gerbe, rappelant que « chaque mandat local irrigue la cohésion nationale » et fortifie la démocratie participative.
Des hommages républicains fédérateurs
Les cérémonies ont mis en lumière la tradition congolaise d’hommage sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso. Le chef de l’État a fait parvenir messages de condoléances et couronnes, soulignant que le Parlement reste « le cœur battant des aspirations populaires », même dans les moments de deuil et recueillement.
De nombreux diplomates accrédités à Brazzaville, voisins d’Afrique centrale et partenaires bilatéraux, ont pris place dans les tribunes. Leur présence a rappelé que la stabilité institutionnelle du Congo-Brazzaville constitue un capital précieux, reconnu au-delà du fleuve, et qu’elle se nourrit du respect de ses serviteurs disparus.
Le chœur parlementaire a interprété, pour clôturer la séance, un arrangement du chant traditionnel « Bana ba Congo » suivi de l’hymne national. Dans l’hémicycle, les députés, debout, ont entonné la strophe appelant à « travailler pour l’ordre et la dignité », symbole transversal aux deux élus et hommage aux valeurs républicaines partagées.
Le parlement face au devoir de mémoire
Au-delà du protocole, la double disparition rappelle l’urgence de capitaliser les savoirs accumulés par les anciens. Le bureau de l’Assemblée a ainsi annoncé la création d’un fonds d’archives audiovisuelles consacré aux figures parlementaires, projet qui bénéficiera d’un appui technique du ministère de la Culture et d’un budget initial.
En parallèle, une proposition de résolution envisage la désignation d’une journée annuelle du député disparu, permettant aux écoles de visiter le Parlement et de dialoguer avec les élus. Pour le président Mvouba, il s’agit d’« ancrer l’histoire dans la conscience civique de la jeunesse » selon ses mots.
Le rideau est finalement tombé sur la séance, laissant place aux débats budgétaires. Mais l’empreinte des deux parlementaires devrait planer tout au long de la session, comme un appel silencieux à la responsabilité collective. « Le meilleur hommage reste le travail législatif bien fait », a résumé Mvouba sous l’œil attentif.
